J’ai appris comme chacun, ce matin, la disparition de Paul Vergès durant la nuit à l’âge de 91 ans.
Je voudrais évoquer la mémoire de cet homme dont la vie se confond avec l’histoire de La Réunion à partir du moment où il rentre dans l’île en 1955.
Très tôt, il a fait partie de ces hommes et femmes que l’Histoire, à travers la seconde guerre, a placé face à leur responsabilité. Il fera un choix en s’engageant à 17 ans dans les Forces Françaises Libres pour aller faire la guerre contre l’occupant nazi.
Les plus jeunes doivent entendre cela. A l’âge où aujourd’hui le challenge est de passer son Bac, il s’embarquera pour la guerre et l’incertitude de ne jamais revenir. Ce jeune homme part se battre pour les valeurs qui fondent la République en particulier l’idéal de liberté pour lequel il est prêt à donner sa vie, pour lequel il rejoint la résistance, pour lequel il soutiendra les luttes pour la décolonisation.
Le combat en faveur de la culture et de l’identité réunionnaise fut aussi un terrain de son engagement, après la création de Parti Communiste Réunionnais, en faveur de La Réunion et de l’Homme réunionnais. Il le mènera certes avec d’autres, mais il en est à l’origine et il l’incarnera. Ce sera le combat pour la reconnaissance de la langue créole réunionnaise et d’une histoire où nos ancêtres ne sont pas que gaulois.
Le grand combat des années 60 et 70 sera celui de l’autonomie. Très tôt Paul Vergès a compris l’importance de rapprocher la décision du territoire. Des années plus tard, la décentralisation devait lui donner raison en créant des Régionsavec de véritables compétences. Un souffle de libertés et de nouvelles responsabilités qui transformera l’île à partir de 1981 avec l’élection de François Mitterrand.
Paul Vergès et moi avons d’ailleurs été vice-présidents auprès du Président de Région Pierre Lagourgue. Ensemble, nous avons œuvré à rendre plus accessible l’éducation pour chaque jeune Réunionnais en construisant de nouveaux lycées partout à travers l’île. Nous avons insufflé une nouvelle ambition pour l’Université de La Réunion. C’était une nécessité. Nous ne pouvions laisser insatisfaites les attentes des bacheliers qui sortiraient des lycées nouvellement construits. Nous nous sommes donc attelés, ensemble, à développer l’offre de formations sur le campus réunionnais. Vice-président en charge de la formation à l’époque, je peux aujourd’hui témoigner de ce travail commun si important pour le développement humain des Réunionnais.
Pour Vergès l’engagement se poursuivra bien au-delà de notre île. Député Européen il forgera le concept de RUP, Région ultrapériphérique, qui permet encore aujourd’hui à notre île de bénéficier de financements européens plus importants.
Le dernier grand combat de Paul Vergès aura été celui de la lutte contre le réchauffement climatique. Il aura vu, avant tout le monde son enjeu, partagé par tous les responsables aujourd’hui. Paul Vergès aura été et restera un modèle d’engagement qui doit inspirer chacun et tout particulièrement la jeunesse de notre île.
La Réunion vient de perdre un très grand Réunionnais. Je dois dire en cet instant ma vive émotion.
J’adresse à l’ensemble de sa famille mes plus sincères condoléances et je souhaite leur dire, ainsi qu’à ses proches, à ses amis, à ses camarades du PCR, toute ma solidarité dans l’épreuve qu’ils traversent.
En témoignage de deuil et de notre respect, j’ai demandé que les drapeaux soient mis en berne sur l’ensemble des édifices de la Ville à compter de cet après-midi.
Gilbert Annette
maire de Saint-Denis