Même pas une semaine après, je reçois un courrier disant qu'ils vont porter plainte pour harcèlement moral et harcèlement sexuel, pour la fille. Je me suis rendu à Paris immédiatement. Je les ai entendus et je les ai licenciés parce que je considérais que c'était du chantage pour avoir de l'argent. Partant de là, mon avocat a appelé leur avocat qui m'a demandé 150.000 euros par personne. Chose, bien sûr, qu'on a refusée immédiatement. On a porté plainte auprès du procureur de Paris pour chantage. Le procureur a considéré qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments et il a décidé de classer l'affaire. Ils n'ont pas porté plainte au pénal, car ils savent très bien qu'au pénal il faut des preuves. Ils se sont donc contentés d'aller aux prud'hommes.
(...) Mon attachée parlementaire a maintenu harcèlement moral et harcèlement sexuel, alors qu'il n'y a aucun élément dans le dossier, rien, aucun élément qui prouve qu'il y a harcèlement. Il n'y a aucun élément probant si ce ne sont les termes de harcèlement sexuel.
(...) Mais moi, j'ai ma conscience extrêmement tranquille. Je n'ai jamais eu une quelconque attitude qui puisse laisser entendre quoi que ce soit. Comment la justice peut condamner sans preuve ? C'est extrêmement grave. Je réfléchis à un pourvoi devant la Cour de cassation".
Ainsi donc, tout serait parti d'une volonté soudaine de ses attachés de "se faire de l'argent" sur son dos, du jour où ils ont découvert qu'il gagnait 90.000 € par mois. Et surtout, qu'il n'y aurait aucune preuve dans le dossier. Tout cela est faux. Thierry Robert ment et nous allons vous en apporter la preuve.
Un an d'écart entre l'affaire Cahuzac et la demande d'augmentation de salaire
Thierry Robert prend pour point de départ de cette affaire une demande d'augmentation que lui auraient faite ses deux attachés, à la suite de la divulgation de l'affaire Cahuzac. C'est au mois de décembre 2012 que Médiapart fait ses premières révélations sur l'ancien ministre du Budget. Or, ce n'est que le 9 octobre 2013, soit presque un an plus tard, que les deux salariés vont évoquer pour la première fois cette demande d'augmentation.
Premier mensonge.
Un patron qui traitait ses employés comme des esclaves
Toujours selon Thierry Robert, cette demande d'augmentation (200 € par mois en ce qui concerne Marie) serait uniquement due au fait que Marie et Alain (là aussi, prénom d'emprunt), auraient découvert qu'il était riche et qu'il convenait de "le faire cracher au bassinet".
Il préfère taire que cette demande était en fait motivée par le nombre important d'heures supplémentaires qu'il leur imposait tard le soir, mais aussi le week-end. Nous avons en notre possession une multitude de mails envoyés à minuit, parfois à 3h du matin, exigeant des notes ou la préparation de conférences de presse pour le lendemain. Parfois le week-end, les jours fériés et même pendant les vacances des salariés. Le tout sur un ton comminatoire, limite humiliant, en tout état de cause susceptible de causer un énorme stress chez ses employés.
Deuxième mensonge. Mais le plus grave est à venir.
Selon l'ancien maire de Saint-Leu, et c'est là le plus important, je le cite : "J’ai été condamné sans preuve, juste pour avoir refusé de donner 150 000 euros à chacun de mes deux d’attachés (sic). (...) Il n'y a aucun élément dans le dossier, rien, aucun élément qui prouve qu'il y a harcèlement. Il n'y a aucun élément probant. (...) Mais moi, j'ai ma conscience extrêmement tranquille. Je n'ai jamais eu une quelconque attitude qui puisse laisser entendre quoi que ce soit. Comment la justice peut condamner sans preuve ? C'est extrêmement grave".
Ainsi donc, il n'y aurait aucun élément probant dans ce dossier, aucune preuve. Faux, faux, et archi-faux. Ces preuves existent et nous allons les mettre sur la table.
Le premier témoignage est celui de V.F., une psychanalyste à Paris qui a suivi Marie. Il est édifiant et suffirait à lui seul à mettre à mal toute la théorie du complot que tente de mettre en avant Thierry Robert pour se dédouaner.
