Une construction, puis deux, puis trois, et finalement une bonne quinzaine de maisons sont sorties de terre depuis trois ans à la Saline-les-Bains, à Bellevue.
Une première construction a commencé à être bâtie en 2018. A bonne distance du quartier historique du « lotissement de Bellevue », elle prend ses aises encore plus haut que la rue des Ormeaux, à mi-pente, au beau milieu d’une petite végétation. A l’époque, cette première construction intrigue déjà, mais c’était sans savoir qu’elle n’était que la première d’une série.
Au milieu de ce décor de pampa poussent à la fois des baraquements faits de bric et de broc mais aussi des maisons avec de belles finitions. Les premières sont faites en moins de deux. La méthode d’installation est dupliquée avec un certain succès. Des containers sont déposés sur le lieu voulu et la construction peut alors commencer à vitesse grand V.
Dernier exemple en date, le 31 mars dernier et suivant le même procédé, une tractopelle est passée faire place nette et aplanir une surface de végétation naturelle. Nous ne diffuserons pas la vidéo prise ce jour-là puisque seule l’enquête déterminera combien de constructions peuvent être considérées comme illégales. En tout cas, au-delà du chapelet de maisons visibles depuis la route, d’autres échappent aux regards à la faveur d’un relief escarpé.
Le premier signalement remonte à deux ans
Comment ces nouvelles habitations perchées à mi-hauteur organisent-elles leur vie quotidienne ? Sur la partie littorale déjà, le lotissement Bellevue se compose de maisons encore en attente de « régularisation » de permis de construire car construites sans titre de propriété, ce qui laisse d’autant plus dubitatif sur l’existence d’une autorisation accordée aux nouveaux arrivants installés encore plus haut dans la savane. Toujours est-il que dans la cour de beaucoup de ces maisons, des cuves aériennes d’eau viennent suppléer l’absence de réseau.
Les parcelles potentiellement squattées appartiennent à la Région et à la commune de Saint-Paul. Les deux collectivités sont restées muettes à notre demande de confirmation sur le fait qu’elles se retrouveraient lésées par ces occupations.
Nous savons pourtant que la mairie de Saint-Paul est au courant de la situation depuis deux ans. Nous avons sous les yeux plusieurs échanges de mails émanant du service du contentieux pénal de l’urbanisme de la mairie, avec en copie l’adresse du directeur général des services de l’époque. Sous l’ancienne mandature, la mairie était parfaitement au courant de la situation, depuis le mois de juin 2019 précisément, soit quelques mois après le début de la toute première maison. Un premier signalement qui n’a pas eu l’effet escompté pour freiner le rythme des installations.
En 2020, le même service de mairie (nouvelle mandature cette fois) est relancé, mais sans plus de réaction côté terrain, avec toujours des constructions qui se poursuivent. Des plaintes ont alors été déposées auprès du procureur de la République.
Un autre service administratif entre en jeu dans ce contentieux de l’urbanisme, il s’agit de la DEAL, service d’état placé sous l’autorité de la préfecture. Bellevue s’inscrit en effet dans une zone naturelle, ce qui fait basculer l’intérêt de sa préservation sous le contrôle de la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement.
L’évocation de Bellevue, qui porte bien son nom pour les nouveaux habitants qui bénéficient d’un superbe panorama sur la côte, fait en tout cas repenser au projet d’extraction de roches sur ce secteur. Un projet qui en était à un stade avancé il y a trois ans.
La Région et la mairie portent plainte
Le 17 janvier 2018, la commission d’enquête publique portant sur la demande d’autorisation d’exploitation d’une carrière de roches massives par la société GTOI rendait son rapport et concluait à un blocage majeur.
L’exploitation du secteur de Bellevue ne pouvait être autorisée qu’après modification du PLU de Saint-Paul qui, conformément à la cartographie du Schéma d’Aménagement Régional, classait les parcelles concernées en zone Nau. Autrement dit, elles ne permettaient pas l’ouverture d’une carrière selon le règlement d’urbanisme.
Le projet était en tout cas présenté comme un site d’extraction de matériaux dans une zone naturelle, considérée comme « coupure d’urbanisation » par le SAR et « incluse dans une longue bande de savane à mi-pente en contre-bas de la route des Tamarins et de l’aire de repos de la ravine du Tabac ».
De source officielle, on nous confirme qu’une enquête est en cours. La DEAL instruit le dossier à la suite du constat dressé sur site par des agents assermentés de la mairie, déjà en 2019 mais sans aucun effet, puis une seconde fois en août 2020, toujours sans effet notable sur le rythme des constructions. Le service d’Etat demeure tout aussi discret sur le contenu des procès-verbaux.
Hormis les plaintes formulées depuis plusieurs mois par des citoyens mais sans aucune réaction des collectivités à l’époque, nous venons d’apprendre que la Région et la mairie de Saint-Paul ont elles aussi déposé plainte à l’encontre des « nouveaux » propriétaires.
Rappelons qu’en zone urbaine, s’il revient aux maires d’appliquer la police de l’urbanisme à travers un contrôle des constructions illégales et de dresser des procès-verbaux si tel était le cas, dans la réalité les communes n’ont que faire de ce sujet peu valorisant électoralement. A l’inverse, si les constructions sauvages se font dans un milieu protégé comme c’est le cas à Bellevue, elles tombent sous le contrôle des services de la DEAL, ex-DDE.