
Le 7 février 2014, la ministre pose la première pierre du PSO, le centre hospitalier qui sera en mesure de tourner la page du CHGM en mai 2018
Depuis 2002, l'hôpital Gabriel Martin de Saint-Paul traîne derrière lui une casserole retentissante : une erreur médicale qui a coûté la vie à une patiente de 49 ans et dont les suites déboucheront, onze ans plus tard, sur la condamnation de l'hôpital. L'établissement a été condamné en 2013 pour harcèlement moral sur la personne du médecin qui avait eu le malheur de ne pas couvrir l'erreur médicale.
L'affaire est devenue celle du "Docteur Lhote Vs le CHGM". En novembre 2014, lors d'un article qui faisait état du jugement de la cour d'Appel de Saint-Denis, des informateurs ont manifesté de nouveaux doutes dont la portée pouvait cette fois dépasser celle d'un simple hôpital des DOM. Cette grande interrogation réside dans ce que des observateurs appellent la "faillite" du système de certification des hôpitaux français.
Le raisonnement est simple : si deux enquêtes de l'IGAS et de la DRASS, doublées d'un renvoi devant le tribunal correctionnel de la personne morale de l'hôpital ne sont pas reportées lors d'une procédure d'évaluation de la qualité des soins de cet hôpital, à quoi sert la certification des hôpitaux ? Procédure obligatoire depuis 1996.
Qu'est-ce que la certification ? La certification est une procédure d’évaluation externe d’un établissement de santé. Autrement dit, il revient à des professionnels de la santé mandatés par la Haute Autorité de Santé de procéder à des visites dans les hôpitaux qui sont ainsi passés au crible.
La procédure de certification s’effectue tous les quatre ans. Son objectif est de porter une appréciation indépendante sur la qualité des prestations d’un établissement de santé avec comme fil conducteur, et nous reprenons pour cela les propres termes de la Haute Autorité de Santé, "l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins". Dont acte.
Ces dix dernières années, l'hôpital Gabriel Martin a ainsi reçu la visite de plusieurs délégations de médecins, d'infirmiers, de gestionnaires, en provenance de métropole. Visites à l'issue desquelles la certification de l'hôpital a été délivrée, malgré des recommandations à corriger. Le dernier document qui témoigne de ce gage de qualité est décroché par Gabriel Martin le 12 septembre 2012 (voir document ci-contre).
L'affaire est devenue celle du "Docteur Lhote Vs le CHGM". En novembre 2014, lors d'un article qui faisait état du jugement de la cour d'Appel de Saint-Denis, des informateurs ont manifesté de nouveaux doutes dont la portée pouvait cette fois dépasser celle d'un simple hôpital des DOM. Cette grande interrogation réside dans ce que des observateurs appellent la "faillite" du système de certification des hôpitaux français.
Le raisonnement est simple : si deux enquêtes de l'IGAS et de la DRASS, doublées d'un renvoi devant le tribunal correctionnel de la personne morale de l'hôpital ne sont pas reportées lors d'une procédure d'évaluation de la qualité des soins de cet hôpital, à quoi sert la certification des hôpitaux ? Procédure obligatoire depuis 1996.
Qu'est-ce que la certification ? La certification est une procédure d’évaluation externe d’un établissement de santé. Autrement dit, il revient à des professionnels de la santé mandatés par la Haute Autorité de Santé de procéder à des visites dans les hôpitaux qui sont ainsi passés au crible.
La procédure de certification s’effectue tous les quatre ans. Son objectif est de porter une appréciation indépendante sur la qualité des prestations d’un établissement de santé avec comme fil conducteur, et nous reprenons pour cela les propres termes de la Haute Autorité de Santé, "l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins". Dont acte.
Ces dix dernières années, l'hôpital Gabriel Martin a ainsi reçu la visite de plusieurs délégations de médecins, d'infirmiers, de gestionnaires, en provenance de métropole. Visites à l'issue desquelles la certification de l'hôpital a été délivrée, malgré des recommandations à corriger. Le dernier document qui témoigne de ce gage de qualité est décroché par Gabriel Martin le 12 septembre 2012 (voir document ci-contre).
