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Indivision successorale en Outre-mer: Les interventions dHuguette Bello

Pour trouver des solutions amiables aux nombreuses situations d’indivision successorale qui existent dans les Outre-mer, les députés ont adopté un dispositif dérogatoire au droit commun. Ci-dessous les interventions d'Huguette Bello sur cette question lors du débat qui s'est tenu récemment à l'Assemblée nationale :

Ecrit par N.P – le dimanche 21 janvier 2018 à 09H20
Proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale
Intervention d’Huguette BELLO
(18 janvier 2018)
 
 Pour que les nombreuses situations d’indivision successorale qui existent dans les Outre-mer puissent trouver des solutions amiables, les députés ont adopté un dispositif dérogatoire au droit commun : au lieu de l’unanimité, une majorité simple des indivisaires (50% + 1) pourra déclencher la vente ou le partage des biens indivis.
 
Huguette Bello est intervenue tout au long de ce débat : au cours de la discussion générale mais aussi pour défendre les amendements qu’elle a déposés.
 
L’un d’entre eux a donné lieu un riche débat car il conditionne largement la mise en application du dispositif pour les actes de partage.
 
Il n’a pas été adopté en raison de la règle adoptée par ce gouvernement selon laquelle les mesures fiscales relèvent de la seule loi de finances y compris lorsqu’il s’agit d’un texte dérogatoire à durée limitée (10 ans). Donc rendez-vous est pris pour le prochain budget.
 
Mais étant donné son importance, le compte-rendu du débat autour de cet amendement figure ci-dessous. 

 
 
– I –
 
Discussion générale
 
 
« Foncier gelé », « fléau endémique de l’indivision », « paralysie du territoire » : les termes vont tous dans le même sens pour qualifier une situation commune aux outre-mer et qui ne cesse de s’aggraver. Les causes principales du phénomène sont connues : un contexte historique marqué par la colonisation, une tradition empreinte d’oralité, la création tardive du cadastre, le passage d’une société traditionnelle à une modernité porteuse de normes nouvelles et souvent plus contraignantes.

Selon l’AGORAH, l’agence d’urbanisme de La Réunion, plus de 5 000 hectares sont concernés par les indivisions successorales, dont 400 sont localisés au sein même des zones urbaines ou à urbaniser, les ZU et les ZAU des communes. Et il est évident que, loin d’arranger les choses, le temps aggravera les difficultés à mesure que s’accroîtra le nombre d’héritiers, donc de co-indivisaires.
Entre la situation décrite en 1971 par Me Jean Mas dans la thèse de doctorat qu’il a consacrée à l’indivision à La Réunion et celle d’aujourd’hui, le problème s’est singulièrement compliqué. Ce qui laisse penser qu’en l’absence de mesures appropriées, le décalage entre notre réalité foncière et le droit commun risque d’aboutir à un point de rupture.

L’initiative de notre collègue Letchimy est donc particulièrement bienvenue. Le texte qu’il nous soumet répond à une très forte attente, puisqu’il doit permettre de débloquer des situations d’indivision devenues inextricables, voire conflictuelles, mais aussi de favoriser une nouvelle dynamique foncière.
Le dispositif proposé concilie la nécessité absolue de faciliter la sortie des indivisions et le respect fondamental du droit de propriété. D’une part, il permet aux héritiers, dès lors qu’ils représentent au moins la moitié des co-indivisaires, de recourir à un notaire pour procéder à la vente ou au partage amiable de leur bien, c’est-à-dire de déroger à la fois à la règle de l’unanimité et à celle de la majorité des deux tiers pour les procédures judiciaires. D’autre part, la loi devrait permettre aux indivisaires minoritaires de manifester leur opposition devant un notaire, l’autorisation de vente ou de partage relevant alors du juge qu’il reviendra à la majorité des indivisaires de saisir.

Ces propositions sont ambitieuses. Il y a d’ailleurs fort à parier que leur application reléguera au second plan la dérogation votée en 2014 concernant la vente des terres agricoles dans les outre-mer.

Le dispositif veille également à concilier la possibilité pour les indivisaires d’accéder à la pleine gestion de leur patrimoine et l’urgence d’offrir à nos concitoyens des lieux de vie où sont réunies les conditions de la sécurité sanitaire, publique et économique, ainsi que l’impose l’intérêt général.

