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Halte au massacre des requins tigres dans les eaux réunionnaises !

Dans son programme de pêche, le Centre Sécurité Requin (CSR) se targue « de diminuer le nombre de requins bouledogues (principaux responsables des attaques mortelles) ».

Ecrit par Didier Dérand – le vendredi 26 mars 2021 à 11H29

Entre le 29 mars 2018 et le 28 février 2021, soit un peu moins de 3 ans, le CSR a effectivement liquidé 46 requins bouledogues, mais aussi et surtout…..197 requins tigres !
Depuis le début de l’activité du CSR en mars 2018, la proportion de requins tigres tués est systématiquement 4 fois plus élevée que celle des requins bouledogues.
Et depuis le début des opérations de pêche en 2013, on a liquidé (au 28 février 2021) pas moins de 349 requins tigres.
Enfin on assiste au début de cette année 2021 à une explosion du nombre de requins tigres tués : 11 en janvier (1 bouledogue), et 11 en février (1 bouledogue) !
Pourtant – le CSR le reconnaît lui-même dans les médias – le requin tigre à la Réunion n’est quasiment pas impliqué dans les accidents.
Pourtant le requin tigre vit essentiellement au large et se trouve attiré vers les milieux côtiers par les déchets ramenés par les cours d’eau, la pollution côtière (eaux usées), les rejets organiques (sacrifices animaux, déchets des pêcheurs et des poissonneries, rejets des industries de la pêche), les appâts immergés par le CSR, etc…, (cf. études CHARC et ECoReCo-Run sur le site info-requin.re).
Pourtant les études génétiques menées par l’Université de la Réunion et des universités australiennes ont montré la grande vulnérabilité de ses populations dans la zone.
Pourtant il est déjà – comme le requin bouledogue – inscrit sur la liste rouge de l’UICN avec un statut « quasi menacé d’extinction » principalement du fait de sa surpêche.
En fait le requin tigre sert surtout au CSR à « faire du chiffre » pour gonfler ses statistiques de pêche et préserver les budgets exorbitants dont il bénéficie.…..
Le précédent sous-préfet de Saint-Paul Olivier Tainturier – également président du CSR – et le directeur du CSR Willy Cail ont organisé en février dernier une conférence de presse pour présenter les prochaines évolutions en matière de pratique du surf et de gestion de la problématique requins.
A cette occasion, on a pu lire dans les médias (JIR du 17/02/21) :
« La pêche des requins restera la pierre angulaire de la stratégie. « C’est notre arme fatale » glisse Olivier Tainturier. Celle-ci est d’ailleurs amenée à évoluer. La pêche des requins tigres de moins de 2.50 mètres devrait être abandonnée pour concentrer les moyens sur le requin bouledogue, principal responsable des attaques mortelles ».
Déjà, voir le représentant de l’Etat se vanter de détruire des espèces qui tiennent une place essentielle dans la biodiversité marine est proprement consternant ! Mais à quoi jouent-ils, ces prétendus « responsables » ?!
David Guyomard (en charge du volet scientifique du programme de pêche du CSR) rappelait au journal télévisé d’Antenne Réunion le 17/02/21 : « les requins tigres, dans le contexte réunionnais, sont beaucoup moins dangereux que les requins bouledogues : la crise requin à La Réunion, c’est d’abord une crise bouledogue ».
Assertion confirmée par le directeur du CSR sur RTL Réunion le 18/02/21 : « 99% des attaques ont eu lieu par du bouledogue ».
Enfin, dans le JIR du 25/03/21, le même David Guyomard précise : « [les tigres] sont beaucoup moins dangereux que les bouledogues. Il s’agit également de juvéniles qui n’ont jamais provoqué d’attaques à la Réunion. Donc, ces requins ne sont pas de nature à soulever une inquiétude particulière. Je le rappelle, c’est essentiellement le requin bouledogue qui a été au cœur de la crise requin. Les tigres restent peu de temps à proximité des côtes. Ils viennent, ils se nourrissent, et repartent rapidement au large ».
Pourtant le CSR continue non seulement à liquider les requins tigres dans nos eaux, mais surtout élimine systématiquement tous les adultes reproducteurs ! Chez cette espèce à croissance très lente, la maturité sexuelle intervient en effet vers 2.80 mètres pour les mâles et 3.40 mètres  pour les femelles (Pirog, 2018).
Mais, nous direz-vous : et la promesse du sous-préfet alors ?! Du vent visiblement…..
Selon nos informations, le récent conseil d’administration du CSR a vu cette proposition bloquée par le conseil régional, dont la vice-présidente Yolaine Coste s’acharne à vouloir éradiquer tous les requins tigres des eaux réunionnaises.
Les requins tigres et bouledogues, en tant que prédateurs apicaux, sont des maillons essentiels de l’équilibre des écosystèmes marins.
Les requins – en particulier le requin tigre, véritable « éboueur des mers » – sont les garants de la bonne santé des populations d’animaux marins, en éliminant les cadavres et les animaux malades et/ou génétiquement faibles. Ils limitent également la prolifération des espèces prédatrices de niveau inférieur dans la chaîne alimentaire. Détruire les requins, c’est mettre en danger la ressource halieutique et la biodiversité marine.
Or là, l’objectif du CSR est clairement de provoquer la disparition de la population entière de requins tigres. Où se trouve la logique ? Est-ce là ce qu’on peut appeler un progrès ?! Jusqu’à quand l’Etat français va-t-il s’acharner à détruire le patrimoine marin mondial ?
Collectif d’associations :
Sea Shepherd Conservation Society – Longitude 181
One Voice – Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS)
Sauvegarde des Requins – Requins Intégration
Tendua pour la sauvegarde de la biodiversité
Vivre Activement pour Garder Un Environnement Sain (VAGUES)
 