Pour comprendre en quoi certains remettent en cause la fiabilité de la procédure de certification des hôpitaux français, il faut pour cela retracer l'ensemble des faits mis sur la place publique, via les médias, ces dernières années pour le cas réunionnais du CHGM.
Rappelons pour cela que c'est la mort d'une mère de famille en 2002 qui a débouché sur une cascade de procédures, tant en interne (organismes de contrôle de santé : IGAS/DRASS) que devant les tribunaux (tribunal correctionnel en 2013 - Cour d'Appel en 2014).
Une patiente opérée en 2002 est décédée des suites d'un oubli de tissus médicaux dans son abdomen. Le médecin responsable de l'unité fonctionnelle de chirurgie viscérale (le Dr Hubert Lhote), qui n'est pas le praticien qui a opéré la patiente décédée, fait suivre, comme le veut le système d'alerte interne, le report de l'incident à son chef de service.
Malgré l'alerte, rien ne bouge. Plus étrange, le directeur et praticien qui ont manifestement étouffé cette affaire sont mutés et quittent donc La Réunion dans les jours, semaines qui suivent l'incident. Pendant ce temps, les proches de la victime ne sont toujours pas mis au courant. Devant le blocage en interne, la médiatisation suit. Le tapage fait que les autorités déclenchent des enquêtes.
Octobre 2003, sur la demande du Docteur Lhote qui se rend compte que les droits des usagers n’ont pas été respectés, le maire de Saint-Paul, en tant que président du conseil d’administration du CHGM, demande et obtient de la DRASS qu'une enquête sur les dysfonctionnements du service de chirurgie du CHGM soit ordonnée.
18 février 2004, la mission de la DRASS confirme les abus de pouvoir contre le Docteur Lhote, les nuisances au bon fonctionnement médical du chef de service de chirurgie du CHGM, la démission "négociée à l’amiable" de l’opérateur de l’usager décédé et une faillite du CHGM dans ses missions de sécurité sanitaire.
"La certification n’apporte aucune garantie de qualité du management, de la gouvernance et de qualité des soins"
Du seul fait de son signalement, le médecin alerteur subi des représailles. Une coalition se ligue contre celui qui a eu le malheur de se désolidariser d'une erreur commise par ses pairs. Il porte plainte contre X pour harcèlement moral.
20 juin 2011, le CHGM est mis en examen du chef de harcèlement moral. 18 septembre 2011, le Parquet demande le renvoi devant le tribunal correctionnel de la personne morale du CHGM pour harcèlement moral.
Le 23 novembre 2012, Marisol Touraine, ministre de la Santé, demande à ce que l'ARS Réunion mène une nouvelle enquête sur cette affaire. Nous avons voulu savoir auprès de Chantal de Singly, sa directrice, si cette enquête avait été menée à terme ou pas, et si oui pour quelles conclusions. La direction de l'ARS Réunion nous donne pour réponse que "sur un cas personnel (à savoir celle du Docteur Hubert Lhote - le médecin alerteur) l'ARS ne peut faire de commentaire". Aucun retour non plus de la part de la direction de Gabriel Martin.
Le 6 décembre 2013, le tribunal correctionnel donne raison au médecin alerteur. Il retient le cas de harcèlement moral envers le salarié de l'hôpital. L’hostilité contre le Docteur Lhote est expliquée par le fait que ce dernier a tracé dans l’intérêt des malades, des dysfonctionnements dans les suites du décès d’un usager, par le seul fait de l’avoir fait et à compter du moment où il l’avait fait. L’autorité judiciaire rappelle que ces dysfonctionnements avaient été validés par deux missions de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales et de l’Inspection générale des affaires sociales.
Le CHGM fait appel mais perd de nouveau son procès le 20 novembre 2014. Le directeur de l'hôpital décide, quelques jours plus tard, de se pourvoir en cassation. Une procédure toujours pendante. Voilà pour l'exposé des faits de ces dernières années ainsi que les tout derniers développements depuis novembre 2014.
Malgré les vérifications sur pièces et sur place de la HAS auxquelles s'est soumis l'établissement de Saint-Paul, à aucun moment les deux rapports de l'IGAS et de la DRASS, ni l'information judiciaire toujours en cours dans les années 2010, n'ont été pris en compte.
