
"Donne à li in pied, li prend l’caro !"
La vieille expression créole est assez facile à traduire en bon français ; je vous l’épargnerai donc.
Là, nous avons à faire face à l’impéritie administrative et judiciaire en même temps.
"Il est temps que ça s’arrête !" (le bâtonnier Gangate)
Impéritie judiciaire parce que cette lamentable affaire a débuté en 2004 à Saint-Denis et que la justice a pris son temps, tout son temps, 15 ans très exactement, pour renvoyer les accusés devant la barre de la Correctionnelle. Ce qui a fait dire au bâtonnier sudiste Djalil Gangate, avant le début de l’audience :
"Il serait plus que temps que ça s’arrête ! Il leur a fallu cinq ordonnances de renvoi avant de programmer l’affaire. J’espère qu’ils ne vont pas aussi la renvoyer à une date ultérieure en plus".
Le président Molié n’a pas dit autre chose en début d’audience, avant d’entendre les accusés :
"Cinq renvois en 15 ans, et un parcours parsemé d’embûches !" Une façon élégante de présenter aux accusés et aux parties civiles les excuses de la justice pour ce retard inqualifiable.
Une impéritie administrative aussi, écrivions-nous car dans une affaire aussi grave de harcèlement au travail, jamais, jamais, la Direction du Travail et de l’Emploi n’a mis son nez dans ce dossier ; malgré les nombreux avis transmis à ses services.
Les faits sont malheureusement aussi simples que trop courants : des responsables imbus de leurs prérogatives auraient usé et abusé de leur statut pour s’ériger en "gros adjudants" et harceler leurs subordonnés, une quinzaine.
Harcèlements : une imagination d’enfer
Il s’agit au départ de l’ARAR (association réunionnaise d’aide respiratoire) qui s’occupe également d’hospitalisation à domicile. Une mission en théorie très simple : on aide les gens à se soigner en restant chez eux. Dans les missions confiées à cet organisme, rien à redire, tout baigne. Là où le bât blesse, c’est que, les demandes étant si nombreuses et en augmentation géométrique, l’organisme chargé du suivi se développe très vite aussi. Beaucoup trop vite même. On passe en peu de temps de 3 à… 75 salariés. Rémunérés sur fonds publics, cela va de soi. Et personne ne contrôle rien de rien.
Là, les responsables de l’association, forts de cette très lâche bride sur le cou, ne se sentent plus de joie… sans lâcher leur proie ! Après le décès de l’ancien président en 2004, le nouveau, en prenant ses fonctions, s’aperçoit que son bureau croule sous les plaintes des employés. C’est lui qui va porter le pet et enfourner les couloirs d’une institution judiciaire endormie sous le soleil tropical.
En clair, plus d’une quinzaine d’employés se plaignent de harcèlements sous toutes les formes possibles et imaginables.
Sont montrés du doigt le directeur en titre depuis 2005 ; l'aide-comptable au départ, très vite promue chef de service puis agent de direction et chef de service administratif et financier en quelques mois ; et enfin le responsable des hospitalisations à domicile. Bref, les trois têtes pensantes, agissantes et seules décidantes de l’ARAR.
Si l’on devait résumer les reproches, ce serait tristement simple : un mépris total envers ceux qui ne sont pas eux-mêmes ! C’est du moins ce qui ressort de l’acte d’accusation long comme un seul jour de Mathusalem.
Pressions, humiliations, dégradation des conditions individuelles de travail, mutations inexpliquées, surcharges de boulot, insultes, mise à l’écart de toute vie communautaire, exclusion de toute communication, interdictions de participation aux séances de travail et de communication, brimades diverses et variées, accusations injustifiées, affections à de nouveaux services sans les moyens d’action idoines, insultes, dénigrements privés ou publics, excusez du peu.
"Un directeur très agressif !"
Untel est mis au placard (non doré) puis renvoyé sous prétexte qu’il est délégué du personnel, situation légalement protégée pourtant. Mais la loi et les règlements, apparemment, tout le monde s’en contrefiche avec une aisance qui vous donnerait une idée de l’infini. Les services de contrôle du Travail aussi, de toute évidence, malgré les nombreuses plaintes déposées.
Untel se voit sucrer ses primes de fin d’année, de crainte qu’il ne vote pour tel autre aux élections de délégué du personnel. Là, l’Inspection du Travail parle pudiquement de "climat social un brin délétère". Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites.
