Revenir à la rubrique : AFP

En Europe, la « route de la soie de la santé » fait grincer des dents

AFP

(AFP) Certains responsables européens ne cachent plus leur irritation face à une superpuissance chinoise accusée d’avancer ses pions géopolitiques sous couvert de générosité et de diplomatie sanitaire dans la crise du Covid-19, tout en cherchant à réécrire l’histoire de la pandémie sur son sol.  Quelques jours après le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, […]

Ecrit par – le lundi 30 mars 2020 à 23H06

Aucune image à la une trouvée pour cet article.

La cargaison de 10 millions de masques commandés par la France à la Chine à bord d'un Antonov 124 russe à l'aéroport de Paris-Vatry à Bussy-Lettree dans la Marne - Thomas PAUDELEUX / ©AFP

(AFP)

Certains responsables européens ne cachent plus leur irritation face à une superpuissance chinoise accusée d’avancer ses pions géopolitiques sous couvert de générosité et de diplomatie sanitaire dans la crise du Covid-19, tout en cherchant à réécrire l’histoire de la pandémie sur son sol. 

Quelques jours après le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, la secrétaire d’État française aux Affaires européennes Amélie de Monchalin est montée au créneau dimanche pour reprocher à la Chine, mais aussi à la Russie, « d’instrumentaliser » leur aide internationale et de la « mettre en scène ».

La Chine a dénoncé lundi des propos « cyniques ». « J’ai entendu plusieurs fois des Occidentaux mentionner le mot de +propagande+ par rapport à la Chine. J’aimerais leur demander: à quoi font-ils exactement référence ? », a répliqué Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

« Que souhaitent-ils? Que la Chine reste les bras croisés face à cette grave épidémie ? », s’est-elle interrogée.

Le 24 mars, Josep Borrell s’était agacé de la « bataille mondiale des narratifs » et « des luttes d’influence » en cours via la « distorsion » des faits et la « politique de générosité ».

Il rappelait que s’il y a aujourd’hui « des tentatives pour discréditer » l’Europe, en janvier, la crise n’était que chinoise, localisée dans le Hubei, « aggravée par la dissimulation d’informations cruciales par les responsables du parti (communiste) chinois », et que l’Europe était venue à son aide, comme la Chine le fait aujourd’hui en retour. 

La Chine fait aussi « agressivement passer le message qu’à la différence des États-Unis, elle est un partenaire responsable et fiable », observait-t-il.

La superpuissance asiatique – qui semble avoir jugulé l’épidémie sur son territoire – est bel et bien soupçonnée d’exploiter la « diplomatie du masque » pour vanter son modèle de puissance.

Pékin – qui avait demandé la discrétion lorsque l’UE était venue à son aide -, à l’inverse met en exergue ses actions dans une « campagne de communication sans précédent », souligne Antoine Bondaz de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), dans une note consacrée à « la Route de la soie de la santé ». Avec à l’appui une série d’initiatives, « don de 20 millions de dollars à l’OMS, envoi d’experts médicaux en Iran et en Italie, construction d’un laboratoire en Irak, acheminement de tests diagnostiques aux Philippines et d’équipements de protection au Pakistan et en France », énumère le chercheur.

– « Compétition entre systèmes » –

L’ambassade de Chine en France se livre ainsi à une campagne décomplexée de promotion du système politique chinois et de sa « réussite » dans la bataille contre le coronavirus.

« Certaines personnes, dans le fond, sont très admiratives des succès de la gouvernance chinoise. Ils envient l’efficacité de notre système politique et haïssent l’incapacité de leur propre pays à faire aussi bien ! », écrit-elle sur son site internet, communiquant aussi abondamment via Twitter.

Pour François Heisbourg, expert français en géopolitique, tout cela est « inacceptable au plan diplomatique ». « C’est le crédit de la République populaire qui est engagé », même si de tels messages ne sont pas relayés directement par Pékin, pointe-t-il.

La bataille idéologique autour du Covid-19 fait suite à celles pour le contrôle des voies maritimes en mer de Chine ou pour l’accès à la technologie 5G, nouvel enjeu stratégique des télécommunications.

« Depuis sept ans, la Chine s’est engagée dans une rude compétition entre systèmes politiques, et saisit chaque occasion nationale ou internationale pour afficher la +supériorité+ présumée de son système », explique à l’AFP Alice Ekman, analyste responsable de l’Asie à l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (EUISS).

– « Pêché originel » –

Pékin veut aussi « se débarrasser, en interne comme en externe, du pêché originel », celui de l’émergence du virus sur son territoire, estime à son tour auprès de l’AFP François Heisbourg.

Reste à savoir si leur récit de la crise va convaincre, souligne une source diplomatique européenne. Mais s’ils sortent de cette crise rapidement, en particulier au plan économique, ce sera avec une puissance et une confiance décuplés, prédit cette source.

« Même si les déclarations sur l’origine du virus et la surmédiatisation de l’assistance chinoise commencent (…) à se retourner en critiques contre la Chine, d’autres pays continuent à afficher leur proximité avec Pékin dans le contexte actuel (Russie, Iran, Pakistan, Algérie, entre autres), et ne seraient pas mécontents de proclamer en cœur l’émergence d’un +nouvel ordre mondial+ post-occidental à l’issue de cette crise », note Mme Ekman. 

La Russie, par ailleurs vilipendée pour l’annexion de l’Ukraine en 2014 et les bombardements de civils en Syrie, joue aussi à fond son « soft power » dans cette catastrophe sanitaire, quitte à faire, selon ses détracteurs, de la désinformation.

Salué dans les zones les plus touchées du nord de l’Italie, le déploiement de militaires russes, dont de nombreux officiers, suscite néanmoins des inquiétudes dans les milieux politico-militaire.

« On ne refuse pas les aides mais il faut rester aussi très attentif. La Méditerranée, aussi bien orientale que centrale, est un terrain de lutte pour l’hégémonie, de la Syrie à la Libye », met en garde le général Marco Bertolini, ancien chef du commandement opérationnel inter-forces (COI) italien.

Valérie LEROUX et Joëlle GARRUS

Source :

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique