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Gilbert Annette dans les « A.I.R »

Voici l'intégralité du discours du maire de Saint-Denis, Gilbert Annette, prononcé devant le président de la République, François Hollande. Basé sur trois lettres, A comme Activité, I comme Identité et R comme Responsabilité, Gilbert Annette a détaillé ses attentes pour la Réunion:

Ecrit par SH – le vendredi 22 août 2014 à 06H56

Monsieur le Président de la République
Madame la Ministre
Mesdames, Messieurs les Parlementaires
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Madame la Présidente du Conseil Général,
Madame, Messieurs les Maires
Mesdames, Messieurs les Elus
Mesdames, Messieurs les représentations diplomatiques, consulaires, administratives et associatives
Mesdames, Messieurs

C’est avec une vive émotion que je vous reçois dans notre belle Mairie de Saint-Denis, émotion amplifiée par cette cérémonie en mémoire de tous les Réunionnais tombés pour la France que nous venons de vivre.
C’est un rappel de ce qui nous lie à la France, ce qui fait de nous des Français à part entière, au-delà de nos lois ou des cartes d’identités que nous portons, c’est une histoire commune, et surtout le fait que nos aïeuls aient versé ensemble leur sang pour défendre notre patrie, notre république et ses valeurs.

En ce centenaire du début de la 1ère Guerre Mondiale, j’ai une pensée pour Amable Annette, mon père, qui en 1917, à 19 ans, s’engagea à Saint-Benoît pour défendre la Patrie.

A cet instant, j’ai aussi une pensée pour Anthony, Mathieu, Alexandre, Emmanuel, et Johan, le Dionysien, tous les 5 tombés en Afghanistan dans les rangs de l’armée française.

Je souhaite profiter de ce mot d’accueil, en présence de l’ensemble des élus et forces vives de La Réunion, pour partager avec vous, Monsieur le Président, le plus grand défi auquel nous devons faire face, aujourd’hui.

Contrairement aux idées reçues, véhiculées dans les clichés teintés d’ignorance : non,  la misère n’est pas moins pénible au soleil. Et, à contre-courant de ce que l’on entend encore trop souvent, j’ose réaffirmer un fait simple : notre société réunionnaise, notre peuplement, se sont construits sur une valeur : le travail.

Colons, grands et petits, esclaves, engagés, tous nos ancêtres sont venus, de gré ou de force, à La Réunion pour y travailler. Et générations après générations, dans des conditions de vie misérables, avec le génie qui caractérise les sociétés construites dans la frugalité, nous, Réunionnais, avons bâti une société que vous connaissez et qui fait face à des handicaps structurels reconnus et compensés en partie par l’Europe.

La nécessité de travailler pour vivre dans la dignité fait que la situation actuelle, ici, devient insupportable. Avec un taux de chômage à 29 %, soit 3 fois le taux national et un chômage des jeunes à 60%, soit le plus haut niveau européen.

Vous avez accepté de me recevoir en fin d’année dernière pour évoquer ce sujet. La situation du chômage, notamment celui des jeunes, déshumanise notre société. Un arrêté paru ce matin instaure un effort supplémentaire de l’Etat à destination de nos jeunes. Vous avez décidé de porter la participation de l’Etat pour les Emplois d’Avenir à 90%. C’est un nouvel espoir pour des milliers de jeunes ici à La Réunion.

Je sais que vous restez très attentif et déterminé sur cette question au niveau national.
Vous avez fait du recul du chômage l’objectif central de votre quinquennat.  Nous sommes ici le territoire où vos efforts doivent être les plus importants car nous sommes le Département le plus touché par le Chômage,  le plus sinistré. Sa nature structurelle et son impact sont tels que nous devons mettre en œuvre une démarche spécifique, à la hauteur du mal, pour retrouver une certaine dignité, dans un contexte difficile.

Cette dignité réunionnaise passe par 3 axes majeurs :
Activité
Identité
Responsabilité.

A.I.R. : il nous faut d’urgence ré-oxygéner une société réunionnaise que le chômage étouffe. Les soubresauts réguliers dans nos quartiers sont autant de rappels à nos responsabilités.

ACTIVITE

Nous devons redonner du travail à des pans entiers de la société.

