Rachat de Vindémia : L’OPMR déplore la hausse des prix et la mort annoncée de Run Market
Les vacances parlementaires sont (déjà) terminées pour nos élus du Palais Bourbon. Le fracas qu’a constitué le rapport intermédiaire présenté par l’OPMR est venu interrompre l’habituelle trêve politique du mois d’août.
Cette perspective met dans le doute quasiment 800 employés et c’est « avant tout à eux » que pensent Karine Lebon, Emeline K/Bidi et Frédéric Maillot. Les députés de la 2ème et 6ème circonscription sont directement concernés puisque trois des quatre centres commerciaux de Make Distribution sont implantés sur leur territoire (Chaudron, Sainte-Marie, Savanna) mais leur combat dépasse largement le cadre de l’implantation géographique des salariés concernés.
Concurrence : une brigade localement pour enquêter
Sans considérer qu’il s’agisse de « la solution miracle », concèdent-ils modestement, les trois députés avancent l’idée de la création d’une société coopérative de production dans l’éventualité d’une fermeture des Run Market.
« Notre préoccupation première c’est l’emploi. Comment absorber les emplois perdus si les magasins venaient à disparaître ? Et on ne parle même pas à ce stade des emplois indirects », pose comme difficile équation Frédéric Maillot qui voit en une SCOP une issue possible pour redonner vie aux magasins Run Market, à condition que l’Etat, si prompt à aider les grands groupes en difficulté durant le Covid, en fasse de même pour cette SCOP. Si ce modèle économique est peu connu du grand public, quelques exemples concluants ont émergé sur le territoire hexagonal ces dernières années, le plus souvent après, justement, un gros plan social.
Cette formule aurait l’avantage de faire des salariés des acteurs de leur structure et de contribuer à tourner la page du modèle dominant des « temples du commerce » dans lesquels les salariés ne sont que de simples pions dans des groupes qui n’ont pas d’attachement propre au territoire. « Le groupe Leclerc, je vois qu’il réinvestit dans la société réunionnaise, notamment dans la culture. Carrefour, qu’est-ce qu’il réinvestit ici ? » interroge Frédéric Maillot dont on devine la réponse en pointillés. En ‘marmaille la cour’, le nouveau député de la 6ème marque ainsi son attachement à valoriser les initiatives tournées vers « le commerce de proximité », à condition que les consommateurs jouent le jeu évidemment. Si ce schéma (de SCOP) pouvait prendre la suite « dans au moins deux des quatre » structures laissées vacantes par Run Market (si les visions de l’OPMR se concrétisent bien sûr, ndlr), ce serait déjà bien à entendre les trois députés.
Les outils parlementaires à leur disposition seront actionnés « dès la rentrée » de la chambre basse, promet Karine Lebon. La députée et ses collègues de la NUPES comptent s’employer auprès d’Olivia Grégoire, la ministre déléguée aux PME et au commerce, pour réclamer la création d’une Brigade Interrégionale d’Enquêtes Concurrence. Une BIEC existe pour les Antilles-Guyane et le bassin Réunion-Mayotte en est étonnamment dépourvu. « Nous sommes en attente d’un rendez-vous avec la ministre », explique la Saint-Pauloise.
Paris, trop loin, trop débordé
Les BIEC sont placées, ailleurs où elles existent, sous l’autorité du préfet de Région au sein des DIRECCTE et ont « la possibilité de mener des perquisitions », autrement dit, leur champ de compétences irait bien plus loin que celui des avis de l’autorité de la concurrence par exemple. Une institution que les députés péi trouvent trop déconnectée des réalités outre-mer et trop débordée, amenant parfois à la publication d’avis bien trop longtemps après les événements. Avec ce retard dans l’examen des dossiers anti-concurrentiels et l’absence d’une BIEC Réunion-Mayotte, « on a l’impression que la situation arrange en haut-lieu », en vient même à estimer Karine Lebon qui dit vouloir enrayer la perspective d’« un duopole (avec Leclerc), voire d’un monopole du groupe Bernard Hayot ».
Le deuxième mécanisme que réclameront les députés sera la création d’une commission d’enquête parlementaire qui sera chargée de plancher sur les situations monopolistiques. Elle sera l’occasion de « faire l’état des lieux et de faire émerger de nouveaux mécanismes réglementaires. »
En attendant le lancement et surtout la finalisation d’un tel rapport qui ne peut s’envisager que sur du « long terme », les maires pourraient très bien, à leur échelle, grâce à leurs représentants siégeant par exemple dans la commission départementale d’aménagement commercial, mettre un holà sur les implantations ou extensions de grandes surfaces. Emeline K/Bidi parle ainsi de son expérience en tant qu’adjointe en charge de l’aménagement à Saint-Joseph qui lui a permis d’avoir une vision globale des choix cornéliens qui se présentent aux municipalités, prises entre l’obligation de création de logements et d’un foncier qui se raréfie.
A entendre la députée de la 4ème circonscription, l’époque des « centres commerciaux géants » est derrière nous et tous les événements majeurs récents tels que les Gilets jaunes ou la pandémie semblent aller dans le sens d’une meilleure place à accorder aux projets tournés vers « l’économie sociale et solidaire ».
En s’adressant « aux autorités compétentes », Frédéric Maillot en appelle ainsi à « arrêter de céder nos terres aux temples de la consommation ». Et si la chute (encore hypothétique) de Run Market venait à accélérer cette prise de conscience, elle aura au moins servi à quelque chose…
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