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Guy Dupont, vous êtes aussi responsable de la situation actuelle

Nous sommes très nombreux à avoir été destinataires du pamphlet de Guy Dupont intitulé « Note Blanche » que je mets en copie.   En tant qu’acteur du territoire, je suis évidemment -comme beaucoup dans le silence- consternée par cette prétentieuse initiative. Si Guy Dupont que l’on ne présente plus s’autorise à proposer le projet pour notre […]

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 20 novembre 2015 à 00H37

Nous sommes très nombreux à avoir été destinataires du pamphlet de Guy Dupont intitulé « Note Blanche » que je mets en copie.
 
En tant qu’acteur du territoire, je suis évidemment -comme beaucoup dans le silence- consternée par cette prétentieuse initiative.

Si Guy Dupont que l’on ne présente plus s’autorise à proposer le projet pour notre île, c’est bien que notre île est en péril.
 
Je voudrai en effet simplement rappeler à tous les lecteurs que :
1. la situation historique relatée par Guy Dupont
2. l’incapacité de nos décideurs à préparer l’avenir sinon de se partager pendant des décennies la manne financière liée à la départementalisation
3. l’absence de stratégie, donc de vison ou de cap au-delà de l’horizon visible
est bien entendu aussi de la responsabilité de Guy Dupont.
 
Comme beaucoup d’autres, Guy Dupont était aux manettes. Guy Dupont était au pouvoir. Guy Dupont était dans les milieux d’affaires. Guy Dupont était dans les sphères d’influence.
 
Aujourd’hui il veut se poser comme stratège, offrir ses services à la Région, être écouté mais peut-on encore confier notre ambition à ceux là même qui n’ont pas su être visionnaires.

Tout le monde aura aussi vu sa dernière intervention devant les caméras lors du meeting de Baron du MEDEF national en visite chez nous. Cette prise de parole révèle au combien il bien est de ceux qui parlent beaucoup, qui aiment s’écouter parler mais qui ne disent rien.

J’appelle la nouvelle génération d’entrepreneurs et de politiques de ne pas se laisser impressionner et de regarder l’avenir avec sa propre ambition.

Je les appelle a ne pas se laisser dicter leur avenir par des imposteurs; en écoutant celles et ceux qui savent réellement ce que c’est que de gagner un contrat, une affaire, un salaire à la sueur de son front.

Nous avons des trentenaires et des quadras formés.

Nous avons des trentenaires et des quadras qui ont emmagasiné des expériences riches (et non virtuelles)

Nous avons des trentenaires et des quadras qui ont su s’ouvrir à l’international.

Nous avons de la matière grise dans nos universités et à la tête des startup réunionnaises.
 
Celui qui saura trouver la bonne recette est celui qui sera mélanger les bons ingrédients.

Des entrepreneurs aguerris  

 

Bientôt les régionales… ou la collectivité unique

Les DOM semblent avoir perdu leur cap économique : Depuis une décennie, environ chacun s’interroge sur ce que doit être sa trajectoire susceptible de lui faire franchir une nouvelle étape de développement.

En effet, depuis plus d’un demi-siècle, la progression du PIB Outre-mer, et plus généralement de la situation économique et sociale, évaluée à travers l’IDH (indice de développement humain) a été portée principalement par trois facteurs déterminants :

  • –  D’une part, l’importance de la formation brute de capital fixe, c’est-à-dire des investissements publics et privés, avec des supports majeurs comme les fonds européens ou nationaux, ou avec l’aide fiscale à l’investissement.
  • –  D’autre part, le rattrapage social (1996 pour le SMIC), lequel a permis à la population de bénéficier des mêmes conditions de traitement qu’en métropole, et de ce fait, de développer un marché local rapidement croissant.
  • –  Enfin, un véritable élan vers le développement de l’import – substitution, qui a créé l’essentiel de l’armature du secteur productif des DOM, hormis les productions historiques traditionnelles.
    Or la situation a considérablement évolué depuis le début de ce siècle :
  • –  Les investissements publics, pour des raisons de recherche croissante d’équilibre des collectivités nationales et locales, ont vu leur progression nettement ralentie, et parfois même ont brutalement régressé (au niveau du logement notamment). S’agissant par exemple des investissements de l’Etat (Titre V), ils sont passés de 269,7 M. € à 210,8 M. € entre 2010 et 2012, avant de remonter à 261,4 M. € en 2013.
  • –  L’augmentation des prestations sociales ne constitue plus un élément majeur de la progression du PIB : le rattrapage est quasiment réalisé (sauf à Mayotte) et les flux n’évoluent plus qu’en fonction de la croissance de la population : en dehors de la Guyane (3,49 enfants/femme en 2013 contre 1,98 en métropole) et surtout de Mayotte (4,1 enfants/femme), les taux de natalité et de fécondité se sont stabilisés.
  • –  Le troisième moteur, l’import-substitution, s’essouffle. Tout, ou presque, ce qui était facile à faire est fait. Ne restent que quelques parts de marché intérieur à conquérir sur des créneaux difficiles, intenses en capital ou en technologie.
    La crise mondiale qui a sévi à partir de 2008 a touché l’Outre-mer plus ou moins rapidement, mais elle a surtout servi de révélateur brutal des faiblesses et des incertitudes d’une économie fortement influencée par des facteurs exogènes, et qui vit sur des schémas datés et de moins en moins porteurs.
    Dans ce même temps de forte interrogation sur le modèle économique souhaitable, des évolutions très différenciées ont caractérisé les DOM.