Car comment mener une politique d’aménagement urbain efficiente lorsque les décisions se heurtent encore et encore à l’existence d’espaces urbains que le droit contribue à laisser de côté ? Même si elle est rarement mise en avant, l’indivision successorale est l’un des facteurs explicatifs de la crise persistante du logement dans les outre-mer et du blocage des opérations de lutte contre l’habitat indigne. De ce point de vue, il faut avoir à l’esprit le contexte de forte spéculation foncière et la nécessité d’imaginer dès à présent des garde-fous pour que l’offre de terrains supplémentaires serve bien l’intérêt général.

Ce texte aborde une question sensible à plus d’un titre. Rien ne serait pire que de prévoir des dérogations importantes, mais inapplicables à l’usage. C’est pourquoi les cas d’espèce méritent notre attention.

Ainsi, par exemple, la situation où il est devenu impossible d’attribuer à chaque co-indivisaire la part qui lui revient, ou celle où l’un d’entre eux a construit son habitation sur le terrain indivis. Dans ces deux cas, non seulement le versement de la soulte prévue par la législation est très souvent difficile, mais il est également presque impossible d’y renoncer, puisque cette décision déclenche le versement de droits de mutation à titre gratuit. Voilà pourquoi il paraît sage de ne pas attendre l’évaluation du dispositif au bout de dix ans et de prévoir d’ores et déjà dans le texte un dispositif de cantonnement légal dans les actes de partage.

Dans le même esprit, toujours pour faciliter les actes de partage, nous devrions nous inspirer de la solution corse et permettre l’exonération du droit de 2,5 % prévu à l’article 750 du code général des impôts.

Enfin, comment ne pas aborder le problème récurrent de la carence des titres de propriété, qui contribue également aux difficultés auxquelles se heurtent les politiques foncières ? Le groupement d’intérêt public dont la création a été votée en 2009 n’a jamais vu le jour et, contrairement à ce qui se passe aux Antilles, il n’existe à La Réunion ni agence des cinquante pas géométriques ni commission de validation des titres de propriété auxquelles la mission de titrement pourrait être confiée.

Parmi les multiples objectifs du texte figure assurément la volonté de créer un climat apaisé et confiant, le seul propice au règlement le plus juste des situations d’indivision. C’est pourquoi nous soutiendrons toutes les adaptations favorisant les actes de vente et de partage amiable, avant de voter naturellement pour cette proposition de loi.
 

– II – Amendement
 
M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement n46 rectifié.

Mme Huguette Bello. Le dispositif proposé dans cet amendement est très important, car de son adoption dépendra pour une bonne part l’efficacité de la loi en ce qui concerne les actes de partage.

En effet, la loi doit clairement envisager les cas de partage qui ne sont pas précédés par l’aliénation du bien, d’autant plus que ces situations sont et seront nombreuses. Lorsque les héritiers souhaiteront que la succession soit réglée par un partage amiable, chaque co-indivisaire devra recevoir une part, le plus souvent identique. Mais cette règle n’est pas toujours facile à respecter, surtout lorsque l’un d’entre eux a construit sa maison sur le bien indivis.

C’est pourquoi, afin de rendre l’acte de partage possible, la législation prévoit le versement d’une soulte au bénéfice de ceux qui ne pourront pas recevoir leur part en nature. Mais une nouvelle difficulté surgit, qui réside dans l’impossibilité, pour de nombreux co-indivisaires, de verser cette soulte.

Je rappelle que, dans l’ouest de La Réunion par exemple, 70 % des habitations réputées indignes sont en indivision. Il arrive assez souvent que, dans ces cas-là, ce soient les familles qui prennent l’initiative de régler le problème en renonçant à la perception de la soulte qui leur revient. Se dresse alors un nouvel obstacle, de nature fiscale, cette fois, puisque cette renonciation est assimilée à une libéralité déclenchant des droits de mutation à titre gratuit.

Cet amendement vise à régler cette cascade de difficultés en prévoyant d’étendre le dispositif de cantonnement légal aux co-indivisaires dans les actes de partage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Letchimyrapporteur. Madame Bello, il s’agit là d’un excellent amendement, d’un amendement non pas pécuniaire mais de haute gamme morale. C’est pourquoi je le défends. J’insiste auprès de Mme  la ministre afin qu’elle accepte de l’étudier.

