Loïc (nom d'emprunt) est agent de fourrière à La Réunion. Pour lui, chaque journée de travail comporte un défi : ne pas craquer. "J’essaie de me blinder. Quand j’entre dans la fourrière, c’est comme si je retenais mon souffle", raconte celui qui "déteste [son] travail". Mais impossible de ne pas être impacté.
Le moment des euthanasies est l’un des plus difficiles. C’est deux fois par semaine. "Avant qu'on commence à aller chercher les animaux, il y a un silence. Ça devient mécanique. C’est un peu comme si on se mettait en off pour pouvoir supporter", raconte-t-il.
"Certains me font penser à mon chien"
Les animaux, qui auront précédemment ingurgité un calmant, sont amenés jusqu’à la table où ils seront piqués létalement par le vétérinaire. Pendant l’opération, Loïc maintient l’animal, dont il déposera ensuite le cadavre avec ceux des autres, dans une autre pièce. "Certains me font penser à mon chien", confie avec émotion celui qui aime les animaux. Des images qui le poursuivent bien au-delà de l’établissement, et qui vont jusqu'à perturber son sommeil.
Les cadavres, il les ramasse aussi sur les routes, parfois dans un sale état, voire carrément décomposés. Les images sont traumatisantes et l'odeur nauséabonde. "On peut avoir des journées où on va en récupérer une douzaine, et certains jours seulement deux ou trois". Les captures, plusieurs fois par jour, sont aussi des moments délicats. "Je cherche le contact et j’essaie que ça soit le plus calme possible. J’ai du mal à voir un chien se débattre au bout d’un lasso. Les scènes sont parfois difficiles, lorsque les animaux ne sont pas sociabilisés", décrit-il. "Et on sent la pression des gens autour". Les rapports avec le public sont d’ailleurs un autre point sensible.
À qui la faute ?
"On reçoit régulièrement des insultes. Les gens ne comprennent pas", exprime l’agent, pourtant en bout de chaîne d’une problématique dont les causes sont bien connues. "La responsabilité est celle des propriétaires qui laissent leurs animaux divaguer sur la voie publique", affirme-t-il. Surtout s'ils ne sont pas stérilisés, et participent ainsi activement à la prolifération animale. La responsabilité revient aussi à ceux qui abandonnent, à ceux qui utilisent les animaux pour de la reproduction (ce qui fait l'objet d'une véritable économie souterraine), ainsi qu'aux autorités régulièrement pointées du doigt pour leur manque de réaction.
Loïc regrette également que les collectivités "suppriment le problème" des administrés en supprimant des animaux, ce qui ne permet pas de les responsabiliser. "On ne travaille pas vraiment sur l’errance. La plupart des actions de sensibilisation proviennent d’initiatives privées".
"Il faudrait punir, verbaliser", juge celui déplore que "certains voient les animaux comme des objets de consommation. Des faire-valoir". Loïc estime d’ailleurs que "ça devrait être moins facile d’avoir un animal" au vu des responsabilités que ça implique : "Il faudrait un certificat de capacité". Autre reproche, un manque de soutien de la police municipale. "En cas de conflit entre voisins portant sur un animal, on devrait avoir leur soutien. Mais bien souvent, ils renvoient vers la fourrière, alors que nos missions devraient se limiter à la voie publique".
Des habitués
À la tristesse et à l’indignation profonde se mêlent aussi l’exaspération et le sentiment d’impuissance. "Les choses ne s’améliorent pas", regrette-t-il. D’ailleurs, la fourrière accepte même les animaux déposés par les propriétaires, ce qui ne relève normalement pas de sa mission. "Il y a même des habitués", se désole-t-il.
Le moment des euthanasies est l’un des plus difficiles. C’est deux fois par semaine. "Avant qu'on commence à aller chercher les animaux, il y a un silence. Ça devient mécanique. C’est un peu comme si on se mettait en off pour pouvoir supporter", raconte-t-il.
"Certains me font penser à mon chien"
Les animaux, qui auront précédemment ingurgité un calmant, sont amenés jusqu’à la table où ils seront piqués létalement par le vétérinaire. Pendant l’opération, Loïc maintient l’animal, dont il déposera ensuite le cadavre avec ceux des autres, dans une autre pièce. "Certains me font penser à mon chien", confie avec émotion celui qui aime les animaux. Des images qui le poursuivent bien au-delà de l’établissement, et qui vont jusqu'à perturber son sommeil.
Les cadavres, il les ramasse aussi sur les routes, parfois dans un sale état, voire carrément décomposés. Les images sont traumatisantes et l'odeur nauséabonde. "On peut avoir des journées où on va en récupérer une douzaine, et certains jours seulement deux ou trois". Les captures, plusieurs fois par jour, sont aussi des moments délicats. "Je cherche le contact et j’essaie que ça soit le plus calme possible. J’ai du mal à voir un chien se débattre au bout d’un lasso. Les scènes sont parfois difficiles, lorsque les animaux ne sont pas sociabilisés", décrit-il. "Et on sent la pression des gens autour". Les rapports avec le public sont d’ailleurs un autre point sensible.
