Lory fait ici référence aux différentes affaires d’escroquerie révélées dans nos pages et dans d’autres médias, que ce soit au niveau local ou national. Récemment, une infirmière dionysienne de 61 ans a en effet été accusée d’avoir perçu un million d’euros sur trois ans en se faisant remplacer par plusieurs collègues, en falsifiant des ordonnances ou en affectant de mauvaises cotations aux actes prescrits.
Facturations et remboursements passent par la carte vitale du patient mais aussi par la carte professionnelle de santé (CPS) de l’infirmier libéral. Pour rappel, les prestations de soins qui ouvrent droit à un remboursement de l’Assurance maladie pour les infirmiers relèvent obligatoirement d’un médecin prescripteur. « Chaque soin est coté selon une nomenclature nationale », précise ensuite Lory. « La cotation détermine également la durée de l’acte », explique l’infirmier. La Caisse d’assurance maladie est en charge des contrôles des actes réalisés. Leur service de lutte contre les fraudes considère ainsi comme suspect des honoraires dépassant 200.000 euros annuel.
En 2015, la Cour des comptes s’est notamment intéressée de près au revenu des infirmiers libéraux et constaté une augmentation des effectifs mais aussi des remboursements. Ont notamment été évoqués comme explications des soins ambulatoires plus importants ou une population vieillissante. Restent que les erreurs, anomalies et les fraudes concernent entre 5 à 7% des versements de l’Assurance maladie pour des montants indus de plusieurs centaines de millions d’euros au total.
Depuis 2021, l’ensemble des communes de La Réunion sont classées comme sur-dotées en infirmiers. Un classement qui limite fortement l’ouverture de nouveaux cabinets. Cette surdensité peut ainsi expliquer l’augmentation de la dépense en soins mais aussi une concurrence plus forte qui pourrait inciter les plus cupides à facturer en dehors des clous.
« Les gens s’informent, comprennent », souligne Lory. Cette minorité de soignants qui ternissent l’image de la profession a des conséquences : méfiance, questionnements et suspicions envers les infirmiers libéraux. « Si les patients ont des doutes, ils peuvent toujours se référer à leur relevé Ameli qui liste tous les actes », rappelle Lory. « Il faut en finir avec le mythe des soignants qui arrivent en gros 4X4 sans éteindre le moteur pour 5 minutes de soins ». Ces cas de fraude ne doivent pas masquer la réalité d’une profession qui avant tout œuvre dans le paramédical et le social, plaide le professionnel. « Nous sommes là pour aider les patients. Il faut donc prendre le temps nécessaire. Pendant le confinement, nous étions l’une des seules professions à nous déplacer à domicile. Cela a renforcé encore davantage le lien entre patient et infirmier », se souvient Lory, passionné par son métier. « Si l’on veut avoir un confort de vie, il faut développer sa patientèle en travaillant bien et honnêtement ».
Être un bon praticien ne fait pas forcément de vous un bon gestionnaire. « Cela reste une activité libérale avec des charges », souligne Lory. « Les soins sont la partie visible de l’iceberg, le plus gros c’est la gestion ». Gérer les comptes et l’administration « s’apprend sur le tas ».
Sur la balance du choix d’exercer en libéral pèse également une vie de famille « sacrifiée ». « En général, un infirmier libéral fait une carrière de 20 ans. Il travaille pendant 10 à 15 ans comme un bœuf et essaye de souffler un peu les dernières années « , résume Lory.