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Guito Ramoune en correctionnelle, quand le clientélisme passe par la mise au placard

Il aura été le maire le plus discret de toute l’histoire municipale de l’île. La grande majorité du public réunionnais ne connaît ni son nom ni son  visage. Etait-ce fortuit ou voulu, lui seul peut le dire. Guito Ramoune tire sa révérence. Sans doute aurait-il préféré que cela se passe en douceur. Las ! A […]

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 29 novembre 2013 à 09H21
Il aura été le maire le plus discret de toute l’histoire municipale de l’île. La grande majorité du public réunionnais ne connaît ni son nom ni son  visage. Etait-ce fortuit ou voulu, lui seul peut le dire. Guito Ramoune tire sa révérence. Sans doute aurait-il préféré que cela se passe en douceur. Las ! A trois mois de sa fin de mandat, le voici projeté sous les feux de la rampe, honneur dont il se serait bien passé.
 
Le très discret maire de Petite-Ile se voit en effet rattrapé par la Justice pour une sombre affaire de harcèlement moral pas piquée des cloportes. Car elle concerne rien de moins que deux fonctionnaires territoriaux des plus irréprochables et efficaces de la circonscription sudiste mais sans doute aussi de l’île.
 
Mme Legros, ex-responsable du service de restauration scolaire et son ex-adjoint, Claude Payet, à force de travail et d’intransigeance sur la qualité du service fourni aux familles et à leurs enfants, avaient arraché le très convoité « agrément des services vétérinaires« , après lequel courent toutes les communes. Label qui avalise l’irréprochabilité du service communal des cantines.
 
Ajoutons que ces deux fonctionnaires étaient là avant 2008 et n’avaient eu droit, jusque là, qu’à des éloges. Avec Guito Ramoune, cela va changer en deux coups de cuillère à pot.
 
Le zèle (normal) de ces deux-là leur a attiré la hargne de quelques employés estimant trop dure leur charge de travail. Le plan d’élimination se met en place avant les élections.
 
Habituellement, pour apporter son soutien à un candidat, on lui fait promettre des places de travail. Là, c’est le contraire : on exige la placardisation des deux bosseurs. Et ça marche.

Suit une série de déclassements, de retrait d’indemnités, de vexations et autres décisions disciplinaires « pour insuffisance professionnelle » (!)

 
Quelques jours après la victoire surprise de Ramoune, une « réunion de travail » se tient chez une cantinière, destinée à mettre en place le processus d’élimination. Curieusement, s’agissant de deux fonctionnaires titulaires, et de réorganisation des services, ni le Directeur général des services, ni celui des ressources humaines ne sont conviés.
 
C’est d’abord Claude Payet qui est ré-affecté à un emploi fictif dans un service indéfini (celui des « matériaux »), sans bureau. Son responsable hiérarchique lui-même ne sait pas quoi en faire, n’ayant reçu aucune consigne. Sa santé se dégrade.
 
Début 2010, on lui accorde un coin de bureau dans un container surchauffé installé sur un dépôt d’ordures, « pour gérer les déchets verts« . Sûr que les branches mortes et troncs d’arbres doivent être gardés de près. Des fois qu’ils se feraient la malle… Quand ce fonctionnaire de catégorie B a le culot de se plaindre, il récolte un blâme. Non mais !
 
Le bonhomme le prend mal, va jusqu’au Tribunal administratif qui lui donne raison mais autant souffler dans une contrebasse : sa situation ne change guère. On lui met un robinet extérieur pour étancher sa soif de justice.
 
La descente aux enfers de son ancienne patronne suit une route parallèle. De fonctionnaire très compétente (même si exigeante), elle devient incapable de gérer son service. Son poste est supprimé, elle est remplacée par un ancien cuisinier, et elle-même se retrouve nommée à un service technique à mille lieues de ses compétences, sans encadrement, sans consignes précises. Suit une série de déclassements, de retrait d’indemnités, de vexations et autres décisions disciplinaires « pour insuffisance professionnelle » (!).
 
Pour une fonctionnaire excellemment notée, la pilule ne passe pas. Déprimes, atonie, doutes sur ses compétences, tendances de suicides, plus d’un an de congés de maladie cumulés sur trois ans pour la « contrôleuse territoriale principale » de top niveau.
 
Le maire lui accorde généreusement un ordinateur obsolète mais pas de téléphone. Pour quoi faire ?

« Je dégage Payet d’abord, Legros va suivre »

 
Retour au tribunal correctionnel de Saint-Pierre, hier matin. La présidente Ramage a la réputation (justifiée) de ne jamais lâcher son os une fois saisi. Ses questions vont pousser Guito Ramoune dans ses derniers retranchements. Les réponses du magistrat municipal se font de plus en plus hasardeuses, plus proches du grotesque que du comique.
 
Morceaux choisis : « Ce sont d’anciens agents qui m’ont fait part d’un malaise avant 2008 ». « Vous avez vérifié ? » demande la présidente. « Non »… Mais les parents étaient unanimement contents, eux. « Ah bon ? »… Des témoins rapportent que vous auriez prétendu, au cours de la réunion de 2008 : « Je dégage Payet d’abord, Legros va suivre ». – « J’ai dit ça, moi ? »… « Comment affecter quelqu’un sans poste défini, sans moyens, sans tâche précise ? » « A lui de se définir ! »
 
Le maire renvoie les responsabilités sur le Directeur des services techniques, la CIVIS, le fait qu’il ne peut tout contrôler. Entre mutismes, bégaiements et bras au Ciel, il n’apporte aucun éclaircissement. Tout au plus apprend-on qu’il signe le parapheur qu’on lui présente sans en vérifier la teneur : « Pas le temps ! »
 
Les rats, les moustiques, l’insalubrité du conteneur surchauffé ? « Pas au courant ». Le conteneur est à 100 mètres de son bureau. L’affectation de Mme Legros à la Maison des agriculteurs ? « Pas assez de bureaux à la mairie ».
 
Quant aux dépressions, stress et autres sombres états d’esprit chez ses fonctionnaires, « je n’avais pas fait le lien ». Eh ! s’il devait penser à tout, en plus…
 
L’enquête très pointue de la gendarmerie a mis en lumière le fait que Guito Ramoune n’a été qu’une marionnette entre les mains de son « cercle rapproché« , militants purs et durs, nervis de choc, « conseillers » divers. Une preuve entre autres. A la question du procureur voulant savoir pourquoi une « réunion de service » officielle se déroulait au domicile d’une cantinière, l’intéressé répond froidement : « Ce sont eux qui me l’ont demandé ». CQFD.
 
La présidente avait balisé le terrain, la partie civile a donné de l’artillerie lourde et, en pure logique militaire, le procureur n’a plus eu qu’à sonner la charge et réclamer 6 mois avec sursis et 10.000 euros d’amende.
 
Me Rapady a bien tenté de jouer sur les mots : « Le maire n’est pas l’employeur ; c’est la commune… », mais sa tache s’est avérée très difficile…
 
Réponse de la Cour le 23 janvier.

Ça n’a pas ému le maire : il ne se représente pas. Le début de la sagesse ? Question subsidiaire : si on taxe la marionnette, que fera-t-on des marionnettistes ?

 
Jules Bénard

 

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