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Interdiction de vente d’alcool à Saint-Gilles : Du « racisme social »

La mairie de Saint-Paul a produit un arrêté en date du 11 juillet, qui interdit la vente de boissons alcoolisées à emporter après 21h, dans le périmètre restreint de Saint-Gilles-les Bains. Jean-Louis Vidot est propriétaire de deux boutiques de nuit, à Boucan-Canot et Saint-Gilles centre, il estime être le seul commerce ciblé par cet arrêté municipal. Entretien

Ecrit par zinfos974 – le lundi 23 juillet 2018 à 17H13

Jean-Louis Vidot a ouvert trois boutiques de nuit, l’une se situe place des coquillages à Boucan-Canot, la seconde chemin Bottard, en plein centre de Saint-Gilles, et la troisième en centre-ville de Saint-Leu. La ville de Saint-Paul a, le 11 juillet, interdit par arrêté municipal la vente d’alcool à emporter de 21h à 8h. C’est le coup de grâce pour Jean-Louis Vidot, qui estime être le seul commerçant à subir les effets de cette interdiction. 

Monsieur Vidot affirme être victime d’un acharnement administratif, depuis janvier 2018. La sous-préfecture lui a signifié fin juin qu’il devait choisir une date pour une fermeture administrative de 7 jours. En date du 13 juillet, la sous-préfecture lui a finalement envoyé une lettre pour lui signifier la levée de cette sanction administrative. Le 13 juillet, soit deux jours après l’arrêté municipal, ce hasard du calendrier n’en est pas un pour M. Vidot.

« Depuis janvier, au moins une fois par mois, nous avons eu droit à des descentes de gendarmes, qui me demandaient mes papiers, mon K-bis, mon permis de vente d’alcool, l’autorisation de la mairie. Je l’ai vécu comme un véritable harcèlement! », s’insurge l’entrepreneur réunionnais. L’arrêté municipal est le point d’orgue des péripéties administratives de M. Vidot, et met un terme à l’activité nocturne des boutiques, car, si en journée les clients achètent des denrées alimentaires ou des produits d’hygiène, les clients du soir viennent essentiellement acheter de l’alcool et des cigarettes, et discuter entre habitués. 

De l’alcool que Jean-Louis Vidot vend bien moins cher que les débits de boissons des alentours de ses boutiques, attirant ainsi un public peu habitué aux cocktails en terrasse. Une clientèle « la kour », qui est bienheureuse de trouver du lien social, à l’ancienne, une « boutik sinois », en sorte. « Dans Saint-Gilles, depuis que j’ai ouvert ma boutique, des gars des quartiers Carrosse et Bottard réinvestissent le territoire du centre-ville. Cela semble ne pas plaire à tous, je pense que derrière cette histoire, il y a des commerçants qui vendent l’alcool quatre fois plus cher que moi, je dérange. », affirme M. Vidot, qui n’hésite pas à parler de stigmatisation concernant sa clientèle. « C’est du racisme social, le créole n’a plus le droit d’être dans Saint-Gilles », dit-il. 

Jean-Louis Vidot se désole de l’effet immédiat de cet arrêté municipal : il devra se séparer de deux de ses employés. Des employés que ce patron choisit avec soin, afin de les réinsérer dans le monde du travail. Ses boutiques sont devenues de véritables partenaires d’un centre de formation, il emploie en grande majorité des contrats professionnalisants, et permet ainsi à des jeunes de se former à la vente. Jean-Louis Vidot met un point d’honneur à sortir des jeunes du chômage de longue durée, l’ayant connu lui-même. Cette idée de boutique lui tenait à coeur, elle est la perpétuation d’une tradition créole, qui, selon lui, se meurt. 

Interrogé sur les raisons de cet arrêté, Jean-Louis Vidot affirme que ses boutiques ne sont pas cause de délinquance et de bagarres. « Des bagarres, il y en a eu quelques unes, ce n’est plus le cas depuis que je fais appel à des agents de sécurité, qui canalisent les éventuels débordements. L’ambiance des boutiques est bon enfant, elles créent du lien social. » Selon M. Vidot, les causes sont à chercher plutôt du côté de la politique, il estime en effet qu’il s’agit d’un calcul : « Joseph Sinimalé a fait très peu de voix à saint-Gilles, il cherche à récupérer des électeurs. Le périmètre de cet arrêté est net : il exclut Saint-Paul ville et les hauts, soit ses réservoirs de voix. Il essaie de conquérir les Saint-Gillois du centre-ville, en faisant plaisir aux bars et restaurants du centre, ainsi qu’aux bien-pensants qui ne veulent pas que les habitants de Carrosse et Bottard réinvestissent le centre-ville. »

L’arrêté municipal affiche pour objectif de diminuer les risques de trouble à l’ordre public liés à la consommation d’alcool dans Saint-Gilles. Les bars du centre-ville ont dérogation pour ouvrir jusqu’à 2h, ainsi l’alcool coule-t-il à flots dans les établissements de nuit, à saint-Gilles. « Je ne comprends pas, les bars ne génèrent-ils pas du désordre public? Seule l’épicerie de nuit crée-t-elle du désordre? », s’interroge Jean-Louis Vidot, qui se vit comme le bouc-émissaire de la délinquance liée à l’alcool. « La mairie affirme que c’est à cause d’une hausse de la délinquance, alors qu’elle diminue les effectifs de la police municipale! Cette méthode est ridicule : pour gérer la crise requins, on ferme l’accès à l’eau, pour gérer la délinquance, on ferme les boutiques de nuit! », s’énerve l’entrepreneur.

Jean-Louis Vidot a créé une boîte de livraison d’apéritif, qui couvre tout le secteur de Saint-Gilles. Il estime que la livraison a un intérêt en matière de prévention du risque d’accidents de la route liés à l’alcool. Un avis que semble ne pas partager la mairie de Saint-Paul, qui, dans son arrêté, interdit aussi la livraison d’alcool. Un argument de plus pour M. Vidot, qui se sent clairement ciblé par les autorités, et se réserve le droit d’aller au Tribunal Administratif contre ledit arrêté.
 

 

 

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