J’ai attendu quelques jours avant d’ajouter mes louanges et ma peine à tout ce qui a été dit (à juste titre) à propos de l’ami Jean-Paul. Je rejoins largement Gaby dont l’émotion m’a serré la gorge.
Dans des registres essentiellement différents, Jean-Paul était comme Anny Cordy ou Carlos, des chanteurs ayant décidé une fois pour toutes de semer la bonne humeur autour d’eux. Pour ce faire, Jean-Paul Volnay avait décidé de mettre tous les atouts de son côté. Il avait ainsi tout assimilé de ce qui peut faire la force d’un artiste : il était musicien, ça on le sait ; auteur, compositeur, interprète, et quel auteur, L’assassin, bien sûr, Le rhum la pas bon, mais il y a une autre petite merveille, qui a ma préférence et dont on parle moins, Okilé mon savate ? Chanson à la conclusion débridée : « Papa, maman la jette out’ savate dans la poubelle et la verse les ordures dessus ! »… « Ah le kit sa mère ! »
Multi-instrumentiste de talent, Volnay jouait en virtuose de la batterie et du sax. Exilé à Paris au milieu des années 70 (ici, les orchestres de bal battaient sérieusement de l’aile avant de disparaître définitivement), Jean-Paul avait fondé son propre orchestre, les Tropics de Paris, afin de poursuivre sa passion de la musique et de populariser en Hexagone le séga. Il suivait en cela la même démarche que Claude Vinh-San qui jouait aux quatre coins de la capitale dans les bals du 14-Juillet. Jean-Paul avait su réunir autour de lui quelques-uns des meilleurs musiciens réunionnais de Paris, dont le grand Hassen Sulliman, réputé meilleur guitariste-accompagnateur de Paris, qui a conforté de son savoir-faire de grands chanteurs français. Car Volnay, avec tout son talent et sa bonhommie, ne tirait jamais la couverture à lui. « La musique i fé ensemble, ça ; i fé pas tout seul ! »
Les Tropics de Paris ont enregistré quelques titres célèbres, dont Madame Fin Mizo, l’histoire d’un gueuleton homérique entre amis, et l’archi-connu L’assassin, entre autres.
Volnay, homme de spectacle complet, s’était forgé aussi un talent de comédien accompli, toujours dans le louable dessein de dérider ses spectateurs, de foutre un grand coup de pied au cul de la morosité. Ses déguisements sont là pour en témoigner.
Dans les années 2000, sévèrement atteint par le mal du pays, Jean-Paul parvient à se faire muter à La Réunion… où il va tomber de très haut, c’est lui-même qui me l’a expliqué, un dimanche où j’étais à La Soucoupe volante à animer un bal rétro en compagnie d’Harry Pitou et des frères Régis et Aniel Lacaille : il avait été très mal accepté par le milieu musical local (essentiellement la jeune génération musicale) où les égos sont surdimensionnés ; sa popularité était telle, sa cote si poussée, que ces soi-disant musiciens professionnels concevaient à son égard une jalousie écoeurante.
Il a alors demandé sa (re)mutation en métropole. Mais n’a jamais cessé de prouver son amour pour la musique et le public créoles.
Le voir évoluer sur la scène du théâtre de Champ-Fleuri, l’an dernier, a été une incomparable cure de Jouvence.
Son inventivité, sa jovialité, son sens de l’amitié vont nous manquer.
Salut à toi, Jean-Paul.