Un professionnel spécialisé dans les audits qualité résume ainsi son sentiment sur ce cas d'école, celui de l'affaire Lhote et de ses "failles". "Si les autorités administratives de tutelle n’ont pas eu dès le départ le rôle attendu de recherche de la vérité, la DRASS et l’Inspection générale des affaires sociales ont tout de même mis en exergue des dysfonctionnements. Sans suite. Les rapports de certification toutes versions (V1, V2007, V2010) ne font pas mention de l’affaire, ce qui pose une véritable question sur la fiabilité de la procédure de certification pour, selon la HAS, évaluer la qualité et la sécurité des soins dispensés et l’ensemble des prestations délivrées par les établissements de santé", affirme-t-il. Il en arrive au jugement sévère que "la certification n’apporte aucune garantie de qualité du management, de la gouvernance et de qualité des soins".
Rappelons pour cela que c'est la mort d'une mère de famille en 2002 qui a débouché sur une cascade de procédures, tant en interne (organismes de contrôle de santé : IGAS/DRASS) que devant les tribunaux (tribunal correctionnel en 2013 - Cour d'Appel en 2014).
Une patiente opérée en 2002 est décédée des suites d'un oubli de tissus médicaux dans son abdomen. Le médecin responsable de l'unité fonctionnelle de chirurgie viscérale (le Dr Hubert Lhote), qui n'est pas le praticien qui a opéré la patiente décédée, fait suivre, comme le veut le système d'alerte interne, le report de l'incident à son chef de service.
Malgré l'alerte, rien ne bouge. Plus étrange, le directeur et praticien qui ont manifestement étouffé cette affaire sont mutés et quittent donc La Réunion dans les jours, semaines qui suivent l'incident. Pendant ce temps, les proches de la victime ne sont toujours pas mis au courant. Devant le blocage en interne, la médiatisation suit. Le tapage fait que les autorités déclenchent des enquêtes.
Octobre 2003, sur la demande du Docteur Lhote qui se rend compte que les droits des usagers n’ont pas été respectés, le maire de Saint-Paul, en tant que président du conseil d’administration du CHGM, demande et obtient de la DRASS qu'une enquête sur les dysfonctionnements du service de chirurgie du CHGM soit ordonnée.
18 février 2004, la mission de la DRASS confirme les abus de pouvoir contre le Docteur Lhote, les nuisances au bon fonctionnement médical du chef de service de chirurgie du CHGM, la démission "négociée à l’amiable" de l’opérateur de l’usager décédé et une faillite du CHGM dans ses missions de sécurité sanitaire.
"La certification n’apporte aucune garantie de qualité du management, de la gouvernance et de qualité des soins"
Du seul fait de son signalement, le médecin alerteur subi des représailles. Une coalition se ligue contre celui qui a eu le malheur de se désolidariser d'une erreur commise par ses pairs. Il porte plainte contre X pour harcèlement moral.
20 juin 2011, le CHGM est mis en examen du chef de harcèlement moral. 18 septembre 2011, le Parquet demande le renvoi devant le tribunal correctionnel de la personne morale du CHGM pour harcèlement moral.
Le 23 novembre 2012, Marisol Touraine, ministre de la Santé, demande à ce que l'ARS Réunion mène une nouvelle enquête sur cette affaire. Nous avons voulu savoir auprès de Chantal de Singly, sa directrice, si cette enquête avait été menée à terme ou pas, et si oui pour quelles conclusions. La direction de l'ARS Réunion nous donne pour réponse que "sur un cas personnel (à savoir celle du Docteur Hubert Lhote - le médecin alerteur) l'ARS ne peut faire de commentaire". Aucun retour non plus de la part de la direction de Gabriel Martin.
Le 6 décembre 2013, le tribunal correctionnel donne raison au médecin alerteur. Il retient le cas de harcèlement moral envers le salarié de l'hôpital. L’hostilité contre le Docteur Lhote est expliquée par le fait que ce dernier a tracé dans l’intérêt des malades, des dysfonctionnements dans les suites du décès d’un usager, par le seul fait de l’avoir fait et à compter du moment où il l’avait fait. L’autorité judiciaire rappelle que ces dysfonctionnements avaient été validés par deux missions de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales et de l’Inspection générale des affaires sociales.
