« On se sent impuissantes », déclare Evelyne Corbière, secrétaire générale de l’Union Femmes Réunionnaises (UFR), face au triple infanticide de la Rivière des Galets perpétré ce dimanche. Le drame s’est déroulé alors que les enfants étaient en vacances chez leur père. « Ils étaient l’ultime moyen d’anéantir la victime, car elle n’était plus accessible », souligne-t-elle.
En effet, la femme, Julie, avait contacté l’association UFR début février pour déclarer les violences de son conjoint et demander de l’aide. Elle a porté plainte le 6 février, appelé le 115 pour obtenir un logement d’urgence et fait toutes les démarches nécessaires. « Tout avait été fait pour qu’elle soit mise à l’abri », déclare Evelyne Corbière.
Julie avait décidé de quitter le logement familial début février. « Elle était déterminée, j’avais face à moi une femme avec une grande force qui ne doute pas », souligne-t-elle. Elle avait conscience qu’il fallait avancer. Grâce à son acharnement, elle avait réussi à obtenir un logement dans l’Est, à Bras-Panon. « Elle avait eu les clés la semaine dernière et avait commencé son déménagement ce weekend pour que ses enfants puissent faire leur rentrée dans leur nouvelle école », confie la secrétaire générale de l’UFR.
Pour Evelyne Corbière, « il faut absolument que les choses changent ». Bien qu’il y ait eu un premier éveil des consciences de la part du grand public, selon elle, la justice, quant à elle, reste sourde face à tout cela. La justice protège les droits parentaux, et donc celui du père, avant les droits des enfants.
Selon elle, il y a abus de procédure. « Ils utilisent la justice contre les mamans. Moins il y aura de contact entre les enfants et le père, plus la justice s’en prendra à la mère d’avoir voulu rompre tout contact », confie-t-elle. En effet, elle avait quitté le domicile familial, mais le couple n’était pas officiellement séparé, le père n’était pas officiellement reconnu comme dangereux et coupable et avait donc toujours le droit de voir ses enfants.
« Evidemment nous avons un espoir que ce drame fasse prendre conscience la justice, mais cet espoir est infime », confie Evelyne Corbière. Selon elle, il faudrait des magistrats entièrement dédiés à ce problème. « On dit aux femmes de partir, mais d’un autre côté on fait le constat que le système est inefficace et que les femmes battues sont toujours face à leurs bourreaux ».
Les forces de l’ordre sont fatiguées, déclare-t-elle, « 76% des plaintes pour viol sont classées sans suite ». Au-delà de ça, le délai après un dépôt de plainte est beaucoup trop long. Evelyne Corbière confie qu’il y a « un vide juridique, les enfants ne sont pas protégés, alors qu’ils sont en réalité les premières victimes. Et c’est très grave, en ne leur donnant pas la parole, on crée des futurs adultes fragiles, voire même violents ».
Depuis ce drame, l’UFR est submergée de demandes d’aides d’urgence. « De nombreuses femmes nous appellent car elles se reconnaissent et sont extrêmement inquiètes de subir la même chose », explique Evelyne Corbière. Or le dilemme est toujours le même « soit on leur dit de prendre le risque de confier les enfants au père, soit de ne pas le faire et ainsi prendre le risque de finir en garde à vue ».