À qui la faute ?
"On reçoit régulièrement des insultes. Les gens ne comprennent pas", exprime l’agent, pourtant en bout de chaîne d’une problématique dont les causes sont bien connues. "La responsabilité est celle des propriétaires qui laissent leurs animaux divaguer sur la voie publique", affirme-t-il. Surtout s'ils ne sont pas stérilisés, et participent ainsi activement à la prolifération animale. La responsabilité revient aussi à ceux qui abandonnent, à ceux qui utilisent les animaux pour de la reproduction (ce qui fait l'objet d'une véritable économie souterraine), ainsi qu'aux autorités régulièrement pointées du doigt pour leur manque de réaction.
Loïc regrette également que les collectivités "suppriment le problème" des administrés en supprimant des animaux, ce qui ne permet pas de les responsabiliser. "On ne travaille pas vraiment sur l’errance. La plupart des actions de sensibilisation proviennent d’initiatives privées".
"Il faudrait punir, verbaliser", juge celui déplore que "certains voient les animaux comme des objets de consommation. Des faire-valoir". Loïc estime d’ailleurs que "ça devrait être moins facile d’avoir un animal" au vu des responsabilités que ça implique : "Il faudrait un certificat de capacité". Autre reproche, un manque de soutien de la police municipale. "En cas de conflit entre voisins portant sur un animal, on devrait avoir leur soutien. Mais bien souvent, ils renvoient vers la fourrière, alors que nos missions devraient se limiter à la voie publique".
Des habitués
À la tristesse et à l’indignation profonde se mêlent aussi l’exaspération et le sentiment d’impuissance. "Les choses ne s’améliorent pas", regrette-t-il. D’ailleurs, la fourrière accepte même les animaux déposés par les propriétaires, ce qui ne relève normalement pas de sa mission. "Il y a même des habitués", se désole-t-il.
Toutes ces tensions quotidiennes ont des répercussions sur la santé de Loïc, mentale bien sûr mais aussi, par ricochet, sur sa santé physique. L'employé de fourrière déplore d’ailleurs qu’aucun suivi psychologique ne soit proposé aux agents pourtant soumis à de vives émotions. "Certains sont plus sensibles que d’autres, mais je pense que même ceux qui ne montrent rien sont atteints".
20% du total national d’euthanasies
Seule petite lumière dans son quotidien : lorsque la SPA passe pour sélectionner la poignée d’animaux qui pourra être placée en refuge et échapper à la mort. Il incite d'ailleurs les gens à adopter plutôt qu'à acheter, pour donner à ces animaux l'autre chance qu'ils méritent. "Si l'achat pourrait faire penser que le propriétaire a les moyens de s'occuper de son animal, on constate souvent le contraire : délaissé soit au fond d'une cage, soit sur la voie publique. Et dès qu'il montre des problèmes de santé, beaucoup s'en débarrassent". Alors pour Loïc, ces animaux sauvés de la fourrière,"c’est la goutte d’eau qui permet de tenir le coup". Une bien maigre consolation par rapport à la quantité d'euthanasies.
Chaque année, les fourrières de l'île de La Réunion prennent en charge en moyenne 11.500 chiens et chats errants, selon les données communiquées par les services de la préfecture. Environ 85 % de ces animaux sont euthanasiés, soit près de 7250 chiens et 2250 chats - ce qui représente près de 20% du total national d’euthanasies. À cela s'ajoutent les 7000 cadavres ramassés sur les routes de l'île.
20% du total national d’euthanasies
Seule petite lumière dans son quotidien : lorsque la SPA passe pour sélectionner la poignée d’animaux qui pourra être placée en refuge et échapper à la mort. Il incite d'ailleurs les gens à adopter plutôt qu'à acheter, pour donner à ces animaux l'autre chance qu'ils méritent. "Si l'achat pourrait faire penser que le propriétaire a les moyens de s'occuper de son animal, on constate souvent le contraire : délaissé soit au fond d'une cage, soit sur la voie publique. Et dès qu'il montre des problèmes de santé, beaucoup s'en débarrassent". Alors pour Loïc, ces animaux sauvés de la fourrière,"c’est la goutte d’eau qui permet de tenir le coup". Une bien maigre consolation par rapport à la quantité d'euthanasies.
Chaque année, les fourrières de l'île de La Réunion prennent en charge en moyenne 11.500 chiens et chats errants, selon les données communiquées par les services de la préfecture. Environ 85 % de ces animaux sont euthanasiés, soit près de 7250 chiens et 2250 chats - ce qui représente près de 20% du total national d’euthanasies. À cela s'ajoutent les 7000 cadavres ramassés sur les routes de l'île.