Le CHGM fait appel mais perd de nouveau son procès le 20 novembre 2014. Le directeur de l'hôpital décide, quelques jours plus tard, de se pourvoir en cassation. Une procédure toujours pendante. Voilà pour l'exposé des faits de ces dernières années ainsi que les tout derniers développements depuis novembre 2014.
Malgré les vérifications sur pièces et sur place de la HAS auxquelles s'est soumis l'établissement de Saint-Paul, à aucun moment les deux rapports de l'IGAS et de la DRASS, ni l'information judiciaire toujours en cours dans les années 2010, n'ont été pris en compte.
Un professionnel spécialisé dans les audits qualité résume ainsi son sentiment sur ce cas d'école, celui de l'affaire Lhote et de ses "failles". "Si les autorités administratives de tutelle n’ont pas eu dès le départ le rôle attendu de recherche de la vérité, la DRASS et l’Inspection générale des affaires sociales ont tout de même mis en exergue des dysfonctionnements. Sans suite. Les rapports de certification toutes versions (V1, V2007, V2010) ne font pas mention de l’affaire, ce qui pose une véritable question sur la fiabilité de la procédure de certification pour, selon la HAS, évaluer la qualité et la sécurité des soins dispensés et l’ensemble des prestations délivrées par les établissements de santé", affirme-t-il. Il en arrive au jugement sévère que "la certification n’apporte aucune garantie de qualité du management, de la gouvernance et de qualité des soins".
Nous avons contacté la Haute Autorité de Santé pour finalement lui soumettre l'idée de sa propre…introspection. C'est Thomas Le Ludec, directeur de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, direction qui englobe notamment la certification des établissements de santé, qui nous répond depuis Paris.
Zinfos : Pourquoi lors des multiples procédures de certification (V1 dans les années 2000, V2007 et V2010), la HAS n'a fait aucune mention des rapports de la DRASS et de l'IGAS pointant des dysfonctionnements ?
Thomas Le Ludec : Je veux rappeler ce qu'est la certification et ce qu'elle n'est pas. C'est une évaluation centrée sur les organisations et pas sur les individus. Nous ne sommes pas dans l'appréciation de cas individuels. Nous faisons le constat que la majorité des événements qui surviennent sont liés à l'organisation et à la communication dans laquelle s'inscrivent les acteurs. Je prends l'exemple d'un incident qui arrive dans un bloc opératoire. Ce sont des incidents qui impliquent un personnel mais 80% des causes sont liées à des failles d'organisation et de communication, et non d'une dérive individuelle.
Nous, quand on est en interaction avec un établissement et l'ARS, comment ça se passe ? L'établissement doit remplir une fiche pour tout ce qui concerne leur système de sécurité et de contrôle régulier de la chaîne du médicament. Cette fiche est envoyée à l'ARS. Une fois que l'ARS s'est prononcée, elle nous renvoie cette fiche. Ici, cet établissement (Gabriel Martin) bénéficiait d'une supervision à l'époque par l'Agence régionale de l'hospitalisation (qui n'existe plus) et par le Centre national de gestion (CNG) qui gère la carrière du personnel. En droit, l'autorité hiérarchique de l'exploitant de l'établissement était celle-là.
Une information judiciaire était en cours durant vos procédures...
Nous n'intervenons jamais dans des affaires en cours. Ce qui va nous intéresser, c'est : est-ce que l'organisation est propice à la création de ce type d'événement ? Un exemple : on arrive dans un établissement et on voit qu'il n'y a plus de contrepoids exercé par un CHSCT ou pas de conseil de bloc opératoire, ce qui aura pour effet d'aboutir à des décisions péjoratives pour l'établissement. Dans le cas présent de comptage de compresses, cela peut s'expliquer par le fait que le chirurgien et l'infirmier ne soient pas en position de dialogue. Est-ce que la CME (Commission Médicale d'Etablissement) fonctionne ? Est-ce que l'établissement fait usage régulier de la check-list ? Nous ce qu'on promeut, en préventif, c'est un programme d'actions pour éviter la survenue de ce type de risque. Si c'est un chef d'établissement qui est en cause, c'est l'ARS puis le CNG qui interviennent par leur contrôle curatif.
