« Il s’agit d’un temps que les moins de soixante ans ne connaissent pas. Saint-Denis en ce temps-là fanait ses jacarandas… » Oui, je sais, c’est pas drôle mais croyez bien que je n’ai pas l’âme à rigoler non plus.
Maryline n’est plus et c’est dur à encaisser, les amis.
Maryline, c’était LA chanteuse d’orchestre dans toute sa plénitude. Elle connaissait toutes les chansons à la mode et savait les ré-interpréter toutes, avec sa personnalité à elle.
Il y avait deux formations vedettes à Saint-Denis, dans ces sixties. Les Chats-Noirs avec Roselyne (Eh ! Oh ! Tu es là au moins, Roselyne Dorilas ?) ; et l’AJER avec Maryline.
Lorsqu’elle s’emparait du micro pour se lancer dans une série de slows langoureux, nos copines faisaient un peu la gueule car nous écoutions (et mations) plus cette splendide petite jeune femme que nous n’étions empressés avec nos cavalières. Ben oui, il y a des cas comme ça, où ça penche du côté qu’ça va tomber (inside joke).
Ainsi que je viens de le dire, Maryline était un tout petit bout de bonne femme. Mais d’une finesse… Visage taillé par un orfèvre, eût-on dit, et le reste à l’avenant. Maryline se savait belle et admirée mais elle voulait surtout qu’on l’écoute ; car elle avait la voix de velours et aimait chanter. Et savait choisir ses textes.
Lorsqu’elle reprenait « Non ho l’éta », Grand Prix Eurovision 1964, nous la trouvions plus merveilleuse que la gagnante. Et les musiciens de l’AJER, Alain Bastide, Tony Manglou, « Tonton » Yves Mayer, Maurice Fabrègues, savaient se mettre à son niveau. Ils baissaient leur volume et jouaient tout en finesse… comme elle chantait en finesse.
Françoise Hardy, Michelle Torr, Petula Clark, Sheila… elle reprenait tous leurs succès avec un bonheur sans égal. Une fois, une, elle a repris « Non ho l’éta » en italien. Devant les mines d’incompréhension des auditeurs, elle est vite revenue à la traduction française. Plus tard, après la danse, elle a dit en aparte : « Quels cons ! »
Nous étions scotchés à son talent.
Dans le même temps, Maryline se faisait embaucher à l’ORTF (ex-RFO) justement en raison de cette voix chaleureuse ne laissant jamais personne indifférent. Elle a été embauchée… pour lire des messages publicitaires. Et les avis de décès.
Tas de connards !
Elle valait tellement mieux…
À cette époque, les messages pub étaient écrits au stylo Bic sur un petit cahier à spirale. Maryline s’y prêtait de bonne grâce.
Les instances du Barachois ne lui ont jamais accordé la chance qu’elle méritait ; qu’elle méritait sûrement mieux en tout cas que ces rombières « tétés déor » faisant carrière parce que maquées à des syndicalistes. Parce que pour ce qui est de la voix, de la diction, de la culture, rares sont celles qui lui arrivaient à la cheville.
Maryline n’eut guère plus de chance dans sa vie privée mais là, chut !
Un ultime hommage lui sera rendu au Centre funéraire de Bois-Rouge (Sainte-Marie) ce mardi 16 juillet à 15 heures.
Je vais vous dire, les enfants, j’en ai un peu marre de faire l’éloge de ceux que j’aime, qui s’en vont sans crier gare. Bossuet fut l’Aigle de Meaux ? J’ai pas envie d’être le Papangue du Butor. Alors, cessez de foutre le camp comme ça, voulez-vous ?
« Non ho l’éta… per amarti… per uscire sola con té »