L’accident, fort heureusement, n’a mis en cause que le véhicule dans lequel se trouvait Laurent. Aux gendarmes, dans ses brumes à 49° charrette bien sonnés, il ne donne que de vagues explications. « Une voiture venant en face tous feux plein pot… Perdu le contrôle… Barré dans le fossé… » Il faudra attendre le lendemain pour que les choses s’éclaircissent. L’accusé admet :
« Oui il était dans la voiture. Mais non, ce n’était pas lui le conducteur ». Il n’en démordra jamais.
« Son l’huile té fini fâner »
Selon lui, les choses sont simples. Ce jour-là, lui, 34 ans, agent immobilier, avait conclu une vente fructueuse et avait décidé de fêter ça.
« J’étais parti de chez moi, explique-t-il calmement à la barre. Je n’avais pas prévu de boire énormément mais vous savez ce que c’est… Mon coloc’ arrive, d’autres copains aussi, je paie une tournée, les autres embrayent…
« Puis nous sommes rentrés, mon colocataire refusant de me laisser le volant car j’étais bourré ». Lequel colocataire a reconnu que c’était bien lui au volant. Il y a eu une voiture en sens inverse, tous feux allumés. Il a fait un brusque écart pour éviter la collision et s’est retrouvé dans les zépinards.
Trois témoins corroborent la version du mis en cause.
Le colocataire et ami est alors parti, à pied, chercher une dépanneuse car personne n’avait de portable. Ce pourquoi Laurent fut le seul sur les lieux lorsque « la loi est arrivée ».
Où est alors le problème ? Il est dans la contradiction entre ses déclarations à chaud sur les lieux de l’accident et ce qu’il a dit par la suite, quand son l’huile té fi ni fâner.
Me Navarro, brillant !
« Il a quand-même dit aux pompiers qu’il s’était assoupi au volant, insiste la substitut Fabienne Coupry, combattive en diable. Il n’a jamais rien dit de contraire au dépanneur ni aux pompiers ! »
Une balle saisie au bond par l’avocat de l’accusé, Me Navarro, qui a combattu l’accusation pied à pied.
« Son colocataire a été entendu dès le lendemain des faits. Il a dit combien son ami était saoul, fatigué, choqué… Quand les gendarmes sont arrivés, mon client dormait sur un muret… Il y a trois témoins qui corroborent notre version… Mon client n’était pas au volant lorsque l’accident s’est produit… Son ami, son coloc’ comme il dit, était allé chercher une dépanneuse car aucun d’eux n’avait de portable ».
Contre l’accusé est le fait que, prétendant ne se souvenir de rien, il a été quand même en mesure de fournir certains détails aux pompiers, aux gendarmes. Ce dont il ne se rappelle absolument pas. Ce qui n’apparaît pas totalement illogique quand on est pété comme un coing.
« Mais pourquoi n’avez-vous rien dit aux gendarmes ? » insiste la présidente Tomasini, manifestement soucieuse de ne rien laisser dans l’ombre.
Réponse édifiante : « J’étais complètement dans le brouillard, madame », avoue piteusement le prévenu.
Comme le commissaire du même nom, Me Navarro (aucun lien de parenté !) s’est engouffré dans toutes les brèches offertes pour les démolir comme Josué devant les murailles de si comique mémoire !
« Mon client était choqué, saoul, il l’a reconnu lui-même. Il était fatigué, choqué lorsque les gendarmes l’ont interrogé sur place… Il a pu dire n’importe quoi… Quel intérêt aurait son colocataire à endosser une responsabilité qui ne lui incombe pas ?… L’accusation n’en tient aucun compte parce que ça l’arrange !… »
La pugnacité du jeune avocat l’a emporté.
Laurent a été relaxé.