Il y a quelques années, il nous est arrivé de refuser la certification à un établissement parce que nous avons déterminé qu'il était à risque. Que la continuité des soins n'était pas assurée à cause d'une défaillance de management. C'était un problème systémique de management. On l'a pointé objectivement. Ensuite, s'il faut remplacer les acteurs, il revient à la direction de l'ARS et au ministère de nommer ou pas de nouvelles personnes. Nous on fait simplement le constat. Si on est témoin de violation caractérisée d'une loi ou d'un règlement comme le prévoit l'article 40 de procédure pénale, on alerte l'ARS. C'est à l'ARS ensuite de déclencher les procédures adéquates.
Les acteurs peuvent changer (directeur, chirurgiens,…), mais nous ce que l'on cherche à faire c'est que le système soit résiliant. Ça c'est pour le côté positif. Le désavantage c'est qu'une organisation peut évoluer dans le temps. Entre deux visites, on peut avoir un relâchement. Ce qu'on appelle un effet soufflet. C'est comme lorsque vous savez que vous aurez demain la visite d'un inspecteur. Après son départ, la vigilance peut baisser.
Voilà pourquoi obligation est faite pour tous les établissements de faire un "compte qualité" dans lequel il prend des engagements et les suit. C'est un rapport à rendre à la HAS tous les deux ans. Nous, on visite l'établissement tous les quatre ans.
Pourquoi le cas d'une enquête pour harcèlement n'est-il pas remonté à la connaissance des experts-visiteurs ?
Nous avons un critère "qualité de vie au travail" pour les situations de harcèlement ou de risque psycho sociaux qui sont quasiment toujours le fruit d'un dysfonctionnement collectif.
Il s'agit d'un nouveau critère pour la version de certification 2014 ?
Il existait déjà en 2010. Son but est d'avoir des rappels pour que les RPS surviennent le moins possible. Je prends un exemple dans un fonctionnement récurrent porteur de conflit. Quand par exemple le personnel du bloc est prêt à 8h45 mais que le chirurgien arrive toujours avec une heure de retard, eh bien s'il n'y a pas de lieu où tout ça peut s'exprimer, un jour, pour faire simple, ça peut péter. Autre exemple, s'il n'y a pas de revue de morbidité et de mortalité (RMM) qui peut dire : "voilà on a des problèmes régulièrement" et d'en analyser les causes, les incidents peuvent de nouveau survenir.
Zinfos : Pourquoi lors des multiples procédures de certification (V1 dans les années 2000, V2007 et V2010), la HAS n'a fait aucune mention des rapports de la DRASS et de l'IGAS pointant des dysfonctionnements ?
Thomas Le Ludec : Je veux rappeler ce qu'est la certification et ce qu'elle n'est pas. C'est une évaluation centrée sur les organisations et pas sur les individus. Nous ne sommes pas dans l'appréciation de cas individuels. Nous faisons le constat que la majorité des événements qui surviennent sont liés à l'organisation et à la communication dans laquelle s'inscrivent les acteurs. Je prends l'exemple d'un incident qui arrive dans un bloc opératoire. Ce sont des incidents qui impliquent un personnel mais 80% des causes sont liées à des failles d'organisation et de communication, et non d'une dérive individuelle.
Nous, quand on est en interaction avec un établissement et l'ARS, comment ça se passe ? L'établissement doit remplir une fiche pour tout ce qui concerne leur système de sécurité et de contrôle régulier de la chaîne du médicament. Cette fiche est envoyée à l'ARS. Une fois que l'ARS s'est prononcée, elle nous renvoie cette fiche. Ici, cet établissement (Gabriel Martin) bénéficiait d'une supervision à l'époque par l'Agence régionale de l'hospitalisation (qui n'existe plus) et par le Centre national de gestion (CNG) qui gère la carrière du personnel. En droit, l'autorité hiérarchique de l'exploitant de l'établissement était celle-là.
Une information judiciaire était en cours durant vos procédures...