Elle date la première visite de Marie dans son cabinet au 8 Février 2013, soit huit mois avant qu'il ne soit question de demandes d'augmentation adressée à Thierry Robert et qui, selon ce dernier, serait à l'origine de toute l'affaire.
Nous pourrions résumer ce témoignage mais il est tellement clair et accablant que nous préférons vous le livrer dans sa quasi-intégralité :
Lors de cette première entrevue du 8 février, "au vu des symptômes exposés et de la détresse psychique dans laquelle se trouvait Marie, il a été décidé d’un commun accord qu’une psychothérapie de soutien s’avérait indispensable.
En effet, j’ai pu constater que ma patiente souffre de troubles anxieux consécutifs à un harcèlement psychologique et sexuel dans son cadre professionnel. Elle m’a fait part de ses insomnies répétées, d’une anxiété généralisée et d’un sentiment d’insécurité permanent dans le cadre de son travail.
Elle a été victime à plusieurs reprises de conduites, mots et attitudes hostiles à son encontre. Elle a pu ressentir qu’à chaque fois que des paroles à caractère sexuel étaient échangées, son intégrité physique et psychique s’en trouvaient atteintes sans ne jamais pouvoir s’en protéger.
Le vendredi 17 mai, je reçois Marie. Je constate qu’elle est particulièrement fatiguée et abattue. Elle m’explique qu’elle a accompagné son employeur pendant 2 jours à Londres pour un projet professionnel. Elle s’est aperçue seulement quelques heures avant de partir que son employeur ne souhaitait pas que son cabinet à la Réunion soit au courant de son déplacement avec elle. Son employeur lui a justifié cela car il ne veut pas que l’on croie à la Réunion que Marie était sa maîtresse…
Elle dit avoir redouté les moments seuls avec son employeur. Elle me raconte également les nombreuses allusions de la part de son employeur au fait qu’à la Réunion, aucun homme ne l’aurait laissée partir seule avec son employeur, qu’il était surpris qu’elle accepte ce déplacement. Marie est donc restée sur le qui-vive pendant tout le déplacement et cela l’a particulièrement épuisée psychiquement.
J’ai reçu ma patiente le vendredi 5 juillet. Elle était dans un grand état de tension émotionnelle et de stress. Son employeur avait fait irruption dans son bureau à l’improviste alors qu’il était sensé être en vacances et que son collègue était en congé. Marie redoutait depuis plusieurs mois de se retrouver seule avec son employeur suite aux nombreux sous-entendus et regards intrusifs qu’il lui lançait. Elle m’a raconté que son employeur a cherché à avoir une conversation d’ordre privé avec elle, ce qui l’a mise particulièrement mal à l’aise. Son employeur est donc parti mais il a continué à lui envoyer des emails, cherchant par ce moyen à établir une relation d’ordre privé avec elle.
Lors d’une autre séance, Marie a encore relaté de nombreuses réflexions lors de déjeuners avec son employeur et sa collègue, où son employeur lui avait avoué qu’il oubliait sans cesse qu’elle venait de se marier pour justifier le fait qu’il lui vante les mérites sexuels des Réunionnais. Selon lui, elle aurait mieux fait de profiter de la vie.
(…) Face à son harcèlement et son insistance concernant les tenues vestimentaires et la façon dont elle les portait, ainsi que ses qualités esthétiques, Marie a donc tenté de mettre en place une stratégie d’évitement, des mécanismes de défense afin de déjouer le jeu pervers de celui-ci mais en vain. Seul le plaisir de maintenir son pouvoir et d’humilier celle-ci lui conférait un intérêt.
Peu à peu, ma patiente a commencé à perdre confiance en elle, à souffrir d’un sentiment de dévalorisation et d’un surmenage psychique.
Après l’été, lors de la séance du 13 septembre, ma patiente m’a raconté avoir vécu des humiliations lors de son séjour professionnel à la Réunion. L’attitude intrusive dont elle a été victime depuis de nombreux mois s’est radicalement modifiée à partir de cette période en agressions et violences verbales caractérisées. L’abus de pouvoir, les vexations et l’intimidation qui a consisté bien souvent à hausser le ton, voire hurler en la menaçant de façon détournée, ont alimenté chez Marie un état de tension psychique permanent entrainant ainsi ses troubles anxieux.
