Nicolas Péhaut : Nous avons renoncé notamment au contrôle de la commande publique car une procédure judiciaire est actuellement en cours. Nous avons aussi bien interrogé la collectivité régionale que les services de l’Etat. Outre les questions de mobilité, la NRL est également une thématique liée aux enjeux environnementaux c’est-à-dire que le choix nécessaire de construire l’infrastructure dans cette partie de La Réunion a forcément exposé la maîtrise d’ouvrage à de très gros enjeux de difficultés.
Premier enjeu, l’environnement, où comment concilier le projet économique et technique et les obligations que nous développons dans le rapport et qui pèsent sur toute maîtrise d’ouvrage. Ensuite, il y a évidemment l’enjeu financier.
Les deux premières portent sur une insuffisance de comitologie. Tout d’abord sur le comité de pilotage général, au plus haut niveau des décideurs, qu’il soit bien plus élargi, et ensuite une comitologie dédiée aux questions environnementales. Nous avons constaté que les scientifiques prévus au départ ont délaissé finalement ce comité pour différentes raisons. De ce fait, pour un tel projet, nous n’avons pas eu la gouvernance qu’il nous paraissait nécessaire au vu des enjeux.
Ensuite, nous avons deux recommandations plutôt financières. La première porte sur la logique budgétaire : il faut actualiser pour informer les citoyens et les contribuables du coût réel sur un plan budgétaire. Nous avons aussi une recommandation sur les obligations comptables qui s’imposent à la collectivité.
Enfin, comme la Région assure la maîtrise d’ouvrage, elle doit également revoir les documents qui lui sont assignés compte-tenu des nouvelles échéances pour finir la NRL.
La CRC suit un protocole strict qui oblige les parties et ce protocole fixe les conditions et les fréquences de réunion de ce comité de pilotage. Sur ce point, il y a eu un défaut. Il y a eu des erreurs comme partout comme sur n’importe quel grand projet. Tout l’enjeu aujourd’hui c’est de ne pas réitérer ces erreurs parce que sinon cela deviendrait une faute. Il faut peut-être se poser la question de l’élargissement de ce comité à des acteurs qui sont intéressés comme peut-être les communes concernées car la mobilité est l’affaire de tous.
– Le contentieux entre la Région et le groupement NRL
La CRC a formulé une recommandation « assez claire » qui rappelle les obligations fixées par le Code général des collectivités territoriales qui oblige les collectivités dans leur ensemble de provisionner dès lors qu’il y a un litige qui a une incidence financière. Cela permet de garantir la transparence aussi bien vis-à-vis des citoyens que des financiers externes. Cela passe par un principe de prudence et un principe de sincérité. Le premier est un principe de bonne pratique de gestion. Le second un est principe à la fois comptable et budgétaire. C’est ce que nous réclamons par cette recommandation.
– Le rapport de la Chambre régionale des comptes va-t-il être suivi par la Région ?
Il y a une obligation qui s’impose aussi bien à la Chambre qu’à la collectivité, c’est ce que l’on appelle le suivi des recommandations. Dans quelques mois, la collectivité régionale aura l’obligation de rendre un rapport sur les modalités de mise en œuvre de ces recommandations. Elle peut s’y refuser ou les suivre partiellement, la loi le lui autorise. Dans tous les cas, elle doit se justifier devant les élus et la Chambre.
Après c’est le travail des juridictions financières qui je le rappelle sont indépendantes et qui ont leur propre programmation de contrôle. Rien ne nous interdit dans le futur proche ou lointain de contrôler la Région sur sa situation financière par exemple.
– La CRC fait aussi des recommandations sur le rôle de l’Etat dans le projet de la NRL ?
On fête en 2023 les 40 ans des grands textes qui ont mis en œuvre la décentralisation. Pour la CRC, le dossier de la NRL montre bien toute la complexité de la décentralisation. La France est une république décentralisée, pour preuve c’est bien la Région qui assure la maîtrise d’ouvrage. Mais devant un tel projet, il est aussi logique que l’Etat y participe. Dès lors que vous avez différents financeurs publics, et donc la gestion de l’argent des contribuables, il faut que tous les acteurs se réunissent autour de la même table, j’insiste sur ce message.
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