  • –  Tout d’abord sur le plan institutionnel ; les consultations organisées par l’Etat ont permis à la Martinique et à la Guyane d’opter pour une gouvernance basée sur une seule collectivité, tandis que Guadeloupe et Réunion n’ont pas souhaité évoluer dans ce sens. Par ailleurs, Mayotte rejoint le groupe des DOM avec une organisation qui n’a pas transité par la double collectivité.
  • –  Sur le plan démographique, les divergences sont très profondes : entre la Martinique dont la population décroit (–0,6 % par an en moyenne entre 2007 et 2014) et Mayotte ou la Guyane, et dont le rythme de croissance, cinq fois supérieur à celui de l’hexagone, est largement poussé par une immigration puissante, les situations se distinguent largement, au moins pour plusieurs décennies. La Guadeloupe et, à terme, La Réunion, quant à elles, s’orientent vers une transition démographique dont l’échéance n’est pas très éloignée.
  • –  Sur le plan des desseins d’avenir, qui devraient être le cœur des débats régionaux, l’obscurité r§gne. Certes, Mayotte souhaite devenir rapidement un département type, mais les autres ?
    Un sentiment général de manque de visibilité règne en effet sur l’Outre-mer français : il n’existe pas (ou elle n’est pas suffisamment exprimée) de vision commune, si tant est que ce soit pertinent, au niveau national. Mais, plus inquiétant, on ne perçoit pas de vision commune, portée par des leaders charismatiques et partagée par l’essentiel de la population dans chacun des DOM. Cette absence de projets de territoire ne permet pas d’éclairer le chemin des acteurs du développement, notamment sur le plan économique.

I. Quelques prérequis à prendre en compte

Les acteurs de chaque territoire, publics ou privés, ne peuvent pas ignorer quelques fondamentaux de la situation de l’Outre-mer susceptibles de favoriser ou de limiter le succès de leurs initiatives.

A) Des problèmes identitaires non encore résolus

Dans le monde complexe du ressenti identitaire, la situation semble assez différenciée selon les territoires : le sujet est largement prégnant aux Antilles, en apparence moins en Guyane et à La Réunion, tandis que Mayotte parait fonder son intégration nationale sur un certain rejet de ses statuts antérieurs.
Quoi qu’il en soit, ce sujet ressurgit régulièrement dans les périodes de tension ou d’évolution trop brutale. On ne peut donc l’ignorer et il est nécessaire de lui laisser sa place dans les débats qui marquent des structures sociétales en mutation rapide.
Selon les circonstances et les moments, cette question sera considérée comme un frein ou un accélérateur de développement. Ne pas la prendre en compte générerait des frustrations inutiles et peu propices à une évolution paisible des populations concernées.

B) Une asymétrie économique et sociale régionale

Nos DOM sont situés à proximité de pays indépendants ou autonomes qui se caractérisent par des systèmes sociaux totalement différents et largement moins protecteurs des individus, de leur santé, de leur bien-être. Or nos systèmes économiques, qui étaient sensiblement équivalents à ceux de nos voisins avant la départementalisation (bas coûts de fabrication, faible valeur ajoutée exportée….), ont dû évoluer vers un autre type de production, sans que pour autant le corps social, tendu vers une course à la consommation, se soit adapté à cette nouvelle donne de productivité. L’Etat et l’Europe ont donc tenté de compenser par des subventions ou des baisses de charges, sans que pour autant, cette asymétrie ait pu être comblée.

C) Un besoin de projet pour chaque territoire

Même si certains départements ont fait des efforts méritoires pour se donner des perspectives et des objectifs – à moyen-long terme, force est de constater que l’Etat a souvent été le concepteur et le décideur de l’évolution des DOM.
Les grandes décisions structurantes (investissements lourds, égalité sociale…) ont certes fait l’objet de demandes insistantes de l’Outre-mer, mais l’ampleur et le temps des différentes étapes ont été décidés à Paris. La contractualisation sur la base d’un projet cohérent, affiché et partagé, reste l’exception. Les essais dans ce sens (contrats de plans, programmes opérationnels européens….) ont souvent été des catalogues d’investissements ou d’opérations souhaités plutôt que l’expression d’un vrai projet de territoire.
L’ambiance d’absence de perspectives qui prévaut actuellement doit inciter les décideurs locaux à revoir ce mode d’organisation de nos activités : il n’y aura pas de sursaut notamment économique sans un minimum de vision commune, territoire par territoire.
Il revient à la collectivité régionale de susciter, d’encadrer et de porter cette vision commune. Il serait dommageable que les prochaines élections régionales ne soient pas l’occasion de comparer différentes perspectives d’évolution de chaque territoire. Il serait inconvenant, pour ne pas dire coupable, que chaque prétendant à la magistrature régionale ne soit pas capable de formaliser et d’énoncer un projet qui ne soit pas qu’une liste d’investissements divers.
L’élection régionale sera une des rares occasions où la population aura la possibilité de choisir son évolution à moyen terme. Or un rebond économique et social passe nécessairement par une appropriation commune des perspectives avec les efforts et éventuellement les sacrifices que cela implique.
Un projet de qualité doit nécessairement comporter :

  • –  Une vision du territoire à long terme
  • –  Des priorités temporelles et par nature
  • –  Des objectifs concerts hiérarchisés
  • –  Des moyens identifiés et fiables
  • –  Un planning de mise en œuvre
  • –  Des points d’étapes partagés et évalués

 

II. Quelles priorités communes ?

Les DOM connaissent des trajectoires différenciées. Il n’en reste pas moins que quelques priorités communes peuvent être dégagées, car elles ont un caractère réellement transversal et incontournable dans le contexte délétère évoqué plus haut.