Notre vraie ambition est de mettre en œuvre une Haute Qualité Educative pour permettre aux Réunionnais de saisir toutes les opportunités d’emplois sur notre territoire, en Europe ou dans la zone Océan Indien.

Grâce aux efforts du Pacte de Responsabilité et de Solidarité que vous avez lancé, mais aussi grâce aux mesures spécifiques que nous souhaitons pour les secteurs du Logement, de l’Habitat et du BTP, des Energies Renouvelables et la transition énergétique, du Tourisme, des Technologies Numériques, de l’Agriculture et de l’agro-alimentaire, et surtout grâce à une véritable stratégie de développement de l’Economie du Savoir, de la matière grise… Nous devons être ambitieux pour notre jeunesse.

Mais, dans l’attente du redémarrage économique, face aux causes structurelles du chômage massif et de très longue durée, nous attendons d’un traitement social à la hauteur du mal, par le biais de contrats aidés créés en nombre suffisant, qu’il fasse descendre notre taux de chômage à un niveau de 20%, ce  qui resterait alors un niveau double du national. Ce taux appliqué à l’ensemble de la nation représenterait toujours 6 millions de chômeurs : La France serait alors à feu et à sang … alors que pour nous, c’est un objectif qui nous permettrait d’entrevoir une amélioration, de faire renaître l’espoir dans de nombreuses familles.

Tous les élus, ici présents, pourraient vous dire que la principale demande de nos concitoyens, c’est du travail.

Nous ne sommes pas dans une demande d’assistanat puisqu’il s’agit bien de travailler et non pas d’une seule aide sociale ou financière.

Aussi, je réitère ma proposition qu’une partie du budget destiné à la prise en charge du RSA soit versée à un fonds pour prendre en charge le coût global de l’insertion par l’activité des bénéficiaires du RSA soit plus précisément le résiduel des contrats aidés, la formation et les frais de structures.

Ce fonds nouveau permettrait à un plus grand nombre de structures, associations, entreprises ou collectivités de développer des activités hors champs de l’économie marchande. Tout ceci sans dépenses supplémentaires de l’Etat.

Pour que cela ait un véritable impact nous devons viser 40 000 emplois aidés supplémentaires pour sortir 40 000 familles de l’inactivité et souvent de la misère sociale.

Je vais plus loin : je propose, de façon expérimentale et pour éviter que l’on nous accuse d’arrière-pensées politiciennes, que pour accompagner la mise en place de ces moyens, enfin à la hauteur de la situation, les services de l’Etat, à La Réunion, supervisent directement la prise en charge et l’insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA et l’ensemble du dispositif des emplois aidés, notamment au moment des recrutements. Vue la gravité de la situation, l’Etat reprendrait en partie le pilotage d’une de ses compétences forte et pourrait expérimenter l’efficacité de dispositifs nouveaux.  

Nous l’avons fait à Saint-Denis avec une certaine réussite en confiant à Pôle Emploi la sélection des contrats aidés embauchés par la Ville.

Cette question de l’activité et de l’emploi conditionne la préservation d’une certaine harmonie dans la société réunionnaise, la baisse des inégalités et le recul de la pauvreté qui touche 42% des Réunionnais, soit un niveau triple de la moyenne nationale.

Pour en venir à l’ IDENTITE

Après des décennies pendant lesquelles l’assimilation a été le leitmotiv d’une bonne intégration à la nation mais qui a conduit à gommer nos particularités, nos spécificités, nous devons changer de voie.

Si nous voulons être reconnus au sein de la nation et dans notre région géographique, aux portes d’une Afrique prometteuse, à l’orée d’une Asie tirée par l’Inde et la Chine, nous devons affirmer davantage notre identité réunionnaise.

Monsieur le Président, vous avez vu notre drapeau régional orner l’Hôtel de Ville aux côtés des drapeaux français et européens. Ce n’est qu’un symbole mais  un symbole nécessaire pour marquer nos spécificités.

