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Gilbert Annette finance-t-il illégalement la construction d’une mosquée ?

Le bâtiment a finalement poussé comme un champignon au coeur du quartier du Bas-de-la-Rivière. Son dôme brillant et son immense porte de style oriental sont clairement identifiables parmi les immeubles de la rue de La République. "C’est une mosquée", nous confient des riverains, ce qui en soi ne pose aucun problème. Sauf qu’il s’agit là officiellement du futur "Centre Comorien de Culture et de Connaissance de La Réunion" (4CR), financé à hauteur de 650.000 euros par la ville de Saint-Denis. L'affaire fait l'objet d'un recours devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Ecrit par zinfos974 – le mercredi 24 juillet 2019 à 11H53

Certains signes ne trompent pas, surtout lorsqu’ils font plusieurs mètres de haut. Il ne manque qu’un minaret au futur Centre comorien de culture et de connaissance pour que le bâtiment réunisse toutes les caractéristiques architecturales extérieures d’une mosquée.
 
D’ailleurs, les riverains interrogés sur place n’en pensent pas moins : « C’est une mosquée », ou encore « c’est là que les musulmans viennent prier », nous confient des riverains. Mais la conversation tourne court. Deux hommes interviennent pour rectifier le tir, après nous avoir vu poser des questions au voisinage : « C’est un centre culturel ça, madame. Ce n’est pas une mosquée ! », m’assure l’un d’eux, pendant que l’autre s’adresse aux riverains interrogés plus tôt : « Il ne faut pas dire que c’est une mosquée, c’est un centre culturel ! « .
 
Qui sont ces deux hommes ? Ils refuseront de nous répondre, mais le sentiment d’être surveillé devient vite pesant.

 

 

Une mosquée pour séduire l’électorat Comoro-Mahorais ?
 
Le coût du Centre Comorien de Culture et de Connaissance est estimé à 1.200.000 euros. Au total, la commune de Saint-Denis finance sa construction à hauteur de 650.000 euros, à travers 3 subventions accordées en 2014, 2016, et 2019 à l’association ACECR (Association culturelle et éducative Comorienne de La Réunion).
 
Et c’est là que le bât blesse, car la loi de séparation des cultes et de l’Etat du 9 décembre 1905 empêche une commune d’accorder des subventions pour la construction d’un lieu de culte. Mais de son côté, la ville de Saint-Denis assure contribuer « exclusivement au développement de l’espace à vocation culturelle  » , comme cela est précisé sur les délibérations attribuant les subventions.
 
« Ce centre sera d’abord un espace à vocation civique et culturelle où seront développées des actions touchant à la formation individuelle, à l’éducation et à la citoyenneté, nourries des valeurs et des principes culturels qui structurent la personnalité des nouvelles et futures générations des Como-Mahorais de La Réunion », écrit la commune.

Elle développe les actions qui seront entreprises dans ce futur centre : « l’apprentissage des valeurs de tolérance de notre culture, l’apprentissage du français et du créole, l’apprentissage des valeurs de la République, aide et soutien scolaires recherche et conférences, des débats d’idées sur les cultures de l’Océan Indien et apport des cultures dans le patrimoine et l’histoire de La Réunion. Ce sera aussi un lieu où, en collaboration avec les institutions, seront conçues et élaborées, en direction des Comoro-Mahorais et des autres composantes de la société les plus vulnérables socialement, des approches spécifiques d’insertion sociale et de responsabilisation pour faire face aux grands défis de la société dans laquelle nous évoluons », précise la délibération de la mairie.

Selon nos informations, le projet de financement de l’immeuble se répartissait alors de la manière suivante : 

Subventions publiques : 

  • Commune de Saint-Denis : 400.000 euros (finalement 650.000 euros)
  • Union des Comores : 100.000 euros

Capitaux propres :

  • L’association ACECR (disparue depuis 2003, voir plus loin) : 350.000 euros
  • AICMBR (Association Islam Chaffeite de la Mosquée du Bas de la Rivière) : 150.000 euros.
La demande de l’association d’une subvention de 200.000 euros auprès Conseil départemental avait été refusé à l’époque par sa présidente Nassimah Dindar.

