Personne n’y a rien compris. Ni l’accusé ; ni son défenseur, Me Frédéric Hoareau, brillant ! ; ni la presse ; ni le public. Un homme que les psy désignent comme déficient mental « mais pas assez pour percevoir l’AAH » (allocation adulte handicapé) retourne donc en taule.
« Akoz à moin i paye ? »
Antoine, la cinquantaine musclée, trapu, rougeaud, arrive menotté entre les policiers, se demandant ce qu’il fait là. Ce qu’on lui reproche ? Trois fois rien. Le 15 mai dernier, cet habitant de Palmiste-Rouge a menacé de mettre le feu aux bâtiments municipaux. Et pour faire bon poids, à la maison du maire Paul Franco Técher lui-même !
Les raisons de son ire ? Trois fois moins que rien. Il habite, dans son hameau, une maison sise sur un terrain en indivision entre lui et une kyrielle de frères et sœurs. Il loge dans la maison sans électricité mais avec eau, sans bourse délier. Mais voilà, le Trésor public lui réclame la taxe d’habitation. A lui qui a si peu travaillé de sa vie.
« A cause zot i veut mi paye quand mon bande frères et sœurs i paye pas ? »
Inutile de lui expliquer que taxe d’habitation et taxe foncière n’ont rien de commun ; durant toute l’audience, cet homme totalement en-dehors de ses baskets, ne comprendra jamais qu’il est là pour menaces de violences. Et qu’il a des antécédents en la matière.
« Sinon mi foute le feu ! »
Le 29 janvier de cette année seigneuriale 2015, il incendie son propre logis, « pou pas paye la taxe ».
Ce 12 mai 2015, recevant une insolente mise en demeure du Trésor public, notre homme, bille en tête, fonce à la mairie de Cilaos. Où une secrétaire apeurée reçoit sa requête : il exige un papier du maire certifiant qu’il est exempté de la taxe litigieuse.
« Sinon mi foute le feu ! »
Mis au courant, le maire de Cilaos fait ce que ferait n’importe quel officier de police judiciaire soucieux du bien-être de sa population : il refuse l’ultimatum et porte plainte. Non pas pour s’acharner sur un faible ; « Paulot » connaît son cirque sur le bout des doigts de pied. Il a déjà eu affaire à Antoine…
Ce dernier a déjà mis le feu à son habitation, pour obtenir les subsides y afférant. « Paulot » porte donc plainte car c’est son devoir, mais sans trop insister non plus. D’ailleurs il n’était même pas représenté.
Aucun toubib ne s’acharne sur une ambulance.
Des expertises pour rire ?
Pauline Flauss, présidant l’audience, malgré une infinie patience, n’a pu sortir l’accusé de son système de défense : « A koz à moin i paye tout seul ? «
La lecture des expertises révèlera bien d’autres choses. Par exemple que notre ami Antoine est, à tout le moins, un déficient côté intellect : « Impulsif… troubles comportementaux… tendances mystico-suicidaires… tendances à la frustration… intolérant… parano… dangerosité sociale… « Trois fois rien !
Nos savants experts médico-généralistes et psychofondus ont jugé que cet homme, illettré, ne sachant ni son devant ni son derrière, restait responsable de ses actes. Lui qui l’a si peu été !
« Allez coucher ! »
Me Frédéric Hoareau, peu suspect d’être prompt à s’emporter, a jeté un fameux souk dans l’enceinte d’ordinaire si sereine de la correctionnelle de Saint-Pierre.
« On a trouvé un hébergement pour lui… la prison de Cayenne. On s’occupera de lui, on le nourrira. On va bien s’occuper de lui, merci ! »
Reconnaissant s’être emporté, mais sans s’excuser la moindre seconde, l’homme à la toge noire s’est demandé à quoi servaient les analyses concernant les facultés mentales. Si cette personne est reconnue handicapée côté neurones, pourquoi alors les autorités lui refusent-elles les subsides voulus ? Evoquant Ponce Pilate concernant les autorités se défaussant de toute responsabilité, Me Hoareau a sollicité la prise en charge paraissant évidente.
Personne ne l’a entendu.
La Cour a préféré se défausser sur les geôles de Cayenne : 6 mois pour Antoine, dont 2 seulement avec sursis, pour un malade qui n’a rien compris au verdict.