Pour ce photographe de 49 ans, il ne s’agit pas de comprendre l’évolution des mœurs réunionnaises et d’apporter des réponses, ni de procéder à une étude ethnologique : non, le propos de l’auteur est plutôt d’informer et de témoigner à un moment donné et de mettre en exergue les diverses composantes de la population réunionnaise.
La richesse de l’île réside dans cette mosaïque de cultures, de parcours et d’univers où les religions se mêlent et s’entremêlent pour recréer cette unité autour d’un peuple. Les portraits, réalisés dans l’intimité des intérieurs, sur les lieux de travail et de loisirs révèlent une authenticité crue, belle et émouvante, sans artifice. L’ajout de lumière artificielle avec des flashes vient ici souligner et mettre en avant les lieux choisis non pour leur prétention décorative ou artistique mais plus parce qu’ils participent à renforcer la crédibilité des sujets photographiés dans leur environnement.
La mise en scène aussi minime soit elle, sert d’alibi pour mieux révéler. Elle ne reflète pas, elle recrée. Elle ne s’appuie pas sur un scénario inventé, mais sur le synopsis unique et magique de chaque vie. Les Réunionnais ne sont pas pris dans le mouvement et l’instant ; ils s’arrêtent, posent et s’exposent. S’ils ne sourient pas, c’est qu’ils sont conscients que l’on ne fait pas ici des photos de famille, mais des portraits d’individus et une fresque de la société. Ils sont acteurs et complices. Sans doute en savent-ils un peu plus sur eux-mêmes lorsqu’ils voient leurs images. Nous en savons un peu plus sur la Réunion en les regardant. L’occasion de passer à travers le miroir.
Un travail fait de rencontres, où l’intimité des lieux transparaît à travers les clichés.
Témoignage d’une réalité exacerbée, les photographies servent à souligner la complexité de cette société, riche et pauvre, multi-ethnique, aussi diverse que multiforme, où le métissage apparaît comme un modèle aux yeux du monde. Ce travail de longue haleine est l’occasion pour le photographe de réaliser des portraits d’hommes, de femmes et d’enfants d’où se dégage une humanité si emprunte de réalisme que cela en devient presque surréaliste.
Dans la ligne droite du photojournalisme humaniste du début du XXème siècle, Pierre Marchal s’investit dans son sujet sans pour autant dénaturé son propos à travers des clichés trop travaillés et mis en scène. La technique est la même pour toutes les personnes photographiées. Seule l’approche diffère parfois pour entrer en contact avec les sujets, hasard des rencontres dans la rue, au marché, sur des lieux de culte, dans des immeubles… L’utilisation de flashes en plein jour permet de mieux souligner une réalité criante de vérité sans jamais transfigurer le quotidien et le cadre de vie des sujets.
Le résultat est parfois surprenant, émouvant, attachant et la sensibilité des personnes immortalisées apparaît au grand jour et a valeur de révélateur sociologique. Une réalité qui claque comme autant de diversités d’où transparaissent des modes de vie à la fois contemporains, traditionnels, parfois décalés, reflet d’une société multiraciale, où s’entrechoquent des catégories sociales de toutes origines.
Pierre Marchal nous propose un voyage au cœur d’une Réunion complexe, où les « classes sociales » sont abolies autour de valeurs partagées faites d’opinions et de croyances, de craintes et d’espoirs, de certitudes et de doutes.
La curiosité n’est pas ici voyeurisme. Elle se justifie par le désir de comprendre, de mieux appréhender une Réunion en pleine mutation et qui se cherche à travers des codes et des modes de vie nouveaux qui ont de quoi déstabiliser. Pierre Marchal nous permet d’approcher des personnes que l’on n’aurait jamais croisées, de pénétrer dans des foyers que l’on aurait jamais eu l’occasion de visiter. Et pourtant, ces personnes, ces lieux, nous sont si familiers. Ce sont nos voisins, notre boulanger, notre prêtre, la maîtresse d ‘école de nos enfants. Ils nous sont étrangers, mais si familiers à la fois. C’est toute l’ambiguïté de ce travail, fait de hasard et de rencontres, qui nous ouvre les yeux sur une Réunion que nous connaissons mais dont nous ignorons tout.
L’exposition
Composé de 15 portraits au format 90X60, fixé sur plexi transparent 10mm l’exposition fait la part belle à l’émotion. Les personnes posent, le regard en direction de l’objectif. Véritable panorama de la richesse multi ethnique de la Réunion, cette galerie de portraits intimistes a été réalisée aux quatre coins de l’île et vient ainsi démontrer et conforter toute la richesse humaniste des habitants qui composent la mosaïque socio culturelle de l’île.
A voir jusqu’à ce soir au festival Métisse de l’Etang Salé