La liberté d’expression est-elle un thème difficile à aborder en classe ?
En soi ce n’est pas un thème difficile. Ce qui est difficile à aborder, c’est le cadre dans lequel on travaille qui n’est pas souvent compris. Un amalgame est fait entre ce qui relève de l’opinion et ce qui relève de l’esprit critique. C’est compliqué mais c’est notre métier. Je le dis avec force et conviction, les professeurs d’histoire-géographie sont recrutés à très haut niveau, à bac +5. Ils ont une formation universitaire solide, ce sont des expert de la didactique et des experts de la pédagogie. L’objectif d’un professeur d’histoire-géogaphie, quand on étudie un document, c’est d’aborder les sources de ce document, de le contextualiser. Le but est ensuite que l’élève puisse dans un débat argumenté apporter un point de vue nuancé et pertinent sur une situation, dans un moment donné. C’est cela notre travail. Donc la liberté d’expression, elle est aussi évidemment liée à la liberté pédagogique de chaque enseignant à partir d’un document. Ce n’est pas le professeur d’histoire qui a fait un montage, il existe ce document. Nous notre travail c’est d’expliquer, c’est de donner des clés de compréhension et ce qui est vraiment regrettable, c’est que l’on porte un jugement de valeur, un jugement moral alors que notre travail c’est d’expliquer.
Comme pour n’importe quel document ?
Oui et ce que je souhaite dire, c’est que l’enseignement moral et civique c’est toujours un contexte de débat, d’argumentation qui doit amener nos jeunes à devenir des citoyens. De l’approche scientifique historique que l’on peut avoir, il faut aussi travailler sur l’aspect extrêmement important d’être citoyen dans la cité.
Dans notre contexte local, est-ce qu’il y a des spécificités ou des thèmes qui sont difficiles à aborder ?
Il n’y a pas de difficulté à aborder certains thèmes. L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie de l’océan Indien essaie de travailler le plus possible sur des documents de l’histoire et la géographie régionale dans un cadre légal. Ce que nous faisons ne passe pas par une lubie. On travaille dans le cadre de programmes, des bulletins officiels de l’Education nationale. C’est tout à fait normal et logique de faire comprendre l’histoire locale et régionale à nos jeunes pour en faire des citoyens bien ancrés dans leur environnement.
Quelles réponses apporter quand on fait face à l’obscurantisme ?
Il y a plusieurs réponses à apporter et je vais prendre la posture d’un professeur, d’un pédagogue, c’est-à-dire diffuser le savoir, expliquer, faire comprendre, échanger en sérénité, exposer un point de vue. Donc la meilleure des réponses, c’est la connaissance, c’est le savoir, c’est la plus grande des libertés, c’est la liberté la plus chère. On ne peut pas censurer, ce n’est pas acceptable.
Il faut continuer à le faire de cette manière ?
Bien entendu. Et malheureusement notre collègue Samuel Paty, à qui je rends hommage, a été victime de cet obscurantisme, de cette barbarie avec lesquels il n’y a pas de dialogue possible. Et c’est ce qui est difficile alors que l’école est un espace d’échanges. Notre engagement, il est quotidien et il est fort. Il faut absolument tenir bon, ne pas céder à la peur et protéger notre contrat social.
Est-ce qu’il y a une école à réinventer ?
Moi je ne crois pas qu’elle est à réinventer. Je crois qu’il faut tenir bon. On a les clés, il faut continuer. Travailler peut-être davantage avec les parents, vers l’extérieur parce que des fois le message n’est pas bien compris. La différence entre une opinion et un fait scientifique n’est pas forcément bien assimilée. Nous sommes des fonctionnaires d’Etat qui accomplissons notre devoir de neutralité et qui devons accomplir notre mission d’enseignement. C’est ce qu’a fait notre collègue Samuel Paty. Et pour nous c’est compliqué, il faut bien le dire, parce qu’il y a des forces islamistes avec des fatwa, des mises à mort, des incursions dans un espace de neutralité comme je le disais. En termes de résistance, on ne va pas réinventer les choses. On sait faire, on a appris, maintenant il faut peut-être expliquer davantage, avoir plus de pédagogie. Il faut aussi espérer que la sagesse, l’émancipation par le savoir fasse son oeuvre pour ces jeunes qui viennent à l’école.