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Et pendant ce temps-là, le virus…

« Construire l’ennemi », pour reprendre le titre d’un essai d’Umberto Eco : c’est bien de cela dont il s’agit dans le présent délétère que nous vivons. Il s’agit ainsi de se définir à tout prix comme groupe, dans un « contexte de complexification et de diffraction du social » (P. Rosanvallon) qui opacifie la compréhension de la réalité ; la […]

Ecrit par Jean-Louis Robert – le jeudi 05 août 2021 à 10H26

« Construire l’ennemi », pour reprendre le titre d’un essai d’Umberto Eco : c’est bien de cela dont il s’agit dans le présent délétère que nous vivons. Il s’agit ainsi de se définir à tout prix comme groupe, dans un « contexte de complexification et de diffraction du social » (P. Rosanvallon) qui opacifie la compréhension de la réalité ; la situation, auparavant, était plus facile à appréhender, qui reposait sur une catégorisation plus lisible avec des classes et des conditions sociales bien définies.
 
Avoir un ennemi apparaît alors comme un moyen de se forger une identité de groupe, en se confrontant à un obstacle, « pour mesurer son système de valeurs et montrer sa bravoure » (U.E.). Et si l’ennemi n’y est pas, qu’à cela ne tienne, il faut le produire. Comment ? Par la manipulation d’un certain nombre de signifiants prélevés ailleurs, les guerres de nos jours se déroulant souvent sur un plan sémiotique.
 
C’est ainsi qu’on a usé, jusqu’à l’abus et l’indécence pour le dernier, des signifiants  suivants historiquement datés : « résister » et son dérivé nominal « résistance », « collabos », « étoile jaune »  pour exprimer un antagonisme irréductible, mais réducteur, ô combien !, entre les provax et les antivax, les premiers ayant à leur tête un président iconiquement hitlérisé (des affiches détournées le représentent vêtu d’un uniforme nazi, avec moustache et mèche sur le côté) ayant confisqué notre liberté chérie.
 
Et qui dit guerre dit faits d’armes. Ainsi celui-ci : lors de la manifestation contre le pass sanitaire le 31/07, à Montpellier (Hérault), des guerriers s’en sont pris à un pharmacien qui effectuait des dépistages du Covid-19 dans une tente prévue à cet effet, qui a fini par être complètement arrachée. Selon des vidéos prises par Midi Libre, le professionnel de santé a été traité de « collabo », d’« assassin » ou encore d’« ordure ». Cela, au nom de la liberté, bien sûr. Ailleurs, les locaux de France Bleu ont été visés à Montbéliard, le tag collabo a été  ​inscrit sur la vitrine des locaux du Dauphiné Libéré à Annecy, deux journalistes de ce même journal et d’une équipe de l’Agence France-Presse à Paris ont été pris à partie. Cela aussi, au nom de la liberté, bien sûr.

La construction hostile réfère explicitement à la deuxième guerre mondiale – qui mit à mal l’humanité, dans tous les sens du terme – dont elle veut répéter le caractère tragique. Mais comme Marx nous l’a appris, in son étude sur le « Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte », dans une formule grinçante : « Tous les grands événements et personnages de l’histoire du monde se produisent pour ainsi dire deux fois… la première comme une grande tragédie, la seconde comme une farce sordide… ».
 
Et pendant ce temps-là, le virus…

 

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