A) La production des biens et services comme ardente obligation

Les trois décennies, de 1970 à 2000, ont été portées, sur le plan économique, par le discours de l’import-substitution, avec une réelle appropriation de la perspective de produire localement la majorité des biens et services consommés.
L’accélération de la mise en œuvre de l’égalité sociale, mais peut-être surtout la généralisation de l’appel médiatique à la consommation, ont affaibli ce message qui n’est plus promu vigoureusement, ni par la puissance publique, ni par les relais économiques et sociaux : l’Outre-mer a sombré dans la frénésie consumériste. Cette dernière est considérée parfois comme la seule « voie du bonheur » à laquelle on sacrifie tous ses revenus et parfois sa santé ou l’équilibre familial.
Or les revenus des ménages ne progressent pas au rythme des besoins de consommation générés par une promotion vigoureuse et généralisée. Ainsi, le revenu disponible brut par habitant dans les DOM tend à stagner (65 % du niveau métropolitain en 2006 ; 67,2 % en 2010 ; 67 % en 2012) : il en résulte un sentiment de frustration, parfois générateur de tensions sociales.
La puissance publique, nationale ou locale, a d’ailleurs régulièrement pris le relais en installant comme priorité l’accès à des produits et services moins chers, parfois en discréditant la production locale au bénéfice de l’importation de produits et services à bas coûts, souvent associés à des qualités contestables.
Consommer plus et moins cher est devenu la priorité absolue avant même, dans certains cas, l’obtention d’un emploi susceptible d’améliorer les revenus du ménage.
Or la production des biens et services reste la mère de toutes les batailles.
En effet, la focalisation durable sur la consommation pourrait entraîner le report massif vers l’achat de biens importés de pays à bas coûts, et par voie de conséquence un appauvrissement progressif des structures locales de production avec la destruction d’emplois qui peut en découler. Il ne s’agit pas d’une hypothèse d’école, mais d’un vrai risque, avec à la clef, un report d’une partie de la population vers les revenus sociaux et la croissance des frustrations ainsi engendrées.
Au-delà de l’accroissement des revenus et de la diminution des tensions sociales, on ne peut méconnaître l’impact d’une telle priorité sur ses effets en termes de dignité sociale et de notoriété pour les territoires concernés.
Le temps est donc venu de réhabiliter la démarche de production et de dépasser le seul discours sur la lutte contre la vie chère.

 

B) L’innovation comme fil conducteur

Si l’on accepte l’idée que la production de biens et services doit être relancée, inutile de vouloir recréer les conditions dans lesquelles s’est développé l’import-substitution dans la fin du siècle dernier. Plusieurs raisons militent pour changer de mode d’intervention :

  • –  La plupart des productions ont prospéré sur la base de technologies relativement simples, le marché acceptant des produits assez basiques dans un contexte d’offre restreinte : la publicité des produits sophistiqués venant de l’extérieur entraîne la nécessité d’intensifier le capital investi et de renforcer les connaissances technologiques.
  • –  La concurrence mondiale sur les produits de grande consommation a effondré les prix et rendu la production locale inopérante sur une partie du marché local et, a fortiori, à l’exportation. Il est donc nécessaire de concevoir la production de biens et services nouveaux sous un autre jour. Il faut, en effet, être capable d’être différent soit sur le marché local, soit sur les marchés extérieurs.
  • –  Or l’un des rares avantages comparatifs susceptibles d’être développés Outre-mer est précisément celui de l’adaptation à des conditions spécifiques à nos zones de chalandise (zones inter tropicales avec leurs contraintes physiques, sanitaires, sociétales…, caractère insulaire et petits marchés….). Il peut donc paraître opportun de renforcer ce que la période de l’import-substitution avait commencé à initier : l’adaptation des outils de production à nos propres contraintes. Compte tenu de l’évolution des savoirs faire mondiaux la chose est certainement moins aisée, néanmoins à notre portée grâce à notre capacité à mobiliser du capital et des connaissances internes et externes –et compte tenu des dispositifs qui sont, bon gré mal gré, adaptés aux spécificités des DOM, comme par exemple les trois mesures de « »tropicalisation » du Crédit Impôt Transition Energétique (CITE) adoptées en loi de finances pour 2015.
    La clef est donc dans la recherche-développement surtout dans sa dimension adaptation aux contextes évoqués plus haut.
  • –  Mais force est de constater que nos capacités en la matière sont réduites : la recherche- développement dans les DOM ne représente que 0,7% du PIB contre 2,23% sur la France entière (2011-2012). Par ailleurs, cette recherche est essentiellement publique et il est peu de dire qu’elle n’a pas toujours été orientée vers le développement économique des territoires ; parallèlement, le poids des entreprises dans la recherche n’est que le 1/10ème de celui observé en métropole.
  • –  Notre principale faiblesse, dans le contexte stratégique désertique évoqué plus haut, réside ici, et l’urgence absolue porte donc sur notre capacité à développer un secteur de recherche-développement-adaptation propre à nous permettre d’exploiter de rares avantages comparatifs dont nous disposons. Plusieurs entreprises ont fait leur chemin de cette façon, par exemple dans les applications au développement liées à la santé en zones tropicales.
    Il faudrait doubler l’effort en matière de R&D en cinq ans, soit produire un effort supplémentaire de près de 250 M. € : les enjeux financiers ne sont pas colossaux (l’équivalent de deux lycées, ou mieux de 2km de route littorale à La Réunion) mais ils impliquent :

  • –  Que le privésoit accompagné sans sa mise à niveau (l’évolution du CIR-DOM et du CII-DOM, adoptées en LFI 2015, vont dans le bon sens) ;
  • –  Que le secteur public fasse une remise en cause fondamentale de ses pratiques pour coller aux priorités régionales ;
  • –  Que chaque région se rende attractive pour attirer, à titre temporaire ou permanent, les titulaires des connaissances propres à être transférées dans nos départements pour satisfaire leurs besoins de recherche-adaptation.

