
À l’instar des Seychelles, qui ont coupé toutes les liaisons aériennes avec Madagascar, les inquiétudes vont grandissant pour les habitants de la zone. Certains Réunionnais sont amenés à voyager sur la Grande Île pour des raisons économiques et s’inquiètent de la contamination inter-îles.
C’est le cas de Johannie, qui effectue régulièrement des allers-retours pour son entreprise basée à Tamatave. "Sur place, les gens ne reçoivent aucune information sur la prévention ou encore les traitements possibles. Moi, j’ai fait le nécessaire mais j’ai vraiment l’impression que le nombre de victimes de l’épidémie est sous-évalué" explique la Réunionnaise.
Une impression répandue car dans les premiers temps de l’épidémie, le nombre de victimes a fait un bond impressionnant. Aujourd’hui, le bilan de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fait état de 45 décès et 387 cas recensés.
Des épidémies de peste tous les ans à Madagascar
"Le phénomène de décalage entre le premier et le dernier bilan est dû au fait que les institutions locales n’étaient pas équipées au début de l’épidémie pour recenser tous les cas. Une fois l’OMS sur place, l’institut Pasteur a vu ses moyens en personnel et en matériel fortement renforcés, d’où le rattrapage rapide de ce décalage. On se rapproche en effet plus de la réalité aujourd’hui" précise François Chieze, le Directeur de la Veille et Sécurité Sanitaire de l’ARS Océan Indien, qui ajoute également qu’il faut "mettre ces chiffres en proportion avec la population malgache, soit 26 millions d’habitants".
La maladie de la peste est endémique à Madagascar. Elle revient chaque année et existe depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, il existe deux formes principales. La peste bubonique, la forme la plus courante qui est due à la piqure d’une puce transmettant le bacille Y.pestis, directement à la population en contact.
"Une fois le malade contaminé, ses chances de se déplacer pour aller prendre un avion sont quasi nulles"
La peste pulmonaire, qui inquiète aujourd’hui les voyageurs peut se transmettre par voies respiratoires, par phénomène de contamination directe avec des gouttelettes en suspension dans l‘air, provoquées par exemple par un malade de la peste qui tousse. Une fois contaminée par la peste pulmonaire, la personne va développer des symptômes très rapidement. Parmi eux, une détresse respiratoire, une grande fatigue et une faiblesse généralisée.
"Il faut déjà envisager que le voyageur ait les moyens financiers, mais également physiques de prendre un avion. Une fois le malade contaminé, ses chances de se déplacer pour aller à l’aéroport sont quasi nulles. Les symptômes se développent en quelques heures à peine. Le risque de voir un cas de peste pulmonaire dans un avion reste donc très faible" explique François Chieze.
"On n’est pas mieux soignés à La Réunion qu’à Madagascar"
Les phénomènes de migrations sanitaires sont également à écarter selon le Directeur de la Veille et Sécurité Sanitaire de l’ARS Océan Indien. "Dans l’hypothèse qu’un voyageur qui aurait tout de même contracté la peste arrive dans l’avion, espérant être pris en charge à La Réunion, il faut bien comprendre qu’avec les moyens déployés par l’OMS, on n’est pas mieux soignés à la Réunion qu’à Madagascar."
Une marche à suivre pour les compagnies aériennes
Aujourd’hui, il n’y a pas de limitation de circulation des personnes et les compagnies sont habilitées à aller à Madagascar et revenir. Contrairement aux Seychelles, qui ont pris une décision unilatérale suite au décès d’un ressortissant entraîneur de basket, "ni l’OMS, ni le RIAT, ni le Ministère des Affaires Étrangères ou le Ministère du Transport n’ont jugé cette mesure relevante" explique François Chieze.
Les compagnies aériennes ne sont pas laissées dans l’ignorance pour autant. "Malgré tout, nous devons rappeler que le virus circule à Madagascar. Les médecins, les agences de voyage, les autorités dans les aéroports et les compagnies ont tous reçu des données de rappel et les recommandations en cas d’éventuel contact".
Et si un malade passait toutes les barrières …?
Dans l’éventualité qu’un malade de la peste pulmonaire déclare les premiers symptômes en cours de vol, là aussi un protocole est mis en place, en collaboration avec le Samu. "Dans le cas où nous serions prévenus, l’avion serait isolé dès son arrivée. Le malade serait transporté en condition d’isolement au CHU et traité. Un traitement préventif serait administré à l’ensemble des voyageurs et de l’équipage et l’avion serait désinfecté. Nous avons tout prévu, avec une check-list en collaboration avec les services de secours".
Mais l’hypothèse reste "extrêmement peu probable" souligne le Directeur de la Veille et Sécurité Sanitaire. "Je suis prévenu à l’arrivée de chaque avion, avec un retour complet de l’équipe de contrôle sanitaire aux frontières" précise François Chieze.
Quant à l’inquiétude de voir la maladie se déplacer vers les grandes villes et les ports, "cette circulation est certes non-négligeable mais elle reste normale. Il y a deux ans, la même épidémie s’est déroulée à Tamatave. L’élément changeant est qu’une personne atteinte soit descendue des hauts plateaux cette année, contaminant son entourage. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire, mais les chiffres restent raisonnables pour le moment" estime François Chieze.
Pour conclure, François Chieze rappelle que "chaque année, l’OMS rapporte entre 400 et 600 cas de peste à Madagascar et depuis plus de dix ans, aucune arrivée pathogène n’a été relevée ni à La Réunion, ni à Mayotte".