Un comptable voit sa charge de travail augmentée sans qu’on sache pourquoi. Dans sa plainte, il cite " un directeur très agressif, soliloquant plus que discutant en pleine réunion, badine à la main comme un mauvais adjudant, ne laissant personne prendre la parole… " La Direction du Travail continue de faire la sourde oreille et sera même de plus en plus bouchée au fur et à mesure que les plaintes s’empilent sur son bureau.
Le système de défense des trois accusés est simple : tout ça, c’est rien que des mensonges. Et c’est un complot en plus.
Concernant la surcharge de travail du comptable, par exemple : "On a justement réorganisé ses tâches pour lui permettre d’exercer son boulot de délégué !" Ah bon ? En augmentant son travail ? Et comme il n’a "pas assuré ce qu’on attendait de lui, on l’a licencié purement et simplement". Licencier un délégué du personnel, emploi protégé s’il en fût, faut quand même oser. La Direction du Travail continue de ne rien dire.
"Du harcèlement ? Où ça ça ?"
Une chose, une seule, est à l’actif de l’ARAR : les patients ne semblent pas avoir souffert de cette gabegie.
Outre les brimades, il faut ajouter que insultes et grossièretés diverses fusent au hasard des réunions. Une diététicienne se voit insulter en pleine réunion de conseil : "Bouge ton cul de là, espèce d’incapable !" Bonjour l’ambiance.
Si l’on en croit les accusés, ce sont eux les plus à plaindre. Le directeur est à présent au chômage. Pour le responsable des hospitalisations à domicile, "les conséquences de ces attaques ont été terribles. J’ai même dû divorcer", explique celui qui est actuellement directeur de clinique en Hexagone.
Les accusés nient tout, tout, tout sur le…
Que certains de leurs subordonnés aient été hospitalisés pour dépressions graves n’a qu’un lointain rapport avec l’affaire. Car "il n’y a jamais eu de problème de harcèlement". Et la quinzaine de plaintes alors ? "S’il y avait eu des problèmes, pourquoi les instances appropriées, la Direction du Travail par exemple, n’ont-elles jamais semé le souk ?" Bonne question…
Les accusés vont même commencer à pleurnicher à la barre. « On se calme ! » dit simplement le président Molié.
Les défenseurs des accusés ont tenté l’impossible, à savoir remplir un camion-citerne avec une petite cuillère trouée.
Jugement reporté sine die.
La vieille expression créole est assez facile à traduire en bon français ; je vous l’épargnerai donc.
Là, nous avons à faire face à l’impéritie administrative et judiciaire en même temps.
"Il est temps que ça s’arrête !" (le bâtonnier Gangate)
Impéritie judiciaire parce que cette lamentable affaire a débuté en 2004 à Saint-Denis et que la justice a pris son temps, tout son temps, 15 ans très exactement, pour renvoyer les accusés devant la barre de la Correctionnelle. Ce qui a fait dire au bâtonnier sudiste Djalil Gangate, avant le début de l’audience :
"Il serait plus que temps que ça s’arrête ! Il leur a fallu cinq ordonnances de renvoi avant de programmer l’affaire. J’espère qu’ils ne vont pas aussi la renvoyer à une date ultérieure en plus".
Le président Molié n’a pas dit autre chose en début d’audience, avant d’entendre les accusés :
"Cinq renvois en 15 ans, et un parcours parsemé d’embûches !" Une façon élégante de présenter aux accusés et aux parties civiles les excuses de la justice pour ce retard inqualifiable.
Une impéritie administrative aussi, écrivions-nous car dans une affaire aussi grave de harcèlement au travail, jamais, jamais, la Direction du Travail et de l’Emploi n’a mis son nez dans ce dossier ; malgré les nombreux avis transmis à ses services.
Les faits sont malheureusement aussi simples que trop courants : des responsables imbus de leurs prérogatives auraient usé et abusé de leur statut pour s’ériger en "gros adjudants" et harceler leurs subordonnés, une quinzaine.
Harcèlements : une imagination d’enfer
Il s’agit au départ de l’ARAR (association réunionnaise d’aide respiratoire) qui s’occupe également d’hospitalisation à domicile. Une mission en théorie très simple : on aide les gens à se soigner en restant chez eux. Dans les missions confiées à cet organisme, rien à redire, tout baigne. Là où le bât blesse, c’est que, les demandes étant si nombreuses et en augmentation géométrique, l’organisme chargé du suivi se développe très vite aussi. Beaucoup trop vite même. On passe en peu de temps de 3 à… 75 salariés. Rémunérés sur fonds publics, cela va de soi. Et personne ne contrôle rien de rien.