III. Des territoires qu’il faut adapter à ces priorités

Faire progresser la production des biens et services, notamment grâce à un gros effort sur l’innovation, suppose que le territoire soit capable d’accueillir, sans difficultés rédhibitoires, les entrepreneurs et entreprises nécessaires. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas et les collectivités régionales doivent assurer avec détermination cette mission qui leur incombe largement.
Sont concernés particulièrement les infrastructures, les liaisons informatiques, aériennes et maritimes et la politique foncière.

A) La mise à niveau des infrastructures

– Les investissements de base, indispensables à l’implantation des activités, ne sont pas toujours au bon niveau. On peut, dans chaque DOM, relever des lacunes graves, à des degrés divers, en ce qui concerne l’eau et l’assainissement. De nombreuses collectivités ont été mises en demeure de solutionner des faiblesses criantes et récurrentes dans ces domaines. Cela concerne aussi bien l’approvisionnement en eau qui n’est pas toujours assuré, que la distribution dont le taux d’efficacité est parfois inférieur à 50%, ou encore, quand ils existent, les réseaux d’assainissement qui rejettent parfois dans la nature ou en mer des eaux dont le caractère polluant est avéré : l’essentiel du problème ne réside pas toujours dans la réalisation des investissements mais parfois dans leur gestion approximative.
– Le réseau routier n’est pas à niveau, à quelques exceptions près : comment développer certaines parties de la Guyane sans un minimum de voie de communications ? Dans les DOM mieux lotis, la situation évolue parfois au grédu traitement tardif des points noirs qui se multiplient : que d’énergie et de moyens engloutis dans des encombrements qui ne manquent pas d’interpeller au regard des lourds investissements consentis grâce au « fonds routier » !
– La desserte en électricité souffre encore de faiblesses graves dans de nombreuses localisations d’Outre-mer, et notamment dans l’Ouest guyanais en dépit des prescriptions de la loi « Grenelle 1 » du 3 Août 2009 ; cela concerne aussi bien les temps de raccordements (plusieurs mois souvent) que la capacité de souscrire des puissances significatives, ou encore la stabilité du réseau. Certes, la situation n’est pas comparable avec celle qui prévaut dans certains pays voisins, mais peut-on se satisfaire de cette médiocrité lorsqu’on se flatte de devenir un phare technologique dans l’environnement géographique ? Quelques expériences de rebond grâce aux énergies renouvelables ont été menées dans différents DOM: une méconnaissance des conditions particulières de l’Outre-mer de la part des instances nationales, alliées à une culture de la création de la complexité sur le plan local, se sont chargées de limiter l’essor de ces initiatives, notamment dans le photovoltaïque à partir de 2010 (exclusion du secteur de l’aide fiscale à l’investissement : désormais, la puissance installée Outre-mer ne représente plus que 5,8 % du total national contre 25,3 % en 2008).

B) Des liaisons aériennes, maritimes et numériques à rendre performantes

Les régions ont, à juste titre, revendiqué une compétence dans le domaine des liaisons aériennes. Il est inutile d’insister sur l’importance que peut revêtir le désenclavement pour des îles ou des territoires isolés.
– Dans le domaine aérien, la concurrence est une situation relativement récente et largement limitée. De nombreuses îles dans le monde ont investi lourdement dans leur capacité d’accueil et même dans des compagnies aériennes: celles qui ont réussi ont fait appel à un professionnalisme qu’on ne retrouve pas toujours dans le monde institutionnel public ou parapublic. Dans ce domaine, le choix des destinations a un caractère tellement stratégique qu’il ne peut procéder que d’une claire vision de l’évolution des territoires.
– Dans le domaine maritime, la concurrence reste toute relative dans plusieurs DOM et on doit reconnaitre que, pour l’instant, les collectivités régionales se sont peu investies, hormis dans les installations d’accueil portuaire. La nécessité de promouvoir, par exemple, une desserte de cabotage régional reste un vœu pieux.
– En ce qui concerne les transferts de données après une forte manifestation d’intérêt au début de ce siècle, les régions semblent avoir accepté l’idée qu’il s’agit d’une compétence à vocation complètement privée, alors qu’il s’agit là d’une activité vitale pour un secteur aussi évolutif que les TIC et plus généralement pour l’ensemble du monde économique : Importance et coût du débit, stabilité des prestations, centre de stockage, serveurs-cache etc….Tout cela a une incidence majeure sur la vie de nombreuses entreprises : un véritable pilotage professionnel des évolutions, engagé et responsable, est indispensable.

C) L’environnement, la collecte et le traitement des déchets comme obligation et comme opportunité

L’importance du traitement de l’environnement à l’égard de certains secteurs comme le tourisme est évidente. Son impact social est également capital, mais on sous-estime régulièrement son incidence sur la vie des entreprises. Qui n’a pas vécu l’obligation d’exporter ses déchets vers la communauté européenne parce qu’il n’était pas possible de les traiter localement ?
Au-delà des obligations légales imposées aux DOM au titre de leur appartenance à la France et à l’UE, s’ouvre pour eux un champ d’investigations et d’action tout à fait intéressant dans leurs zones géographiques. Certes les pays voisins ne sont pas encore soumis aux mêmes contraintes, mais le temps l’imposera progressivement et nos DOM, quoi sont parfois malmenés pour s’adapter aux obligations du moment, peuvent accumuler un savoir-faire reproductible à terme.

