105 jours ont séparé le premier du second tour des élections. L’épidémie de Covid-19 aura provoqué la plus longue séparation entre deux tours d’une élection. 14 semaines qui ont permis aux candidats de longuement réfléchir et de discuter entre eux pour le second tour, là où généralement les tractations doivent se faire en 2 ou 3 jours. Cette longue période a vu éclore des alliances surprenantes, voire contre nature, émerger au fil des semaines. Pourtant, si sur le papier, ces listes d’union avaient tout pour paver le chemin de la mairie, aucune tête de liste n’aura réussi à enfiler l’écharpe de maire. Petit tour d’horizon de ces unions qui ont échoué.
À Saint-Paul Bello écrase l’union des droites
C’était la folie devant la mairie de Saint-Paul dimanche soir. Les militants d’Huguette Bello exultaient avec la victoire qui se dessinait avec l’arrivée progressive des résultats. La joie était d’autant plus forte qu’elle succédait à une inquiétude de plusieurs semaines : leur championne peut-elle vaincre l’alliance des autres candidats contre elle? Car la montagne semblait haute il y a un mois lorsque Joseph Sinimalé et Jean-François Nativel avaient annoncé se ranger derrière Alain Bénard pour une liste d’union des droites.
À eux trois, ils cumulaient 40,42% des suffrages exprimés au premier tour. Un chiffre auquel il faut ajouter les 4,53% de Fabrice Marouvin-Viramale et les 4,23% de Giovanny Poire qui ont appelé à soutenir cette union, ou au moins à faire barrage à Bello. On peut aisément penser que Yoland Velleyen (2,70%) et Sandra Sinimalé (2,24%), tous les deux conseillers municipaux du maire sortant, on discrètement appelé à soutenir cette liste d’union. Au total c’est donc 54,12% des voix du premier tour qui pouvait se retourner contre la députée. Finalement, le second tour aura été un plébiscite pour Huguette Bello qui a obtenu 61,75% des voix.
Le « tout sauf Nirlo » tombe de haut à Sainte-Marie
L’annonce avait fait l’effet d’une bombe le 1er juin. Céline Sitouze, Christian Annette et Grégoire Cordeboeuf avaient annoncé avoir fusionné leurs listes avec Gérald Maillot pour faire tomber Richard Nirlo. Le maire sortant, arrivé en tête lors du premier tour, voyait donc le deuxième, troisième et quatrième du scrutin s’unir pour le déloger.
Au fil de la campagne, cette liste d’union a continué de récolter des soutiens avec Olivier Joseph et Belinda Adekalom qui ont appelé à voter pour le président de la CINOR. Seul Yves Ferrières est resté hors de cette union, mais certains de ses cadres ont rejoint le mouvement. Même Pascaline Apou, sur la liste de Nirlo, avait quitté le navire pour se joindre à l’alliance. L’alliance semblait inarrêtable et revendiquait 62% des votants du premier tour.
C’est pourtant avec 57,22% des suffrages exprimés que Richard Nirlo rempile pour un deuxième mandat. Face à cette liste d’union, la stratégie du maire sortant consistant à annoncer la préemption de Sainte-Marie par Saint-Denis si Gérald Maillot était élu aura fait mouche chez les électeurs. Une campagne qui a été très intense et qui risque de laisser des traces dans la commune.
Saint-Benoît n’a pas voulu d’une alliance « contre nature »
Patrick Dalleau était heureux d’annoncer sa liste « métissée » se voulant « au-dessus des clivages politiques ». Problème, cette formule a été celle d’Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle et le résultat ne semble pas séduire les Français, ou du moins les bénédictins. Patrick Dalleau, soutenu par Les Républicains, a fusionné sa liste avec celle de Philippe le Constant, l’ancien premier secrétaire fédéral du PS, de Valérie Payet-Gangnant (divers centre) et de Jean-Luc Julie (divers gauche). Sur le papier, cette fusion rassemblait quasiment 50% des électeurs du premier tour.
Pourtant, le mélange des genres n’aura pas séduit les électeurs. Arrivé troisième au premier tour, Patrick se trouve de nouveau sur la troisième marche du podium à l’issue du second. Avec un score de 26,35%, c’est presque 20% de moins que Patrice Selly, le nouveau maire de Saint-Benoît.
Au Tampon, rien ne peut vaincre TAK
L’inventeur du proverbe « nul n’est prophète en son pays » ne connaissait certainement pas André Thien-Ah-Koon. Le maire historique du Tampon avait, une fois n’est pas coutume, poussé au second tour par les électeurs. Face à lui, Nathalie Bassire et Monique Bénard ont décidé de fusionner leur liste afin de faire tomber le maire sortant. Si idéologiquement les deux candidates sont de droite, l’alliance entre les deux en a surpris plus d’un. Même Jean-Jacques Vlody, opposant de longue date au maire, a préféré soutenir ce dernier. Car malgré une excellente campagne des deux candidates, il suffit à TAK de se déhancher 2 minutes sur du DJ Abdoul pour reconquérir l’électorat tamponnais.
À la Plaine-des-Palmistes, Johnny « be good »
La vie politique palmiplainoise est relativement méconnue du grand public de La Réunion, pourtant elle mériterait une série Netflix en son honneur. Johnny Payet, arrivé en tête du premier tour avec 27,62% des voix. Mais face à lui, Sophie Arzal (19,98%) et Daniel Jean Baptiste dit Parny (17,38%) se sont unis pour prendre possession de la mairie. L’union de ces deux candidats était souhaitée depuis des années par Marco Boyer, le maire sortant, non-candidat à sa réélection. Pourtant, lorsque cette alliance s’est enfin officialisée, le même Marco Boyer a préféré soutenir Johnny Payet. Au final, seulement 143 voix ont permis à Johnny Payet de remporter les clés de la mairie face à la liste menée par Sophie Arzal.
C’est finalement le nouveau maire de la Plaine-des-Palmistes qui a fourni la meilleure explication pour l’échec de ces alliances. À quelques jours du scrutin, Johnny Payet affirmait que les gens « votent avec le coeur et non selon des stratégies politiques ». Le coeur ayant ses raisons que la raison ignore, les électeurs ont préféré sanctionner les candidats qu’ils détestent plutôt que de se ranger derrière celui qu’ils ont aimés.