Didier* est un prévenu comme on a peu l’habitude d’en voir sur le banc des prévenus de la cour d’appel. Il porte des petites lunettes d’intellectuel qu’il met et enlève sans cesse pour cacher sa nervosité et s’exprime avec une grande aisance. Trop peut-être car le prévenu, jugé ce jeudi matin devant la cour d’appel de Saint-Denis, agace visiblement les magistrats.
Le 17 mai dernier, l’époux indélicat a été reconnu coupable de harcèlement sur son ex-femme et a écopé de 18 mois de prison pour finir derrière les barreaux. Car entre décembre 2020 et février 2021, alors que cette dernière bénéficiait d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales, l’homme est venu plusieurs fois l’importuner. Et c’était loin d’être une première puisqu’en 2016, il avait déjà été jugé et incarcéré pour des violences conjugales avec, en prime, une injonction de soins.
Des blessures invisibles
Malgré une interdiction de contact, de nombreux appels et textos auraient été passés, « il y en a 15 pages » a indiqué le président de la cour. Puis, en janvier dernier, alors qu’elle nageait dans le lagon, il l’avait abordée et saisie par la cheville en lui intimant de retirer ses plaintes. L’ex-épouse avait alors été équipée d’un téléphone grave danger. Quelques semaines plus tard, en février dernier, Didier avait recommencé. Pendant qu’elle le filmait en train de lui barrer la route, il avait attrapé le portable et l’avait jeté à l’eau. « Je ne l’ai pas jeté, je l’ai pris d’un geste doux et naturel » s’est justifié le prévenu donnant plusieurs explications malgré le recadrage insistant de la cour. Après moultes péripéties, les gendarmes avaient réussi à retrouver sa trace au Case de Trois-Bassins.
« Une bêtise »
Comme lors de son premier procès, Didier a affirmé ne pas être l’auteur des appels et des SMS, ceux-ci ayant été envoyés d’un téléphone prépayé donc impossible à retracer. Mais pour l’épisode du téléphone lancé à la mer qui s’était déroulé devant des témoins intervenus afin de le neutraliser, Didier a reconnu avoir fait « une bêtise ».
Ce à quoi le président, visiblement excédé, a répondu du tac au tac: « ici, on juge pas les bêtises mais les crimes et les délits ».
Représentant sa cliente, l’avocate de la partie civile a évoqué « une pollution mentale » subie quasiment tous les mois depuis 2018 ainsi que l’obligation de déclencher le téléphone grave danger à plusieurs reprises à cause d’un homme jugé « dangereux » par les experts l’ayant examiné. « Les blessures de madame sont invisibles mais son traumatisme est massif à cause des violences psychologiques, mais aussi administratives vu le nombre de procédures engagées, a ajouté la robe noire. Quand pourra-t-elle enfin retrouver une vie normale ? ».
Bracelet anti-rapprochement ?
Pour enfoncer le clou, l’avocate générale a rebondi en indiquant que « tout l’arsenal dont on équipe les femmes victimes » avait été déployé et que le seul moment où la victime était tranquille c’était lorsque l’ancien époux était détenu. La représentante de la société a proposé la peine de 2 ans d’emprisonnement dont 6 avec sursis probatoire et un placement sous bracelet anti-rapprochement avec une pré-alerte déclenchée si présence à moins de 20 km et une alerte à moins de 10 km.
De son côté, la défense a plaidé le fait que madame n’avait « aucune égratignure » suite aux différents incidents relatés et « aucun jour d’ITT ». Le conseil du prévenu a souligné « l’attitude ambivalente de l’épouse » et souligné « le choc carcéral de son client » dû à la privation de liberté.
Didier continuera à dormir en prison. La cour a confirmé le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Saint-Pierre et prononcé une interdiction de paraître dans les communes de Saint-Leu, Saint-Paul et Trois Bassins à sa sortie. La proposition du bracelet anti-rapprochement n’a pas été retenue.
*Prénom d’emprunt