Là, les responsables de l’association, forts de cette très lâche bride sur le cou, ne se sentent plus de joie… sans lâcher leur proie ! Après le décès de l’ancien président en 2004, le nouveau, en prenant ses fonctions, s’aperçoit que son bureau croule sous les plaintes des employés. C’est lui qui va porter le pet et enfourner les couloirs d’une institution judiciaire endormie sous le soleil tropical.
En clair, plus d’une quinzaine d’employés se plaignent de harcèlements sous toutes les formes possibles et imaginables.
Sont montrés du doigt le directeur en titre depuis 2005 ; l'aide-comptable au départ, très vite promue chef de service puis agent de direction et chef de service administratif et financier en quelques mois ; et enfin le responsable des hospitalisations à domicile. Bref, les trois têtes pensantes, agissantes et seules décidantes de l’ARAR.
Si l’on devait résumer les reproches, ce serait tristement simple : un mépris total envers ceux qui ne sont pas eux-mêmes ! C’est du moins ce qui ressort de l’acte d’accusation long comme un seul jour de Mathusalem.
Pressions, humiliations, dégradation des conditions individuelles de travail, mutations inexpliquées, surcharges de boulot, insultes, mise à l’écart de toute vie communautaire, exclusion de toute communication, interdictions de participation aux séances de travail et de communication, brimades diverses et variées, accusations injustifiées, affections à de nouveaux services sans les moyens d’action idoines, insultes, dénigrements privés ou publics, excusez du peu.
"Un directeur très agressif !"
Untel est mis au placard (non doré) puis renvoyé sous prétexte qu’il est délégué du personnel, situation légalement protégée pourtant. Mais la loi et les règlements, apparemment, tout le monde s’en contrefiche avec une aisance qui vous donnerait une idée de l’infini. Les services de contrôle du Travail aussi, de toute évidence, malgré les nombreuses plaintes déposées.
Untel se voit sucrer ses primes de fin d’année, de crainte qu’il ne vote pour tel autre aux élections de délégué du personnel. Là, l’Inspection du Travail parle pudiquement de "climat social un brin délétère". Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites.
Un comptable voit sa charge de travail augmentée sans qu’on sache pourquoi. Dans sa plainte, il cite " un directeur très agressif, soliloquant plus que discutant en pleine réunion, badine à la main comme un mauvais adjudant, ne laissant personne prendre la parole… " La Direction du Travail continue de faire la sourde oreille et sera même de plus en plus bouchée au fur et à mesure que les plaintes s’empilent sur son bureau.
Le système de défense des trois accusés est simple : tout ça, c’est rien que des mensonges. Et c’est un complot en plus.
Concernant la surcharge de travail du comptable, par exemple : "On a justement réorganisé ses tâches pour lui permettre d’exercer son boulot de délégué !" Ah bon ? En augmentant son travail ? Et comme il n’a "pas assuré ce qu’on attendait de lui, on l’a licencié purement et simplement". Licencier un délégué du personnel, emploi protégé s’il en fût, faut quand même oser. La Direction du Travail continue de ne rien dire.
"Du harcèlement ? Où ça ça ?"
Une chose, une seule, est à l’actif de l’ARAR : les patients ne semblent pas avoir souffert de cette gabegie.
Outre les brimades, il faut ajouter que insultes et grossièretés diverses fusent au hasard des réunions. Une diététicienne se voit insulter en pleine réunion de conseil : "Bouge ton cul de là, espèce d’incapable !" Bonjour l’ambiance.
Si l’on en croit les accusés, ce sont eux les plus à plaindre. Le directeur est à présent au chômage. Pour le responsable des hospitalisations à domicile, "les conséquences de ces attaques ont été terribles. J’ai même dû divorcer", explique celui qui est actuellement directeur de clinique en Hexagone.
Les accusés nient tout, tout, tout sur le…
Que certains de leurs subordonnés aient été hospitalisés pour dépressions graves n’a qu’un lointain rapport avec l’affaire. Car "il n’y a jamais eu de problème de harcèlement". Et la quinzaine de plaintes alors ? "S’il y avait eu des problèmes, pourquoi les instances appropriées, la Direction du Travail par exemple, n’ont-elles jamais semé le souk ?" Bonne question…
Les accusés vont même commencer à pleurnicher à la barre. « On se calme ! » dit simplement le président Molié.
Les défenseurs des accusés ont tenté l’impossible, à savoir remplir un camion-citerne avec une petite cuillère trouée.
Jugement reporté sine die.