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Il y a 10 ans, Mayotte devenait le 101ème département français

Le 31 mars 2011, Mayotte est devenue le 101e département français. 10 ans après cette date charnière, l’heure est à un premier bilan. Si des avancées sont indéniables, les difficultés et problématiques semblent toujours plus présentes que les progressions. Le chantier pour que l’île aux parfums rattrape le reste du territoire national reste énorme.

Ecrit par zinfos974 – le mercredi 31 mars 2021 à 00H03

Il y a exactement 10 ans, Mayotte devenait le 101e département de France. Une date majeure pour l’île qui pouvait à présent se considérer comme un territoire français à part entière. C’est en avril 1841 que l’île aux parfums est devenue française, il aura fallu attendre 170 ans pour qu’elle soit au même niveau administratif que le reste du territoire.

Mais ce changement de statut a-t-il permis d’améliorer la situation d’un territoire longtemps laissé de côté ? Nous avons tenté de dresser un bilan après une décennie de départementalisation.

De colonie à département : une histoire de référendum

C’est le 25 avril 1841 que Mayotte est devenue française. Le sultan de Mayotte – une île affaiblie par des luttes incessantes entre les différents sultanats des Comores – vend l’île à la France pour mille piastres. Elle deviendra l’île principale pour la France dans l’archipel des Comores. Celui-ci sera baptisé « Mayotte et dépendances ».

En 1946, les Comores changent de statut et deviennent un territoire d’outre-mer où Dzaoudzi reste le chef-lieu. Dès 1958, des revendications indépendantistes s’élèvent partout dans l’archipel sous l’impulsion du mouvement de décolonisation qui touche le monde. Mayotte, contrairement aux 3 autres îles de l’archipel, prend ses distances avec le mouvement indépendantiste.

Le 22 décembre 1974, les 4 îles de l’archipel des Comores sont invitées à s’exprimer lors d’un référendum. Les Mahorais votent à 63% contre l’indépendance, tandis que les autres îles des Comores votent à 99% pour l’indépendance. Moroni refuse ce choix et proclame l’indépendance de Mayotte unilatéralement le 6 juillet 1975, soutenu par l’ONU. Un second référendum est organisé et 99,4% des électeurs votent pour le maintien au sein de la République française.

Lors d’un entretien au JT de TF1 en 1975, Marcel Henry, le fondateur du mouvement populaire mahorais, justifiait ce choix. « Nous nous trouvons sous dépendance française depuis plus d’un siècle. Nous n’avons jamais eu à nous en plaindre, alors que dans l’autonomie interne, qui date d’une quinzaine d’années, nous avons eu à subir des répressions sanglantes. On a connu des répressions assez féroces de la part du gouvernement comorien. Alors, quand on fait le parallèle entre les deux régimes, nous préférons de beaucoup dépendre encore de la France », expliquait-il.

Le 11 juillet 2001, Mayotte obtenait le statut de collectivité départementale. En 2008, le gouvernement a proposé aux Mahorais de s’exprimer pour une départementalisation adaptée. Le 29 mars, les habitants votent à 95% pour la départementalisation. Celle-ci devient effective le 31 mars 2011.

De lentes améliorations…

Depuis, le défi a consisté à rapprocher Mayotte du reste du territoire national, mais le chantier est énorme. Au niveau du PIB par habitant, l’INSEE estime que la croissance a été de 3,5% par an. Entre 2011 et 2018, celui-ci est passé de 7222€ à 9251€ par habitant, soit seulement 27% de la moyenne nationale. La création d’entreprises a doublé entre 2012 et 2020, passant de 700 à 1350. Une nette amélioration est à noter au niveau du tourisme où l’île aux parfums est passée de 48 200 visiteurs en 2010 à 65 500 en 2019.

Pour Abdouroihnani Zoubert, le président de l’association Mayotte en SousFrance, c’est dans l’action sociale qu’il y a eu des avancées majeures. Ainsi, l’île a vu l’implantation d’une Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ainsi que le développement d’une PMI, protection maternelle et infantile. Le militant est satisfait de voir que Mayotte dispose à présent d’un rectorat de plein exercice, de même que la mise en place d’une Agence régionale de santé il y a un an.

…mais une longue liste de problèmes toujours bien présents

10 ans après être devenu un département, la pauvreté gangrène toujours la société mahoraise. Comme évoqué plus haut, le PIB par habitant représente 27% de celui de la moyenne nationale. Le taux de pauvreté monétaire entre 2012 et 2017 est seulement descendu de 84% à 77%.

Pire, entre 2012 et 2017, la part des logements en tôle comme résidence principale a augmenté de 1%, pour s’établir à 39% de la population. Sur la même période, l’accès à l’eau dans le logement n’a augmenté que de 1% où 29% de la population n’y a pas accès dans son logement.

Un lent rattrapage qui ne suit pas la forte croissance de population. Entre 2007 et 2012, il y a eu 7100 naissances en moyenne sur l’île, contre 9770 en 2019. La population est ainsi passée de 212.600 habitants en 2012 à 256.500 en 2017. En 2021, l’INSEE estime qu’il y a 289.000 habitants dans l’île. La part des étrangers est quant à elle passée de 40% en 2012 à 48% en 2017.