 

 

Les médersas deviennent des « salles de réunion sans spectacles » 
 
Mais de sérieux doutes planent sur cette partie « culturelle« , notamment si l’on se fie aux plans de construction : selon nos informations, le premier permis de construire délivré à l’ACECR en 2013 fait état d’un bâtiment de 4 niveaux, dont 3 étages, au sein desquels devaient être construits deux médersas (lieux d’enseignement du Coran), au 1er et au 2ème étage, ainsi qu’une salle de prières au 3ème, sous la coupole.
 
Ce permis de construire sera par la suite modifié en 2015 pour transformer les médersas en « salles de réunions sans spectacles », pour lesquelles il n’est pas prévu d’ameublement spécifique : « les réunions se déroulant dans l’observance des us et coutumes de la communauté comorienne ».
 
Sans bureaux, tables, ou chaises, difficile d’imaginer comment les 436 personnes que ces salles peuvent accueillir, pourraient prendre des cours de français ou de créole, bénéficier de soutien scolaire, ou encore assister à des conférences comme cela est pourtant décrit dans le rapport du conseil municipal du 13 décembre 2014. À noter que la pratique du rite religieux de la communauté comorienne se pratique au sol, et ne nécessite donc pas d’ameublement…

 

Les premières reproductions virtuelles du bâtiment font également état d’une grande inscription en calligraphie arabe sur la façade, issue du verset 113 de la sourate 20 : « Dis plutôt Seigneur ! Augmente ma science« . Cet extrait du Coran, grand de plusieurs mètres, tend là aussi vers des fonctions plus cultuelles que culturelles.

 

 

L’ACECR, une association qui n’existe plus depuis 2003
 
L’Association Culturelle et éducative Comorienne de La Réunion, bénéficiaire des versements des fonds communaux pour la construction du bâtiment, n’existe plus juridiquement depuis septembre 2003. C’est lors d’une assemblée générale qu’elle est remplacée par l’AICE OI (Association Islamique Culturelle et éducative de l’Océan Indien) comme cela est indiqué dans le journal officiel. Qui a donc réellement bénéficié des fonds de la mairie de Saint-Denis ?
 
D’autant que l’association n’a pas seulement changé de nom, l’objet de celle-ci, soit l’activité pour laquelle l’association a été constituée, a également été modifié :
 

  • ACECR : intégration des enfants comoriens à la culture et à l’éducation de la société réunionnaise ; échanges culturels et éducatifs ; apprentissage des langues régionales ; solidarité entre les deux communautés.
  • AICEOI (nouvel objet) : intégration ; apprentissage des langues régionales ; solidarité intercommunautaire ; promotion de la culture islamique.

L’association AICMBR, qui finance également ce projet à hauteur de 150.000 euros comme indiqué plus tôt, a elle pour objet de « maintenir entre les coreligionnaires de La Réunion et d’ailleurs des liens cultuels et culturels afin d’acquérir des lieux pour l’exercice de leur culte ».

 

Un précédent à Saint-Louis
 
La Cour administrative d’appel de Bordeaux se penche actuellement sur cette affaire suite à une plainte. Et ce tribunal pourrait bien trancher en défaveur de la commune du chef-lieu, comme ce fut le cas en 1992 pour la mairie de Saint-Louis.
 
À l’époque, la commune avait accordé une subvention à une association qui favorisait le culte hindouiste. Et même si celle-ci exerçait aussi d’autres activités sociales et culturelles, le Conseil d’Etat avait finalement sanctionné l’octroi de cette subvention, indiquant qu’elle pouvait permettre à l’association de dégager des ressources pour ses activités cultuelles.
 
Si l’on se fie à cette jurisprudence, même si le Centre comorien de culture et de connaissances s’avère finalement contenir une partie culturelle, en plus de la partie religieuse, la subvention resterait prohibée.

 

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