Le tragique schéma « enfant-battu-devenu-parent-violent » comporte parfois de bien heureuses exceptions. C’est le cas de Marie L…, dont l’enfance n’a pas été des plus heureuses, c’est le moins que l’on puisse dire. Pourtant Marie n’a jamais battu, encore moins martyrisé ses six enfants. Sauf une fois.
Ce matin, au tribunal correctionnel de Saint-Pierre, cette maman de 38 ans comparaissait pour avoir donné une très sévère correction (à coups de bois) à l’une de ses filles, âgée de six ans. C’est à l’école que tout a été découvert.
A ses enseignants, l’enfant se plaint de douleurs aux bras. Le médecin découvre de sévères lésions sur tout son corps. Qui plus est, la petite rencontre des difficultés dans sa progression scolaire et dans les simples problèmes de la vie courante. Elle raconte très vite que lésions et hématomes sont dus aux coups de bois administrés par sa mère.
Interrogée par les enquêteurs, cette dernière admet immédiatement ses torts tout en ne comprenant pas ce qui lui est arrivé. Au demeurant, personne n’y comprend rien : cette maman, qualifiée d’exemplaire, n’a jamais levé la main sur ses enfants.
L’enquête puis l’expertise psychologique permettront vite de se faire une idée. Marie, qui vit de différentes allocations, héberge une sœur au caractère difficile, rencontre de graves difficultés personnelles et, c’est le moins que l’on puisse dire, n’est guère soutenue par son concubin dans sa vie de tous les jours.
Alors, lorsque sa gamine lui a menti quant aux devoirs qu’elle n’avait pas faits, elle a pété un câble. Elle a saisi le premier objet qui lui tombait sous la main (un bout de bois traînant dans la cour) et a frappé. Fort. Trop fort.
Dès sa première comparution devant les enquêteurs, Marie a non seulement reconnu ses torts mais avoué sa honte d’avoir agi ainsi.
Dans la foulée immédiate de ces aveux, son enfant a été suivie par un personnel spécialisé mais elle aussi, qui a entamé volontairement une thérapie pour comprendre ce qui s’était passé.
Sa bonne volonté a fait que son enfant ne lui a jamais été retirée par les services sociaux. Mieux : la gamine ne veut plus entendre parler de toute cette histoire ! Parce que la vie à la maison a repris son cours normal après cet « accident de parcours », que le retard scolaire de la petite victime a été vite comblé et qu’il y a un amour réciproque entre cette maman et ses enfants. Les enquêteurs sont (malheureusement) trop habitués à ce type de situation pour ne conserver aucun doute à ce sujet.
A la barre, la jeune femme reconnaît d’ailleurs : « Ma fille a vite dépassé ces événements… contrairement à moi. Nos relations sont redevenues normales ».
L’avocate de l’ARAJUFA a admis que « parfois, il y a des choses positives dans des histoires semblables. La gamine va bien ; le travail des services sociaux a payé et cela restera, on peut l’espérer, un fait isolé ».
La procureur Chloé Tanguy a manifestement opéré le même constat et ne s’est donc pas acharnée « rassurée par les personnalités en cause et à l’évidence, par le fait que cette maman a reconnu les faits et s’est reprise en mains ». Réquisitoire on ne peut plus humain en conséquence. Ce qui a séduit Me Khlifi-Ethève avouant, ravie : « Je n’ai donc pas grand-chose à ajouter sinon que personne ne peut être plus sévère avec elle qu’elle ne l’est elle-même ! »
Comme quoi, malgré des circonstances sociales éminemment défavorables, une enfance malheureuse et le manque de soutien, l’engrenage n’est pas forcément fatal… avec un solide coup de pouce des services sociaux.
Marie (ni personne) ne s’attendait pas à un acquittement, cela va de soi. Jugement à valeur d’encouragement sur la bonne voie empruntée : 2 mois avec sursis et 1 euro symbolique à la jeune victime. Sa fille. Gageons que cela a déjà été payé bien avant l’audience.
Comme l’a souligné le procureur : « Je sais qu’on ne la reverra pas devant ce tribunal ». Nous aussi.