Cette population en forte croissance doit faire sans les mêmes aides sociales que le reste du territoire déclare le président de Mayotte en SousFrance. « Il n’y a pas d’aide au logement, pas d’aide aux personnes âgées. De plus, tout le monde n’a pas accès au RSA, qui est plus faible que la moyenne nationale », indique-t-il.

L’emploi demeure insuffisant 

Le dynamisme démographique va également trop vite par rapport à la création d’emplois. Si le nombre de nouveaux emplois disponible a augmenté, passant de 33.500 en 2009 à 49.400 en 2020, la part des 15-64 ans en activité est passé de 32 à 31%. Le nombre de cadres a doublé, de 6 à 12%, mais demeure toujours relativement faible.

Abdouroihnani Zoubert regrette que le SMIC soit inférieur à la moyenne nationale. Il affirme que les jeunes entrepreneurs qui souhaitent créer leur entreprise doivent faire face à plusieurs freins et préfèrent aller ailleurs. « Nous avons besoin de ces jeunes-là pour développer Mayotte », souligne-t-il.

La problématique de la Santé

Avec la crise Covid, la pauvreté du système de santé à Mayotte se fait ressentir jusqu’à La Réunion. Comme évoqué plus haut, Mayotte dispose depuis un an de son ARS propre. Néanmoins, Abdouroihnani Zoubert reste sceptique face à la gestion de la structure. 

« La directrice (Dominique Voynet) est incompétente, c’est un avis partagé par la population. Il y a un souci entre la hiérarchie et le personnel dans la gestion. À La Réunion, les gens se plaignent de Mme Ladoucette, mais jusqu’à récemment, et l’arrivée des variants, elle avait parfaitement réussi à empêcher l’île d’être submergée », affirme-t-il.

La crise Covid aura permis l’accélération de la construction du second hôpital de l’île, situé à Petite-Terre, mais dont l’ouverture reste partielle et ne concerne actuellement que le service de médecine. « Sur la santé, le statut est médiocre. Nous n’avons ni CHU ni CHR. Le deuxième hôpital n’est même pas suffisant. De plus, il y a un manque de spécialistes compétents », précise-t-il.

Immigration et insécurité

Pour le président de Mayotte en SousFrance, il s’agit de la problématique majeure de Mayotte. Les affrontements entre bandes de jeunes rivales ont défrayé la chronique en 2020. Les villes de Kaweni, Bandrélé, Doujani, Majicavo, Passamainti et Cavani ont été le théâtre d’affrontements durant l’année. Certains habitants s’imposent d’eux-mêmes un couvre-feu pour leur sécurité. Des violences qui s’invitent aux abords ou à l’intérieur des établissements scolaires.

« J’ai grandi à Mayotte et je n’ai jamais vu de violence comme ces trois dernières années. Je viens du quartier de Labattoir, qui était auparavant tranquille, et qui est devenu aujourd’hui dangereux », explique Abdouroihnani Zoubert. Selon lui, c’est l’immigration clandestine et l’arrivée de jeunes désoeuvrés en Kwassa Kwassa qui en est à l’origine.

Le président de l’association mahoraise pense  qu’il y a nécessité que l’île possède un commissariat de plein exercice. « Il manque une unité spéciale de lutte contre la délinquance juvénile », estime-t-il. Abdouroihnani Zoubert souhaite donc que Mayotte soit mieux protégée contre l’immigration illégale. Du côté des forces de l’ordre, le point de vue est légèrement différent.

« Nous attendons que Paris réagisse »

« Ils (les dirigeants) privilégient les missions LIC (lutte contre l’Immigration Clandestine) au reste. En 2019, nous sommes plusieurs fois montés au créneau pour dénoncer les agressions et menaces de mort sur les collègues, ainsi que l’augmentation de la délinquance. Nous exigions des réponses rapides et fermes via les SLIC, mais à l’heure actuelle, rien n’est encore proposé par nos dirigeants. En 2019, nous avons atteint le chiffre record de 35000 expulsions hors du territoire. Mais dans le même temps, les chiffres de la délinquance augmentent. Il est même demandé à des effectifs du commissariat d’aider à gonfler ces chiffres en participant à la LIC. La CDI (compagnie départementale d’intervention), qui est normalement basée sur le maintien d’ordre et les violences urbaines, en fait les frais. La lutte contre l’immigration clandestine est une mission de la Police aux frontières (PAF). Le temps pris à la CDI pour cela pourrait être utilisé à les former aux violences urbaines, aux techniques d’intervention, mais aussi à patrouiller plus souvent dans les quartiers difficiles », [confiait Aldric Jamey]urlblank:https://www.zinfos974.com/Mayotte-Les-policiers-regrettent-que-la-lutte-contre-l-immigration-se-fasse-au-detriment-de-la-securite_a150266.html , délégué départemental d’Alternative Police Mayotte, à Zinfos974 en mars 2020.

Si les deux problématiques semblent liées, l’ordre des priorités diffère donc selon les points de vue, mais tous s’accordent sur la nécessité d’une action politique majeure sur ce dossier. « Nous attendons que Paris réagisse », se désole Abdouroihnani Zoubert.

 

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