Jusqu’à l’année prochaine, l’Union européenne va négocier les nouveaux Accords de partenariat économiques (APE) avec leurs partenaires répartis à travers le monde. Ce sera le cas avec différents pays de la zone Océan indien, où les échanges concernent en grande partie la production agricole. Ainsi, les produits issus de l’agriculture réunionnaise se retrouveraient en concurrence déloyale face à ses voisins.
Du sucre importé à La Réunion
« Le sucre est très concurrencé au niveau européen. Par exemple, le Zimbabwe exporte 200.000 tonnes de sucre vers l’Europe. Ils ont le même style de sucre que nous. C’est une concurrence avec un coût moindre, mais c’est également une garantie sanitaire moindre. Ici, on respecte les normes françaises et européennes. On a un cahier des charges », explique Frédéric Vienne.
Le président de la Chambre d’Agriculture affirme même que du sucre étranger est importé dans le département. Selon lui, il y a 20.000 tonnes de sucre présent sur le marché local. « Il faut une campagne de sensibilisation auprès des importateurs », estime-t-il. Mais le sucre n’est pas le seul à se faire concurrencer. La viande, les fruits, les légumes, l’ail, l’oignon et les fleurs doivent également faire face à cette compétition inégale.
« On a une production agricole au prix européen à la différence des autres », fait-il remarquer. Surtout, Frédéric Vienne regrette le cynisme qui peut se cacher derrière ces accords. « Le pire, c’est qu’on profite de la misère de certains pays. Par exemple Madagascar où 500.000 personnes ne mangent pas tous les jours. La population ne mange pas à sa faim, mais on importe sans discernement », se désole-t-il.
Mobilisation des parlementaires
« Les départements français et européens ne doivent pas être sacrifiés au travers de ces accords. Les petites régions ultrapériphériques vont être concurrencées. Ces accords nous dépassent, mais ont un impact sur notre économie », souligne Frédéric Vienne. Pour éviter cela, la Chambre d’agriculture a envoyé un courrier pour sensibiliser Younous Ormajee, Stéphane Bijoux et les députés européens antillais afin de faire front commun.
Ces accords auront un impact sur la production agricole future à l’heure où la souveraineté alimentaire est un sujet majeur sur le plan politique. Frédéric Vienne a récemment rencontré Huguette Bello et Cyrille Melchior à ce sujet. Mais cette ambition pourrait être mise à mal par ces accords.
L’autre menace pour la production locale porte sur les prix du fret et des matières premières. Les prix des fertilisants et de l’alimentation pour le bétail ont augmenté de 30%. Frédéric Vienne redoute également une nouvelle baisse du trafic maritime vers La Réunion. « Les prix flambent actuellement, mais le grand risque c’est que les produits manquent », craint-il. C’est pourquoi il appelle de tous ses vœux l’organisation des Assises de l’alimentation.
La dernière inquiétude du président de la Chambre d’Agriculture est de ne pas voir l’enveloppe de 80 millions d’euros du Plan de relance être utilisée. Il estime que les critères pour en bénéficier sont trop complexes. « Il faut que les agriculteurs fassent les investissements agricoles avant d’être remboursés. Ce n’est pas possible pour la plupart d’entre eux », explique Frédéric Vienne. Il espère que des leviers seront trouvés pour faciliter l’accès à ce fonds de relance.