Pour aller plus loin :
La thèse d’Agathe Pirog, de l’université de la Réunion (2018), intitulée « Structure génétique des populations et biologie de la reproduction chez le requin bouledogue Carcharhinus leucas et le requin tigre Galeocerdo cuvier » a permis de mettre en évidence les points suivants (https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01879924/document) :

  • « La population de requins tigres de l’Ouest de l’océan Indien et de l’Ouest du Pacifique est probablement très réduite et vulnérable aux pressions auxquelles elle est soumise. Des mesures de protection sont ainsi nécessaires pour la préserver.
  • Le requin tigre effectuerait des déplacements réguliers en milieu océanique, sur de longues distances (plusieurs dizaines de milliers de kilomètres).
  • La diversité génétique réduite mise en évidence chez le requin tigre pourrait indiquer une sensibilité plus importante des populations de cette espèce aux pressions anthropiques.
  • Les programmes de régulation sont généralement effectués dans une logique de supprimer les individus responsables des attaques. Ils doivent donc, pour être efficaces, être réalisés sur des populations restreintes géographiquement et fermées ([NB : ce qui n’est pas le cas à la Réunion]).
  • La pêche du requin tigre depuis plusieurs décennies, et notamment à travers les océans Indien et Pacifique, pourrait avoir eu un impact non négligeable sur la santé des populations de cette espèce semi-océanique, comme montré par leur faible diversité génétique. Si la pêche effectuée touche principalement des individus matures en période de reproduction, elle pourrait entraîner à long terme un déclin de la population entière.
  • Sur le long terme, les programmes de régulation mis en place dans plusieurs pays pourraient entrainer le déclin des populations de requins tigres et bouledogues, dont les conséquences sur l’équilibre des écosystèmes sont inconnues. En effet, la suppression d’un prédateur apical dans un réseau trophique peut entraîner des effets négatifs sur les niveaux inférieurs, d’autant plus si l’équilibre du réseau repose sur la présence de ce prédateur, comme cela semble être le cas à La Réunion.

En Afrique du Sud, la protection des plages depuis plus de 50 ans par la mise en place de filets permet d’accéder à des données sur le long terme. Ainsi, entre 1956 et 1976, dans ces filets, les prises par unité d’effort des grands requins ont diminué, alors que les compétitions sportives de pêche ont montré une prolifération des petits Élasmobranches (raies et requins). Cette prolifération a entrainé la diminution des populations de poissons osseux habituellement prisés par la pêche sportive (carangues, mérous, dorades, thonidés).
Enfin, en Australie, le déclin des populations de requins tigres semble impliquer un changement de comportement des tortues marines et des dugongs avec un effet en cascade jusqu’à diminuer l’étendue des herbiers. En effet, la pression de prédation des requins tigres étant relâchée, les populations de tortues marines broutant les herbiers ont augmenté, diminuant la surface de ces derniers. Or ces écosystèmes servent d’habitat et de nurseries pour de nombreuses espèces benthiques et jouent un rôle prépondérant dans le cycle des nutriments ».
Exemple : les dugongs sont dépendants des herbiers pour leur nourriture. La disparition des requins tigres mène à la raréfaction des herbiers, et donc à la disparition progressive d’espèces dépendantes de ces écosystèmes dont la plus emblématique, le dugong.

 

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