D) Une politique foncière qui doit correspondre aux besoins

La politique foncière d’un territoire est en grande partie de la compétence de la collectivité régionale, d’abord au titre des documents d’urbanisme généraux (SAR, SMVM…) mais aussi au titre de la mise en œuvre de moyens propres à assurer la mobilisation du foncier nécessaire à la réalisation des préconisations. C’est là qu’interviennent les établissements publics fonciers (EPF), mais aussi les SEM d’aménagement.
Or, une grande pénurie marque la situation des zones d’aménagement économiques et les bâtiments d’accueil : dans la plupart des DOM on n’est pas capable d’accueillir correctement les entreprises qui souhaitent s’installer ou s’agrandir, par défaut de foncier aménagé opérationnel. Le problème souvent ne réside même pas dans l’absence de localisations désignées dans les documents d’urbanisme, mais dans le peu d’appétence des collectivités pour mettre en œuvre les actions nécessaires à la livraison des parcelles. Il s’agit là d’une des plus graves lacunes constatées dans la gestion des collectivités régionales au cours de ces deux dernières décennies. Il suffit d’avoir fait l’expérience d’avoir été « chassé » par des pays étrangers, ou même des régions françaises, pour se rendre compte de notre retard en matière de quantité, de qualité et de prix du foncier opérationnel dans nos DOM. Nous ne sommes pas à la bonne échelle et il y a là un point de blocage majeur et pourtant facilement soluble, pour tout projet ambitieux de développement Outre-mer.

IV. Un environnement socio-économique à améliorer

La vie d’un chef d’entreprise, notamment lorsqu’il crée sa structure, n’est pas un long fleuve tranquille ; au-delà de ce truisme, un minimum d’empathie sociale doit exister pour qu’il puisse se lancer dans ce genre d’exercice périlleux et par ailleurs quelques conditions d’environnement doivent être respectées pour réunir les meilleures chances : Une organisation de la formation professionnelle adaptée, une bonne accessibilité des TPE et PME à la commande publique ou privée et une réelle ouverture aux opportunités régionales ou internationales.

A) Une formation professionnelle à rendre performante et co-gérée

On a souvent brocardé l’importance des fonds investis dans la formation professionnelle en Outre-mer, notamment grâce au FSE. Le problème n’est sans doute pas tant le manque de moyens disponibles que la façon dont ils sont mis en œuvre. Tiraillés entre les structures publiques ou para-publiques et les très nombreuses structures privées, les autorités organisatrices ont essayé de répartir leurs importants moyens en fonction de la perception qu’elles avaient des besoins du territoire.

Mais, outre le fait que la circulation de la bonne information n’est pas une donnée innée dans les instances décisionnaires, il faut bien reconnaître que le monde économique s’est impliqué de façon très relative dans la définition et la mise en avant des priorités des entreprises. Pour peu que les structures concernées (préfectures et conseils régionaux) manifestent un souhait d’association des représentations professionnelles à l’orientation des importantes sommes dont elles disposent (plusieurs centaines de millions d’euros par département) les entreprises doivent sortir de leur attitude critique mais peu engagée pour investir ce champ d’intérêt vital pour elles. Cela passe probablement par un travail de meilleur identification des besoins, de conception de mode d’intervention plus souples et plus réactifs et par une meilleure évaluation des résultats obtenus.

B) Un tissu de TPE et de PME à préserver et développer

Le tissu économique de l’Outre-mer, plus encore qu’en métropole, est composée essentiellement de TPE et PME. Certes il existe quelques entreprises significatives (plus de 500 salariés) mais ce sont souvent des filiales ou des établissements de grands groupes nationaux ou internationaux, en particulier dans la distribution. Les PME, au sens européen du terme (50 à 60 salariés) sont relativement peu nombreuses et il faut bien reconnaître que les créations d’emplois de ces dernières décennies ont été souvent le fait des TPE.
Cette caractéristique explique le grand nombre relatif d’entreprises Outre-mer, mais aussi le grand nombre de disparitions chaque année. Si le solde reste généralement positif, il n’en reste pas moins qu’il serait certainement possible de conserver plus de TPE en vie, pour peu que les donneurs d’ordres se mobilisent mieux dans un contexte bien morose.
En effet, par facilité ou par crainte des déboires, les donneurs d’ordres publics ou privés ont tendance, notamment dans le BTP ou la restauration collective, à favoriser les marchés généraux ou « tous corps d’état », ce qui leur permet de n’avoir qu’un gros interlocuteur à gérer. Cette attitude est mortelle pour les TPE qui sont ravalées au rang de sous-traitants souvent pris comme variable d’ajustement.
Une prise de conscience de ce problème s’est faite au cours des dernières années et le monde économique s’est mobilisé pour promouvoir les SBA (small business act) locaux à défaut de dispositions nationales suffisamment efficaces. Certains ont d’ailleurs traduit cette notion anglo-saxonne en « stratégie du bon achat ». Il s’agit de faire en sorte que les TPE ne puissent pas être écartées, du fait de leur taille, de marchés trop généralistes ou dont les conditions d’accès sont disproportionnées avec leurs capacités. Cela concerne par exemple les procédures de soumissions, les documents exigés, le montant des avances possibles, les délais imposés, les conditions techniques superfétatoires etc…. Cette démarche est très structurante et doit être encouragée.
Mais il existe une autre zone de difficulté majeure pour les TPE et même les PME. En l’occurrence, il s’agit des délais de paiement. Pour des raisons diverses, les entreprises de l’Outre-mer sont sous capitalisées et la modestie de leurs marges financières se traduit souvent par des liquidations, alors même que le carnet de commande est correctement rempli. En fait, très souvent, la trésorerie disponible est le point critique de leur gestion quotidienne, alors que les montants des crédits bancaires de trésorerie aux entreprises ont substantiellement diminué entre 2008 et 2014 : -39,3 % en Guadeloupe ; -38 % à Mayotte ; -36,1 % en Guyane ; -33,5 % en Martinique ; -23,5 % à La Réunion. Certes, une meilleure planification des flux pourrait parfois améliorer la situation, mais les difficultés, parfois mortelles, observées sont souvent liées au fait que les donneurs d’ordres, publics comme privés, ne respectent pas les délais limites pourtant prévus par la loi. Qui n’a en tête telle collectivité qui règle ses factures à plusieurs mois, voire à plus d’une année ?
Or la loi est explicite à ce sujet : il existe une procédure de recouvrement forcé, censée être mise en œuvre automatiquement au-delà d’un certain retard constaté. Dans le secteur public, la chaine de mise en œuvre implique les payeurs et le préfet : Combien de déclenchements effectifs de cette obligation a-t-on pu constater au cours des dernières années ? Et pourtant de très nombreux exemples de mise en sauvegarde ou en liquidation de TPE sont directement liés à des défauts de paiement. Cette situation est indigne de notre gestion collective des relations économiques et sociales. Peut-être faudra-t-il de nouveau légiférer, comme on le fait si facilement en France, en créant par exemple des possibilités de subrogation, alors qu’il suffirait d’appliquer correctement le dispositif existant.