Nous devons renforcer l’identité culturelle de notre jeunesse pour qu’elle puisse jouer un rôle moteur dans un grand Océan Indien reliant deux continents l’Asie et l’Afrique. Face à la mondialisation qui véhicule une culture standardisée, nos jeunes doivent être fiers de leur culture, de l’héritage reçu de notre peuplement métissé mais aussi développer leurs facultés comme la maîtrise de grandes langues internationales, dont certaines sont celles de nos origines.

Nous voulons en bonne intelligence réaffirmer une proposition, portée par le groupe du dialogue inter-religieux et donc par l’ensemble des religions et mouvements spirituels de La Réunion, de répartir différemment les jours fériés pour que les religions tamoule, musulmane et bouddhiste puissent chacune bénéficier d’un jour férié en échange de 3 jours fériés actuels. Cette proposition validée par l’Evêque de La Réunion, lui-même, démontre une formidable ouverture d’esprit, c’est une entente rare qu’il s’agit d’honorer, de promouvoir par ce geste.

Dans l’actualité internationale de ces dernières semaines, avec les conflits qui se durcissent, la France doit s’emparer de ce signal extrêmement fort de tolérance et de fraternité. Notre République, forte de son histoire et de l’évolution de sa société, cette république une et indivisible, est celle qui accepte sa diversité.

RESPONSABILITE

Près de 70 ans après la Départementalisation, le moment est venu de promouvoir la responsabilité réunionnaise à La Réunion.

Il y a 25 ans, alors que je recevais ici le Premier Ministre de l’époque, Michel Rocard, je lui en avais fait la remarque et malheureusement la situation a peu évolué : trop peu de directeurs des services de l’Etat sont originaires de l’île.
A compétences requises, nous souhaitons un rééquilibrage des responsabilités pour que, dans nos administrations mais aussi dans nos entreprises, nos concitoyens réunionnais puissent observer la fin du plafond de verre.

Il s’agit aussi de faire valoir que la bonne connaissance du contexte local et qu’un  attachement profond à une communauté de destin, qui caractérisent, tous deux, les habitants de cette île, sont des garants supplémentaires d’une meilleure efficacité d’action.

De la même façon, au niveau constitutionnel, les élus réunionnais sont les seuls élus de la République Française, qui voient leur responsabilité limitée. Nous demandons l’amendement de l’article 73 qui veut que seuls les élus réunionnais ne peuvent assumer la responsabilité de normes, règlements ou lois, spécifiques à notre territoire et autorisées par la représentation nationale. Le travail parlementaire a avancé et il vous reviendra lors d’un prochain congrès parlementaire de modifier la Constitution pour donner aux élus réunionnais les mêmes droits et responsabilités que les élus martiniquais, guadeloupéens, ou guyanais.

Mais d’ici là, il est temps que nous exercions le droit à l’expérimentation, comme cela est prévu par la Constitution, nous permettant une application adaptée à notre contexte local et donc nous assurer de la réussite de l’égalité républicaine. Il en va d’une recherche de la meilleure efficacité de nos politiques publiques dans des domaines qui nous paraîtront essentiels.

ACTIVITE – IDENTITE – RESPONSABILITE : A.I.R.

Monsieur le Président,

Nous avons besoin qu’un air nouveau souffle sur La Réunion : un air de dignité !

Positionnée au cœur de la zone de croissance économique du XXIème siècle, entre Asie et Afrique,
Dotée d’un métissage qui constitue l’avenir d’un monde en mutation accélérée,
Forte d’une jeunesse dynamique et ambitieuse,
La Réunion a de nombreux atouts mais surtout peut représenter un atout formidable pour La France.

Notre avenir peut être prometteur, si immédiatement et dans les 5 ans qui viennent,  nous sommes capables de passer le cap de nos difficultés actuelles.
Notre avenir peut être prometteur, si nous savons construire dès aujourd’hui, avec vous,  une société plus équilibrée tournée davantage vers le grand Océan Indien.

Monsieur le Président,
Ce que je vous propose aujourd’hui, c’est que nous lancions ensemble la construction d’un Pacte d’Avenir pour La Réunion.

Nous avions déjà parlé de cette possibilité de contractualiser entre l’Etat et notre territoire un véritable projet partagé, seul capable d’offrir, sur le long terme, des perspectives de développement à notre île.  

Vive la Réunion !
Vive la France !
Merci

 

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