Nous n'intervenons jamais dans des affaires en cours. Ce qui va nous intéresser, c'est : est-ce que l'organisation est propice à la création de ce type d'événement ? Un exemple : on arrive dans un établissement et on voit qu'il n'y a plus de contrepoids exercé par un CHSCT ou pas de conseil de bloc opératoire, ce qui aura pour effet d'aboutir à des décisions péjoratives pour l'établissement. Dans le cas présent de comptage de compresses, cela peut s'expliquer par le fait que le chirurgien et l'infirmier ne soient pas en position de dialogue. Est-ce que la CME (Commission Médicale d'Etablissement) fonctionne ? Est-ce que l'établissement fait usage régulier de la check-list ? Nous ce qu'on promeut, en préventif, c'est un programme d'actions pour éviter la survenue de ce type de risque. Si c'est un chef d'établissement qui est en cause, c'est l'ARS puis le CNG qui interviennent par leur contrôle curatif.
Il y a quelques années, il nous est arrivé de refuser la certification à un établissement parce que nous avons déterminé qu'il était à risque. Que la continuité des soins n'était pas assurée à cause d'une défaillance de management. C'était un problème systémique de management. On l'a pointé objectivement. Ensuite, s'il faut remplacer les acteurs, il revient à la direction de l'ARS et au ministère de nommer ou pas de nouvelles personnes. Nous on fait simplement le constat. Si on est témoin de violation caractérisée d'une loi ou d'un règlement comme le prévoit l'article 40 de procédure pénale, on alerte l'ARS. C'est à l'ARS ensuite de déclencher les procédures adéquates.
Les acteurs peuvent changer (directeur, chirurgiens,…), mais nous ce que l'on cherche à faire c'est que le système soit résiliant. Ça c'est pour le côté positif. Le désavantage c'est qu'une organisation peut évoluer dans le temps. Entre deux visites, on peut avoir un relâchement. Ce qu'on appelle un effet soufflet. C'est comme lorsque vous savez que vous aurez demain la visite d'un inspecteur. Après son départ, la vigilance peut baisser.
Voilà pourquoi obligation est faite pour tous les établissements de faire un "compte qualité" dans lequel il prend des engagements et les suit. C'est un rapport à rendre à la HAS tous les deux ans. Nous, on visite l'établissement tous les quatre ans.
Pourquoi le cas d'une enquête pour harcèlement n'est-il pas remonté à la connaissance des experts-visiteurs ?
Nous avons un critère "qualité de vie au travail" pour les situations de harcèlement ou de risque psycho sociaux qui sont quasiment toujours le fruit d'un dysfonctionnement collectif.
Il s'agit d'un nouveau critère pour la version de certification 2014 ?
Il existait déjà en 2010. Son but est d'avoir des rappels pour que les RPS surviennent le moins possible. Je prends un exemple dans un fonctionnement récurrent porteur de conflit. Quand par exemple le personnel du bloc est prêt à 8h45 mais que le chirurgien arrive toujours avec une heure de retard, eh bien s'il n'y a pas de lieu où tout ça peut s'exprimer, un jour, pour faire simple, ça peut péter. Autre exemple, s'il n'y a pas de revue de morbidité et de mortalité (RMM) qui peut dire : "voilà on a des problèmes régulièrement" et d'en analyser les causes, les incidents peuvent de nouveau survenir.

En 2011, les experts venus de métropole respectent une grille de critères sur la qualité des soins notamment, mais la procédure ne va pas plus loin que ce qui a pu être remonté par l'IGAS et la DRASS 6 ans plus tôt. La nouvelle ministre de la Santé demandera une nouvelle enquête en 2012, preuve que l'affaire n'était pas close
Etes-vous en mesure d'assurer aujourd'hui que les deux rapports IGAS et DRASS ont bien été portés à la connaissance de la HAS à l'époque de son contrôle ?
Je ne peux pas faire de lecture de ce qui s'est passé. Je ne faisais pas partie de l'équipe d'experts-visiteurs. Nous élevons progressivement le niveau des critères de la certification. Il n'y avait pas, visiblement, à l'époque, de système pour protéger les lanceurs d'alerte. La Loi Bertrand de 2011 qui fait suite à l'affaire du Mediator offre une protection des lanceurs d'alerte. La Charte cosignée par Martin Hirsch (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) et le Pr Loïc Capron (président de la CME de l'AP-HP) va dans ce sens de la non-punition des lanceurs d'alerte.