C) Une culture pratique de la coopération, régionale et internationale

L’économie de l’Outre-mer s’est largement développée grâce à un marché intérieur très évolutif lié à la croissance de la population et de son pouvoir d’achat. Cette caractéristique n’a pas incité les entreprises à se tourner naturellement vers leur environnement régional et encore moins international. Or le marché intérieur des DOM, hormis pour l’instant en Guyane et à Mayotte, s’est stabilisé et le PIB par tête a même connu quelques faiblesses à l’occasion de la crise de 2009 à nos jours : en moyenne dans les cinq DOM, il s’échelonne entre 24 % (Mayotte) et 70 % du niveau hexagonal, et a stagné entre 2009 (57,2 % du niveau métropolitain) et 2013 (57,1 % -contre 50,1 % en 2000).
La question se pose donc de savoir s’il est possible d’explorer d’autres marchés, dans l’environnement régional ou au-delà.
On doit bien reconnaître que cette orientation a plus relevé jusqu’à maintenant de l’incantation que de la mise en œuvre opérationnelle. Outre quelques difficultés pour savoir qui préside à la manœuvre d’ouverture (Etat, Région, Département…), les entreprises elles-mêmes ont eu plus tendance à préserver leur précarré qu’à partir à la conquête de nouveaux horizons. Certes, les différences de statut, de traitement social, de contraintes fiscales etc… ne facilitent pas l’intégration dans les courants d’affaires internationaux, mais le risque est maintenant devenu grand de se faire inonder par les productions extérieures de biens et services en se recroquevillant sur des positions à terme fragiles. Il faut donc sortir de l’incantation, professionnaliser une démarche jusqu’alors très « amateur » et déterminer territoire par territoire, une ou plusieurs (mais pas trop) priorités sur lesquelles l’ensemble des acteurs vont se focaliser. Il peut s’agir de priorités géographiques, sectorielles ou d’un autre ordre et elles doivent concentrer suffisamment de moyens et d’organisation, pour être crédibles.
Les modalités de mise en œuvre peuvent être diverses : ouverture de représentation, visites ciblées, convention de collaboration, investissements conjoints etc…. Une attention particulière devra être portée sur la sécurisation des entreprises candidates, notamment lorsqu’elles sont les premières à se lancer sur un territoire nouveau ou sur un secteur non encore représenté. La prise de risques est intrinsèque à la condition d’entrepreneur, mais point trop n’en faut, surtout si l’on est TPE ou PME. Il est donc indispensable que les collectivités concernées, Région en particulier, en collaboration avec les organismes habilités (AFD, FACE…) innovent en matière d’accompagnement social et financier, avec des systèmes d’intervention simples et rassurants, si l’on veut déclencher cette obligatoire sortie des positions acquises de nos entreprises.

V. DES SECTEURS PRIORITAIRES DE LA LODEOM À REVISITER

La Lodeom (loi du 27 Mai 2009), à l’issue d’une consultation des différents DOM, avait sélectionné quatre secteurs d’activité (outre la recherche-développement) susceptibles de connaître un essor. A ce titre, des dispositifs d’accompagnement particuliers avaient été prévus (zones franches d’activités) avec des exonérations partielles de cotisations sociales et des exemptions d’impôts plafonnées. Ces secteurs restent porteurs de perspectives et seront sans doute réexaminés à l’occasion de l’élaboration de la loi qui succèdera àla Lodeom. L’évaluation des dispositifs étatiques prévus en 2009 (et rabotés depuis) n’est pas en cause ici : elle fera l’objet d’un travail ultérieur.
Néanmoins, il s’agit dans le cadre de préoccupations régionales, d’approcher les améliorations locales susceptibles de favoriser la prise en compte de ces priorités.

