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Fête de l’Eid : Des sacrifices à domicile toujours pratiqués malgré leur illégalité

Chaque année, à l'occasion de l'Eid Al-Adha, des bœufs sont sacrifiés dans des conditions non-conformes à la loi. Une pratique qui soulève des problématiques en matière de sécurité, de santé et de bien-être animal.

Ecrit par Aurélie Hoarau – le jeudi 30 juillet 2020 à 18H00

Un animal de près d’une tonne débarqué en plein centre-ville. C’est le genre de scènes auxquelles on assiste tous les ans à La Réunion à l’occasion de l’Eid Al-Adha. La communauté musulmane de l’île sacrifie des bœufs (dans la plupart des pays du monde, il s’agit de moutons) pour en redistribuer la viande aux familles et aux pauvres. L’événement se tiendra cette année ce samedi, avec des sacrifices pouvant s’échelonner sur trois jours.

Au niveau de [la règlementation]urlblank:https://agriculture.gouv.fr/tout-savoir-sur-labattage-rituel , l’abattage rituel est possible par dérogation (les pratiques classiques imposant un étourdissement avant la saignée) « afin de garantir le libre exercice des pratiques religieuses dans le respect des dispositions réglementaires relatives à la protection animale, l’hygiène alimentaire et la protection de l’environnement », indique le ministère de l’agriculture. 

Des conditions strictes sont à respecter, comme pratiquer l’abattage dans « des abattoirs agréés bénéficiant expressément d’une autorisation à déroger à l’obligation d’étourdissement », faire appel à des sacrificateurs « titulaires d’un certificat de compétence Protection animale (CCPA) » et immobiliser les animaux « par un procédé mécanique ». 

Dissuasive sur le papier, la sanction n’est pas redoutée

Mais à La Réunion, dans la majorité des cas, aucune de ces conditions n’est respectée. Pourtant, l’abattage en-dehors d’un abattoir constitue un délit passible de 6 mois d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende (le transport d’animaux vivants dans des conditions ne satisfaisant pas à leur bien-être est également une infraction, punie d’une amende de 750 euros).

Pourquoi cette sanction, dissuasive sur le papier, n’est-elle pas redoutée ? Interrogée sur une éventuelle tolérance, la Daaf s’est évertuée à répondre que « les activités d’abattage des différents animaux font l’objet de contrôles réguliers et les suites administratives et/ou pénales appropriées sont mises en œuvre en cas de constatation », sans être en mesure de fournir des données sur d’éventuels contrôles réalisés dans ce cadre précis.

Pour le vice-président du CRCM (Conseil régional du culte musulman), Houssen Amode, le seul abattoir agréé pour l’abattage de bovins à La Réunion (qui fournit de la viande halal mais pratique l’étourdissement) est insuffisant pour satisfaire la demande, ce qui expliquerait une certaine tolérance. Un guide des bonnes pratiques édicté par le gouvernement prévoit pourtant que si les capacités sont insuffisantes, l’aménagement d’abattoirs temporaires agréés peut être envisagé par un porteur de projet. Mais selon Houssen Amode, ce système ne serait pas assez « rentable » en raison de bêtes trop peu nombreuses (plusieurs centaines selon lui, « mais difficile d’avoir des chiffres précis car c’est une affaire privée »).

La sacrifice « est une tradition séculaire », rappelle encore le vice-président du CRCM, précisant que les présidents de mosquées et les associations interviennent pour guider les fidèles dans l’organisation de cette fête religieuse. Certaines collectivités mettent même à disposition de leurs administrés des bacs de collecte pour les déchets carnés, facilitant de fait, pour des raisons sanitaires, une opération interdite par la loi.

Des accidents déjà survenus

Aussi « séculaire » qu’elle soit, la pratique souligne des problématiques multiples. Vu la carrure imposante de l’animal, se pose déjà l’évidente question de la sécurité. Car les sacrifices ont généralement lieu dans des cours privées, devant un public de fidèles, et les réactions de l’animal, soumis à un fort stress, ne sont pas prévisibles. Des accidents sont déjà arrivés ; un drame n’est pas exclu.

 

Une fois le moment du sacrifice arrivé, l’animal est attaché par les pattes avec des cordes, lesquelles sont tirées pour le faire basculer au sol, où il sera égorgé manuellement, sans être étourdi. Sur ce point, le vice-président du CRCM répond : « Personne ne veut faire souffrir une bête, certains pleurent, mais c’est fait rapidement, dans le respect de l’animal ». Et soutient que l’abattage est réalisé par des éleveurs (ce qui n’est en réalité pas toujours le cas, selon nos sources).

Une problématique sanitaire

Le danger est aussi sanitaire, puisque l’égorgement, la découpe, la conservation et la distribution de la viande, censées répondre à des normes strictes d’hygiènes, échappent à tout contrôle. Un danger auquel s’ajoute cette année celui de contamination à la Covid-19, l’événement rimant avec rassemblements.

Rappelons enfin que la communauté musulmane n’est pas la seule à pratiquer l’abattage rituel à La Réunion. La communauté tamoule sacrifie elle aussi des animaux (cabris et coqs) lors de cérémonies organisées plusieurs fois par an. Si le préfet avait tenté en 2007 de prendre un arrêté pour encadrer la pratique afin de lui « aménager une place légale », le projet avait été rejeté en bloc par les associations religieuses. 

 

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