Ce dysfonctionnement (à Gabriel Martin, ndlr) remonte à 2002. La fiche "interface" n'existait pas. Nos experts-visiteurs (visite du 2 mai au 6 mai 2011, ndlr) ne remontent pas 10 ans en arrière. C'est presque de la préhistoire ! On était d'ailleurs au tout début de la certification en France, contrairement au système américain. On en est aujourd'hui à la 4e itération (V2014, ndlr).
Comment le système de certification va-t-il évoluer ?
Un système incitatif financier a été testé avec des établissements expérimentateurs en 2013, 2014. Il doit s'étendre à tous.
Qui sont les experts-visiteurs ?
C'est une équipe pluridisciplinaire de médecins, infirmiers, cadres de santé, spécialiste de la qualité, des gestionnaires également, menée par un coordonnateur de visite. Ils sont tous en activité. C'est une évaluation par les pairs. Evidemment que les experts-visiteurs qui sont intervenus à La Réunion provenaient de départements extérieurs. Et c'est pareil pour un établissement d'un département de métropole qui ne peut être contrôlé par des professionnels du même département.
Avant une visite, il revient à l'hôpital de se noter lui-même en fonction d'un manuel listant des centaines de critères. Ce système purement déclaratif peut-il amener un établissement à occulter volontairement des éléments gênants ?
Les experts-visiteurs ne s'arrêtent pas aux éléments fournis. Ils vont sur le terrain, interrogent. On cerne rapidement les éléments de fragilité systémique. Il suffit d'interroger les représentants des usagers, les organisations du personnel,…Quand un établissement a envie de cacher quelque chose, ça se sent très vite.
Sans l'obtention de cette certification, l'hôpital Gabriel Martin aurait-il pu obtenir le feu vert du COPERMO (Comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins) dans l'optique de l'obtention de financements pour son projet de Pôle Sanitaire Ouest ?
Il n'y a pas de lien entre nous et le COPERMO. Et nous ne le souhaitons pas. On ne veut pas être dans un autre mode de considération que celui de la certification. L'Etat doit décider indépendamment des résultats de certification car il ne faudrait pas que soit appliqué finalement une double peine à l'établissement qui présente un projet de nouvel hôpital. Autrement dit, ça voudrait dire qu'une fois qu'on arrive à la conclusion qu'un établissement ne répond pas aux exigences de la certification, on le pénaliserait doublement si on ne lui permettait pas de poursuivre ses projets dont la finalité est, justement, d'améliorer les causes du dysfonctionnement.
Lors de la procédure V2007, le CHGM n'avait pas obtenu sa certification du premier coup. Quels étaient les points à corriger ?
Les décisions sur la certification relevées par la HAS de la V2007, celles les plus proches des faits de 2002, portaient sur 5 points : garantir le respect de la dignité et de l’intimité du patient lors de son hébergement - organiser et coordonner la gestion des risques - coordonner les vigilances avec le programme de gestion des risques - mettre en oeuvre une politique de sécurité du système d’information - Rendre opérationnel le COMEDIMS (Commission du Médicaments et des Dispositifs Médicaux Stériles) et organiser le recueil et l’analyse des événements indésirables concernant le médicament.
Et lors de la V2010 ?
Les choses relevées par les experts visiteurs en V2010, donc les plus récentes, étaient limitées. En effet, lors de la dernière visite, l'établissement a eu une certification avec recommandation seulement sur la "gestion documentaire".
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Lors de la certification 2007, le CHGM doit corriger 5 points, mais pas de trace des dysfonctionnements qui suivent un autre canal : celui du judiciaire :
Je ne peux pas faire de lecture de ce qui s'est passé. Je ne faisais pas partie de l'équipe d'experts-visiteurs. Nous élevons progressivement le niveau des critères de la certification. Il n'y avait pas, visiblement, à l'époque, de système pour protéger les lanceurs d'alerte. La Loi Bertrand de 2011 qui fait suite à l'affaire du Mediator offre une protection des lanceurs d'alerte. La Charte cosignée par Martin Hirsch (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) et le Pr Loïc Capron (président de la CME de l'AP-HP) va dans ce sens de la non-punition des lanceurs d'alerte.
