Les menaces de mort sont très mal perçues par les magistrats ; surtout émanant d’un individu au casier judiciaire long comme un discours de Sinimalé ; et ce, même si l’accusé semble intellectuellement un peu « juste ».
Il arrive saoul chez la Juge !
Gérard « Ti Rouge » B. a déjà plus de 10 condamnations à son actif. C’est mal parti : trafic et consommation de « salade », violences diverses, conduite sans permis, refus d’obtempérer, violences aggravées, menaces de mort… En tout, il a déjà effectué quatre séjours en cellule. Mais… c’est à se demander s’il le réalise.
Cet homme de 40 ans, handicapé physique, survit avec une AAH (allocation adultes handicapés), vit en concubinage ; sa compagne lui a déjà donné 7 enfants ! C’est aussi un accro aux liquides titrant les 40 degrés.
Il semble que personne n’ait jamais pris la peine de lui expliquer que certains comportements sont périlleux. Comme conduire pété, tirer sans caoutchouc ou aller à une audience du Juge des enfants en étant fin beurré. C’est très mal vu.
Or, le 7 juin dernier précisément, convoqué par la Juge des enfants de Saint-Pierre, il avale quelques petits verres pour se donner du coeur à l’ouvrage et arrive chez la Juge en marchant en crabe.
L’affaire est délicate : il s’agit pour la magistrate, de décider de ce qu’il adviendra de la fille de « Ti Rouge ». Une affaire qui n’a pas été détaillée à l’audience et peu importe.
Insatisfait des propos de la Juge, « Ti Rouge » s’énerve, s’emporte, devient agressif et balance à voix haute des propos que madame la Juge ne comprend pas, ne pratiquant pas encore très bien la langue de Madoré.
Sa greffière se charge de lui expliquer la chose, avec les circonlocutions d’usage :
« La dit i sa tuer à ou !… Euh !… Il a dit qu’il va vous faire la peau, madame la Juge ».
« Lé pas mauvais lu… quand lu boir pas »
Que vouliez-vous qu’elle fît ? Qu’elle portât plainte ; dont acte. « Ti Rouge », de son côté, comprend mais un peu tard qu’il est allé trop loin et affiche partout son intention d’aller s’excuser. Problème : lorsque les gendarmes lui mettent la main au collet, il est encore plus bourré que le matin.
Il est même si imbibé que les enquêteurs, dans un premier temps, auront le plus grand mal à lui soutirer quelques bribes d’explications.
Il ne se souvient plus trop… « Mwin té saoul… »
Incarcéré dans le cadre d’une autre affaire, c’est entre ses accompagnateurs en uniforme qu’il a comparu. Et on comprend tout-de-suite que ce gars-là n’a pas vraiment les yeux en face des trous… même quand il n’a pas bu. Handicapé sévèrement du bras gauche, il pâtit en outre d’une élocution plus que laborieuse : on comprend mal ses tentatives d’explications. Il ne triche manifestement pas : il fait ce qu’il peut, c’est tout.
Sa compagne a bien dit aux enquêteurs qu’il souffre d’un alcoolisme chronique et d’une addiction au zamal à forte dose. Mais que lorsqu’il ne boit pas, c’est-à-dire quelques courts moments dans sa journée, « lu lé pas mauvais ». Comme ils disent souvent sur des ondes radiophoniques bien connues : « Ça in bon marmaille, ça ! »
Et nous ne sommes pas loin d’abonder dans ce sens ; répétons-le, personne, personne, n’a jamais tenté de le soigner contre ses addictions et son caractère parfois un peu à-pic.
La procureur a parlé d’alcool, de stupéfiants, de violence non-contenue, en réclamant 6 mois de gnouf. Me Ropars, commis d’office, a mis en avant le fait que l’accusé était généralement face à une incompréhension totale de ce qui se passait devant lui et sollicité l’indulgence du tribunal
Le défenseur a été en partie entendu : 4 mois de prison et l’euro symbolique de dommages-intérêts demandé par la partie civile.
Une obligation de soins n’eût pas été superflue dans le tableau.