A) Le tourisme et les loisirs

La priorité affectée au tourisme a semblé naturelle dans l’ensemble des DCOM, certains (Martinique, Guadeloupe, dans une moindre mesure Saint-Martin) vivant une stagnation de leurs flux, d’autres (Réunion, Guyane, et désormais Mayotte) constatant une montée en puissance plus laborieuse que prévue. Ce secteur d’activité se fonde sur trois données positives. Des richesses naturelles avérées, des emplois relativement nombreux et des flux financiers qui correspondent à ceux de l’exportation.
Avec le recul de deux ou trois décennies, il semble que les améliorations suivantes ressortant des compétences locales, puissent être recherchées :
– L’appétence collective des populations locales à l’égard du tourisme n’a pas été vraiment travaillée. De contraintes supplémentaires à mal nécessaire, l’accueil du touriste ne semble pas avoir fait l’objet d’une promotion particulière. Or les pays qui réussissent en la matière en font un axe central de leurs préoccupations. Le « bouche à oreille » reste un vecteur majeur du choix de la destination, et, au-delà des richesses naturelles des contrées, l’attitude de la population fait partie du ressenti et donc agit sur la prescription.
Quelques campagnes de sensibilisation, variables selon la sensibilité des territoires, à l’intérêt de la démarche empathique à l’égard des touristes feraient donc le plus grand bien à nos destinations.
– La promotion de nos territoires à l’extérieur reste très souvent trop généraliste et peu focalisée sur des clientèles déterminées. Un aller-retour entre le ciblage de l’offre et de la demande est indispensable. On ne peut pas plaire à tout le monde et faute d’avoir précisé les clientèles, les messages sont dilués et confrontés directement à ceux de destinations plus prestigieuses et/ou moins coûteuses. Une bonne partie des efforts de promotion est donc gaspillée, tandis que nos installations, cherchant à être tous publics, ne satisfont complètement personne.
– Au-delà de la promotion, le travail des produits reste limité. Il n’est pas rare de voir tel ou tel organisme mandaté pour développer le tourisme sur un territoire, se contenter de faire de grosses campagnes de publicité à l’extérieur en pensant que l’essentiel du travail est assumé. La constitution, ou la modification des produits, pour enrichir l’offre et obtenir un allongement du temps de présence ou une densification des séjours, est souvent traitée comme une activité secondaire, voire facultative, de la démarche commerciale. A vrai dire, il s’agit d’une obligation impérieuse, moins valorisante et souvent plus complexe que les simples campagnes de publicité, mais vitale pour la pérennité et la croissance des flux touristiques.

B) La bioéconomie tropicale et particulièrement l’agronutrition

L’agronutrition en Outre-mer a longtemps recouvert deux types de production :

  • –  Tout d’abord, celles qui correspondent aux cultures traditionnelles, et à vocation historiquement exportatrices (banane, canne à sucre…)
  • –  Ensuite, celles qui ont marqué l’émergence ou le confortement de l’import-substitution (maraîchage, fruits, filières animales…)
    La difficulté à produire plus à des coûts acceptables pour les premières et la saturation progressive du marché domestique pour les secondes, ont incité les producteurs et les autorités publiques à diversifier les produits, notamment ceux qui sont susceptibles de trouver des marchés nouveaux à l’exportation.
    Cela concerne souvent des spéculations de niches, limités en volume (plantes aromatiques par exemple) ou saisonnières (fruits tropicaux…) avec des développements potentiels limités, mais réels.
    D’autres opportunités se dessinent, plus sophistiquées (algues, huiles essentielles diverses, préparations cuisinées…) mais les plus prometteuses sont à venir, pour peu que l’on s’en donne les moyens.
    En effet, la bioéconomie tropicale nécessite régulièrement des investissements conséquents :
    L’intensité capitalistique est le point de passage obligé pour avoir une chance de durer et prospérer dans ces domaines, surtout à l’export. La collectivité régionale, en particulier avec l’aide du Feder, doit donc pouvoir conforter lourdement les initiatives des opérateurs.
    De la même façon, il est sans doute indispensable d’élever des barrières de fragmentation (octroi de mer, conditions phytosanitaires…) pour préparer ou accompagner la prise de parts de marché en import-substitution. Mais ces barrières sont, dans l’idéal, dégressives quand la stabilisation de productions est acquise…
    Mais la meilleure protection, que ce soit sur le marché local ou à fortiori sur l’exportation, reste la capacité d’innover et les labels et autres appellations d’origine qui les accompagnent. Cela nécessite une vision très dynamique, de plus en plus sophistiquée, des process et des marchés qui peut trancher avec la gestion traditionnelle de certaines productions.

C) L’énergie-environnement

L’association de ces deux secteurs à l’occasion de la conception de la Lodeom a pu paraître incongrue ; mais outre le fait qu’elle permettait de faire entrer un secteur de plus dans les dispositifs législatifs, cela répond de plus en plus à une réalité organisationnelle.
En effet, la production des énergies renouvelables a vocation à faire de plus en plus appel à des matières premières liées à la protection de l’environnement (déchets verts ou ménagers…), mais au-delà, la bonne utilisation de l’énergie (efficacité énergétique) reste une des meilleures voies pour protéger l’environnement.
Dans ces domaines, trois difficultés majeures doivent être surmontées :

