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Grand Bois et centralisation

À la fin de la crise du sucre du XIXe siècle, la sucrerie-distillerie de Grand Bois centralise presque toutes les petites usines du Sud. Un siècle plus tard, elle regroupe les usines des sucreries de Bourbon. L’usine de Grand Bois fermée depuis 1991, est abandonnée pour l’instant en attendant d'être transformée en centre commercial et artisanal.

Ecrit par Sabine Thirel – le samedi 03 octobre 2009 à 07H30

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Située à l’extrême Sud-Est de la commune de Saint-Pierre, à quelques mètres de l’Océan Indien, l’usine sucrière de Grand Bois a été le centre industriel le plus important de la région.
Sa première construction remonte aux années 1833 et 1834, par Charles Augustin Choppy. L’usine regroupe plusieurs habitations et les usines de Terre-Rouge, de la Cafrine ou encore de Manapany. En plus de la fabrication du sucre que l’usine retirait de la canne, l’établissement comportait une distillerie qui fabriquait des produits dérivés tels que l’alcool et le rhum, des ateliers, des camps pour les esclaves et les engagés et des maisons pour les techniciens et les employés..

 

C’est l’apogée de l’industrialisation de l’île et chacun est à la recherche de gains faciles. Les gros propriétaires parviennent à s’enrichir grâce à l’emploi d’une main d’œuvre basée essentiellement sur l’esclavage, remplacée après l’abolition de 1848, par « les engagés du sucre ». La région de Grand Bois est peuplée par les colons dès 1720 mais c’est l’usine qui provoque l’arrivée massive d’une population d’origines variées. Un siècle de cohabitation autour de l’usine, permet à une population venue de Madagascar, de Rodrigue, des Comores, d’Europe et de l’Inde de vivre ensemble et à se mélanger.

 

Vers 1875, comme inscrit sur la façade, l’usine est reconstruite par Blainville Choppy. A sa droite se dresse une cheminée à base carrée. La nouvelle architecture présente des murs élevés et toitures hautes. Son fronton en pierres de taille et les murs opposés s’inspirent largement du néoclassicisme. Les personnels et techniciens sont logés dans l’enceinte et aux abords immédiats. L’aventure  du sucre est aussi une aventure humaine. Aventure par la volonté de travailler dans un univers différent de celui que les premiers engagés ont connus avant leur arrivée dans l’île mais aussi un siècle plus tard par l’attachement des travailleurs à leur outil de travail.

 

Vendue à Lougnier Lagane, en 1922, l’usine est rachetée à la Société foncière Maurice-Réunion, elle devient en 1923 propriété de la Société anonyme de Grand Bois dont fait partie Valère Hugot le dernier directeur du temps de l’ancien propriétaire Choppy.  Cette société avec quelques autres sucriers, se transforme en Sucreries de Bourbon en 1848. A la fermeture de Vue Belle en 1970, de Stella en 1978, de Savanna en 1986, Grand Bois brasse l’ensemble des productions qui étaient réservées aux usines des Sucreries de Bourbon.  

 

A la disparition de M. Adam, la direction de l’usine est confiée à Roger Thirel qui a fermé Savanna. A son interruption d’activité en 1991, la production sucrière du Sud est orientée vers le Gol qui est la dernière unité de production, issu de l’ultime accord de regroupement du Sud et de l’Ouest.
M. Gatina, un autre travailleur de Grand Bois, fils d’engagé rencontré lors de l’exposition sur les engagés à Stella Matutina, a travaillé jusqu’aux derniers souffles et dernières vapeurs de l’usine de Grand Bois. Aujourd’hui à la retraite il est fier de sa réussite professionnelle surtout de celle de ses enfants dont un d’entre eux, est enseignant en université.

 

La cheminée en pierres de taille classée aux monuments historiques de France, se dresse fièrement. Grand Bois reste lieu de livraison et de pesage des cannes du « Sud Sauvage ». Passant devant un grappin et des morceaux de machines poussés à l’extrémité de la plateforme, les cachalots font la navette jusqu’au Gol pour livrer les récoltes de canne à sucre. Le terrain d’aviation en terre sur lequel Emile hugot, PDG des Sucreries de Bourbon avant Jacques de Chateauvieux, posait son avion lorsqu’il venait visiter l’usine, n’est plus qu’un espace de poussière.

 

Aux alentours, il n’est pas rare de rencontrer des employés et des ouvriers qui ont vécu avec et pour cette usine. Nostalgiques de la grande période du sucre, ils racontent avec mélancolie les histoires du temps lontan. D’ailleurs c’est par un ancien ouvrier de Grand Bois que j’ai appris que l’étrange bâtiment carré en briques rouges abrite « la machine Thomson qui produisait la vapeur qui alimentait le générateur de l’usine» et que cette usine n’utilisait pas l’eau comme source d’énergie mais le bois et le charbon.

Sources :
Le Patrimoine Des Communes De La Réunion Collectif – Auteur : Collectif – Editeur : Flohic – 2000

Saint-Pierre de 1970 à nos jours- Les cahiers de notre histoire – éditions CNH – 1991

 

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