J’ignore la position du Gouvernement, mais il faut savoir que cet amendement traite d’un immense problème. L’abandon ou le versement, par une personne qui a des émoluments, de sa part peut être considéré comme une libéralité : cette personne peut donc être taxée. Ce n’est pas acceptable. La seule solution passe par un cantonnement. Or aujourd’hui seules les successions testamentaires peuvent être cantonnées et bénéficier du dispositif.

Nous demandons donc officiellement, compte tenu de l’importance du phénomène, qu’il soit possible d’élargir à l’outre-mer l’application du cantonnement dont bénéficient les successions testamentaires à la liquidation successorale classique.

M. Jean-Paul Lecoq. À situation exceptionnelle, décision exceptionnelle, madame la ministre !

Mme Annick Girardinministre. Je comprends bien à la fois l’amendement et le soutien du rapporteur. Le Gouvernement a pris une position : toute question d’ordre fiscal est débattue dans le cadre d’un projet de loi de finances. Cette proposition ne saurait donc être débattue dans le cadre d’une proposition de loi.
Je crois honnêtement que, si nous le faisions, le texte, qui est aujourd’hui porté collectivement, perdrait en crédibilité. Ce débat doit trouver sa place dans le prochain projet de loi de finances, comme cela a été le cas d’une mesure concernant Mayotte. S’il est possible de débattre du fond de cet amendement, en revanche, s’agissant de la forme, il convient de respecter le souhait du Gouvernement : toute mesure fiscale doit être débattue dans le cadre d’un projet de loi de finances.

M. Jean-Paul Lecoq. Je vous comprends bien, madame la ministre : toutefois, ce texte est exceptionnel, puisqu’il contient des mesures particulières, dérogatoires et temporaires, qui ne s’appliqueront pas à l’ensemble du territoire de la République.

Alors que, par principe, les citoyens français, quel que soit le lieu où ils habitent, sont à égalité devant la fiscalité, je me demande comment une loi de finances peut comporter une dérogation fiscale en lien avec des territoires particuliers et en rapport avec le mécanisme dont il est question dans le présent texte. Je ne suis pas persuadé que l’égalité de traitement de tous les citoyens devant la fiscalité serait alors respectée. Si vous pouvez le garantir, il n’y a pas de problème mais, dans le cas contraire, peut-être conviendrait-il d’adopter cette mesure d’ordre fiscal dans le cadre de cette proposition de loi, quitte à ce que sa traduction technique intervienne dans la loi de finances. Au moins le présent texte aura-t-il permis de faire passer le message.

M. Jean-Philippe Nilor et Mme Ericka Bareigts. Très bien !

M. Serge Letchimyrapporteur. Il convient absolument d’adopter une telle mesure. Toutefois, et alors même que j’aperçois déjà M. Vuillet préparer ses arguments contre l’amendement, je pense qu’il ne faut pas rejeter les propos de la ministre, qui se dit prête non pas à défendre elle-même une telle mesure mais à accepter qu’un amendement soit déposé dans le cadre du projet de loi de finances qui recevrait sinon le soutien, du moins la bienveillance du ministère des outre-mer.

Mme Annick Girardinministre. Monsieur le député, vous essayez de m’emmener plus loin que je ne le souhaite : je ne vous suivrai pas. (Sourires.)
J’ai simplement rappelé que le Gouvernement a adopté une manière de travailler. Deux ministères ont été concernés par le débat sur ce texte : le ministère de la justice, que je remercie, et celui des outre-mer, notamment à travers la DGOM – je la remercie également. Le ministère des finances, quant à lui, n’était pas partie prenante.

Une règle de travail a été décidée par ce gouvernement : cette mesure pourra être examinée à un autre moment, dans le cadre d’un autre débat.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Vuilletet.

M. Guillaume Vuilletet. Il n’est pas nouveau que des dispositions d’une loi de finances concernent spécifiquement certains territoires. Nous sommes présentement dans une dynamique qui nous permet d’avancer. L’argumentation de Mme la ministre est pertinente. Nous soutiendrons donc la position du Gouvernement.

(L’amendement n46 rectifié n’est pas adopté.)
 

 

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