  • –  La première concerne la mauvaise adaptation des règlementations applicables à des contextes tropicaux ou insulaires. Qui n’a pas pesté lorsqu’il s’est agi d’être oblige d’évacuer à grands frais des déchets vers l’Europe parce que telle convention n’était pas co- signée par un pays proche parfaitement capable de traiter lesdits déchets ? Qui ne s’est pas offusqué de l’impossibilité de dépasser un quota de 30 % d’énergie solaire sur le réseau parce que ce dernier n’avait pas évolué pour suffisamment prendre en compte la première richesse énergétique des zones insulaires non interconnectées ? Il est donc nécessaire, pour les collectivités régionales, de rebalayer les différentes règlementations existantes et d’exiger leur réadaptation avec détermination, et parfois même avec entêtement, tant cette démarche n’est pas naturelle aussi bien au niveau européen que national.
  • –  Une deuxième difficulté réside dans le fait que les systèmes de financement nationaux et européens ne sont pas adaptés aux priorités ultramarines. Régulièrement, sont lancés des appels d’offres européens ou nationaux pour des propositions d’actions ou d’investissements avec des financements significatifs à la clef. Or la conception de ces appels d’offres correspond généralement à des préoccupations continentales du nord et ne peuvent pas recouvrir les projets insulaires ou tropicaux : des opérations aussi prometteuses que le SWAC (Sea Water air conditioning) n’ont que peu d’intérêt en France continentale alors qu’ils sont majeurs en Outre-mer. Certes, des contingents particuliers sont maintenant réservés à l’Outre-mer lorsque le CRE (Commission de régulation de l’énergie) lance ses appels à projets, mais cette novation, obtenue de haute lutte, reste l’exception et il y a là un champ de manœuvre très important pour les collectivités régionales.
  • –  Enfin, la lacune la plus importante à traiter Outre-mer concernant les deux secteurs de l’énergie et de l’environnement reste la sensibilisation active de la population. Chacun ayant tendance à reporter sur la collectivité voisine la responsabilité de cette obligation, cette mission est mal assurée, ou de façon fugace.
    Le chef d’orchestre doit être la collectivité régionale, et si elle n’a pas vocation à gérer l’ensemble, elle a au moins celle d’organiser les opérations et à s’assurer qu’elles sont correctement assumées.

D) Les TIC (Traitement de l’information et de la communication, alias le numérique)

Longtemps considéré comme un secteur en émergence, le numérique a maintenant conquis une place majeure dans l’ensemble des autres activités, aussi bien professionnelles que personnelles. De nombreuses initiatives étatiques, des collectivités ou associatives, ont donc tenté d’organiser ou au minimum d’encadrer ce domaine foisonnant. Pour autant, après avoir fortement progressés dans les quatre DOM « historiques » entre 1989 et 2009 (de 653 à 1 574 salariés), les effectifs du secteur « Activités informatiques et services d’information » stagnent depuis lors (1 586 salariés en 2013).
Les « points durs » qui persistent aujourd’hui sont de trois ordres :

  • –  Le débit et le coût des transferts de données restent largement moins favorables en Outre-mer qu’en France hexagonale. De nombreux projets ont été conçus pour combler ce handicap, pesant non seulement sur le secteur lui-même, mais aussi sur l’ensemble des autres activités desservies. Certaines collectivités ont envisagé de développer leur propres réseaux, tant en interne qu’en liaisons internationales, ou de créer, par exemple, des serveurs-cache pour améliorer la performance des réseaux existants etc… Force est de reconnaître que l’ »égalité réelle », en la matière, est loin d’être acquise et que cela reste un champ d’investigations et d’action très ouvert et important pour lequel la compétence, au moins partielle, de la collectivité régionale ne peut pas être déniée. Chaque territoire ayant sa spécificité, les solutions retenues seront diverses, mais le point d’aboutissement sera le même pour tous : une capacité de se battre à armes égales avec la concurrence internationale.
  • –  La formation des hommes, malgré de très grands progrès constatés au cours de cette dernière décennie, reste un goulet d’étranglement avéré, tant il s’agit d’une activité qui progresse rapidement et peine à trouver les compétences en nombre et en qualité. Il s’agit pourtant d’un des rares secteurs où la concurrence internationale peut s’exercer à partir de n’importe quelle partie du monde, pour peu qu’on ait résolu les problèmes de compétence après ceux de débits et de coûts évoqués plus hauts. Les succès constatés en Outre-mer ne sont pas légion, mais ils existent et peuvent certainement se multiplier. Dans ce cadre, augmenter la capacité de formation à ces technologies n’est pas une épreuve insurmontable dans chacune de nos régions.
  • –  Enfin, pour amplifier la progression de notre conquête de nouveaux marchés, il faut lever une autre difficulté qui nous est malheureusement encore propre : il s’agit de la capacité d’accompagner les start-up, locales ou importés, par des dispositifs efficaces de type fonds d’amorçage. Certes, quelques collectivités se sont essayées à concevoir des mesures ad hoc, mais nous ne sommes pas au bon niveau pour l’instant. L’enjeu financier n’est pas colossal (une à quelques dizaines de millions d’euros par an) mais les conséquences en termes de conquête de nouveaux marchés sont déterminantes.

                                                                                                          ***

Il a été dit plus haut qu’un candidat aux élections régionales, a fortiori à celles de la collectivité unique, ne pouvait pas s’exonérer d’énoncer une vision à terme de son territoire, ainsi que les objectifs concrets qui en découlaient pour le prochain mandat. La croissance récente des compétences régionales et la multiplicité des responsabilités qui en découlent pourraient décourager les prétendants de bonne foi, ou inciter les démagogues à tout promettre sans discernement. La qualité des futurs présidents de région et de collectivité unique portera certainement, plus que jamais, sur leur capacité à concevoir, mais surtout sur l’ardeur qu’ils mettront à organiser et à mettre en ordre de marche les différents acteurs de développement. Comment ne pas prendre comme une impérieuse mission le fait d’éviter un accroissement massif du nombre de jeunes en voie d’exclusion ? Comment ne pas faire l’analyse que leur sort est maintenant plus lié à un véritable développement des entreprises qu’aux pansements multiples des interventions traditionnelles ?
Privilégier la production des biens et de services, créer une culture de l’innovation, favoriser un environnement propice aux initiatives, connecter les territoires avec leurs régions, … autant de voies et moyens pour sortir de la stagnation qui nous menace. Certes, il n’est pas possible de s’abstraire des contextes national et européen qui ne sont pas traités ici et qui le seront à l’occasion de scrutins d’une autre nature, mais le champ des actions gérables localement reste très large -et propre à satisfaire les ambitions des administrateurs les plus exigeants.

Guy Dupont

 

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