Ce dysfonctionnement (à Gabriel Martin, ndlr) remonte à 2002. La fiche "interface" n'existait pas. Nos experts-visiteurs (visite du 2 mai au 6 mai 2011, ndlr) ne remontent pas 10 ans en arrière. C'est presque de la préhistoire ! On était d'ailleurs au tout début de la certification en France, contrairement au système américain. On en est aujourd'hui à la 4e itération (V2014, ndlr).
Comment le système de certification va-t-il évoluer ?
Un système incitatif financier a été testé avec des établissements expérimentateurs en 2013, 2014. Il doit s'étendre à tous.
Qui sont les experts-visiteurs ?
C'est une équipe pluridisciplinaire de médecins, infirmiers, cadres de santé, spécialiste de la qualité, des gestionnaires également, menée par un coordonnateur de visite. Ils sont tous en activité. C'est une évaluation par les pairs. Evidemment que les experts-visiteurs qui sont intervenus à La Réunion provenaient de départements extérieurs. Et c'est pareil pour un établissement d'un département de métropole qui ne peut être contrôlé par des professionnels du même département.
Avant une visite, il revient à l'hôpital de se noter lui-même en fonction d'un manuel listant des centaines de critères. Ce système purement déclaratif peut-il amener un établissement à occulter volontairement des éléments gênants ?
Les experts-visiteurs ne s'arrêtent pas aux éléments fournis. Ils vont sur le terrain, interrogent. On cerne rapidement les éléments de fragilité systémique. Il suffit d'interroger les représentants des usagers, les organisations du personnel,…Quand un établissement a envie de cacher quelque chose, ça se sent très vite.
Sans l'obtention de cette certification, l'hôpital Gabriel Martin aurait-il pu obtenir le feu vert du COPERMO (Comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins) dans l'optique de l'obtention de financements pour son projet de Pôle Sanitaire Ouest ?
Il n'y a pas de lien entre nous et le COPERMO. Et nous ne le souhaitons pas. On ne veut pas être dans un autre mode de considération que celui de la certification. L'Etat doit décider indépendamment des résultats de certification car il ne faudrait pas que soit appliqué finalement une double peine à l'établissement qui présente un projet de nouvel hôpital. Autrement dit, ça voudrait dire qu'une fois qu'on arrive à la conclusion qu'un établissement ne répond pas aux exigences de la certification, on le pénaliserait doublement si on ne lui permettait pas de poursuivre ses projets dont la finalité est, justement, d'améliorer les causes du dysfonctionnement.
Lors de la procédure V2007, le CHGM n'avait pas obtenu sa certification du premier coup. Quels étaient les points à corriger ?
Les décisions sur la certification relevées par la HAS de la V2007, celles les plus proches des faits de 2002, portaient sur 5 points : garantir le respect de la dignité et de l’intimité du patient lors de son hébergement - organiser et coordonner la gestion des risques - coordonner les vigilances avec le programme de gestion des risques - mettre en oeuvre une politique de sécurité du système d’information - Rendre opérationnel le COMEDIMS (Commission du Médicaments et des Dispositifs Médicaux Stériles) et organiser le recueil et l’analyse des événements indésirables concernant le médicament.
Et lors de la V2010 ?
Les choses relevées par les experts visiteurs en V2010, donc les plus récentes, étaient limitées. En effet, lors de la dernière visite, l'établissement a eu une certification avec recommandation seulement sur la "gestion documentaire".
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Lors de la certification 2007, le CHGM doit corriger 5 points, mais pas de trace des dysfonctionnements qui suivent un autre canal : celui du judiciaire :
Sur la plateforme Internet "Scope Santé", les usagers peuvent s'amuser à comparer les notes obtenues par un hôpital par rapport à un autre sur telle ou telle spécialité. Le CHGM conserve une appréciation globale très correcte avec une notification "A" pour la plupart des critères :