Le 20 septembre, Marie m’a raconté un épisode particulièrement douloureux pour elle. J’ai pu constater son émotion quand elle le racontait. Il s’agissait d’un rendez-vous ministériel où son employeur leur a proféré des menaces en public et leur a dit qu’elle et son collègue ne servaient à rien.
Le 18 octobre, Marie est en larmes. Elle m’a dit avoir reçu deux mails de la part de son employeur la menaçant de ne plus travailler avec elle. Il pense qu’il cherche à se séparer d’elle. Elle est profondément bouleversée par la violence des mails et exprime son incompréhension face à ce déchainement. Elle ne comprend pas pourquoi son employeur s’acharne sur elle.
Marie est toujours suivie en psychiatrie de soutien".
De nombreux témoignages démontrant le harcèlement sexuel
Ce témoignage d'un expert est accablant, mais ce n'est pas tout. Il est corroboré par plusieurs autres témoignages d'amis ou de collègues, qui tous attestent dans les formes prévues par la loi, qu'ils ou elles ont rencontré à de nombreuses reprises Marie durant cette période allant de début 2013 à octobre, et qu'à chacune de ces rencontres cette dernière leur racontait ses déboires et était manifestement dans un état de grand stress et de peur vis-à-vis de son employeur.
Et ces témoignages donnent des détails encore plus précis sur les réflexions à caractère sexuel que Thierry Robert faisait en direction de son attachée parlementaire. Ils sont accablants et permettent de comprendre pourquoi les juges sont entrés en voie de condamnation.
Nous avons bien sûr tous ces témoignages en notre possession si d'aventure, comme il en a l'habitude, Thierry Robert souhaitait nous poursuivre en diffamation. Procès qu'il a toujours perdus pour le moment...
Mais ces témoignages de la psychanalyste et des amis de Marie montrent surtout que ce n'est pas sur un coup de tête que Marie a soudainement décidé de demander une augmentation. Que cette requête n'est arrivée qu'au terme d'un long processus de brimades, d'abus de pouvoir, d'humiliations, et surtout de propos relevant du harcèlement sexuel, ensemble de faits qui ont entrainé une détérioration de ses relations avec son employeur qui l'ont amenée à lui demander d'appliquer son contrat à la lettre. A savoir 35h par semaine et non pas la nuit, le week-end ou les jours fériés. Et c'est cela qui a déplu à Thierry Robert.
A moins qu'il n'ait décidé de se débarrasser d'elle plus simplement le jour où il a enfin compris qu'il ne réussirait pas à la mettre dans son lit...
Le "chantage" n'était en fait qu'une demande de dommages et intérêts
Quand à ce que Thierry Robert présente comme un chantage, à savoir l'exigence du versement de la somme de 150.000 €, il s'agit ni plus ni moins que du montant qu'on demandé les salariés pour tous les préjudices qu'ils estimaient avoir subis : 55.504,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 50.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel, 5.116,31 € à titre d'heures supplémentaires, 18.501,80 € au titre de l'indemnité prévue par l'article L 8223-1 du code du travail, etc...
Il ne s'agissait pas d'un chantage mais d'une première demande d'un avocat à un autre avocat en vue d'une juste indemnisation et dans le cadre d'une négociation entre professionnels du droit. Un accord aurait pu être trouvé sur une somme éventuellement moindre, ce qui aurait évité le procès aux Prud'hommes.
Demandes d'ailleurs en partie retenues par les juges des Prud'hommes, puis par ceux de la Cour d'appel, puisque Thierry Robert a été condamné le 15 février dernier au final à plus de 46.000 € de dommages et intérêts pour la seule Marie...
*prénom d'emprunt donné par le magazine Le Point, par respect de la vie privée de l'ex-attachée parlementaire. Nous mêmes, qui avions été à l'origine de la divulgation de cette affaire, avions toujours pris soin de dissimuler les noms de Marie et de son collègue. Thierry Robert, avec la goujaterie qui lui est coutumière, n'a pas hésité à "balancer" le nom de son attachée parlementaire dans une interview qu'il a donnée à des médias métropolitains et qu'il a postée sur sa page Facebook ! Ça donne une idée du personnage...