L’eau étant indispensable pour un développement de la culture dans le Sud, le canal St Etienne est creusé grâce à quelques propriétaires Motais de Narbonne, Hoarau-Desruisseaux et Frapier de Montbenoit avec l’appui du Gouverneur Milius en 1818. Kerveguen, la plus grosse fortune de l’île participe financièrement mais aussi en main d’œuvre mettant à disposition des esclaves de ses propriétés pour les aqueducs, siphons et ponts-tubes. La Commune de St Pierre devient propriétaire de ce canal partant de la Rivière St-Etienne jusqu’à St Pierre en 1826. Il est prolongé jusqu’à la ravine des Cafres en 1897.
A l’île Bourbon, les épices occupent des espaces cultivés de plus en plus importants avant de se laisser remplacer par la canne à Sucre. En effet, de 1823 à 1860, la surface cultivée en girofle passe de 6 500 à 300 hectares, le café passe de 9 600 à 2 200 ha. Le riz de 1 200 à 100 ha. Le coton cultivé sur 700 ha au début disparait tout simplement. Et la canne qui n’occupe en 1823 que 4 200 hectares est cultivée sur 62 000 ha en 1860. Pendant cette période, plusieurs usines se dressent sur le territoire de St Pierre, allant des Grands Bois jusqu’à Pierrefonds.
L’usine de Basse Terre est construite par Jean-Valfroy de Heaulme sur le domaine de Casabona. L’imposante maison de maître avait été construite depuis 1747 par Antoine Desforges-Boucher. L’établissement vendu à Jean Philippe Hoarau en 1857, fonctionne grace à l’énergie hydraulique et emploie près de 200 travailleurs.
Sur les hauteurs de la ville, le Domaine de Vallée abrite lui aussi une usine. Son propriétaire Anicet Orré s’y installe en 1822 et fait construire l’usine en 1837. L’eau amenée par le Canal St Etienne alimente un moulin à eau qui fourni l’énergie nécessaire à la bonne marche de l’usine. Convertie comme bon nombre d’usine en corderie de chocas pendant les grandes guerres du XXe siècle. Quelques ruines existent encore.
Louis-Gabriel Kerveguen gros propriétaire de la région possède l’usine de l’Entre Deux qu’il érige en 1852. Elle est remarquable par ces trois cheminées carrées en pierres de taille, séparées par des madriers qui ne sont pas sans rappeler celles de Langevin et du Piton de St Joseph appartenant elles aussi au même propriétaire. Ces madriers étaient supposés servir de raccord entre les pierres soumises à la rude épreuve des dilatations provoquées par la chaleur et par les refroidissements successifs.
On ne pourrait citer toutes les usines sucrières de Saint-Pierre. De celle de Mahavel à la Ravine des Cabris, qu’aucun panneau n’indique, il ne reste que la cheminée et quelques murs noircis. La sucrerie et distillerie Isautier, dont la cheminée domine encore la ville, abritait une maison de maître, des pavillons, des entrepôts et dépendances. La promesse de l’ouverture du port dès 1854, (inauguré en 1883) acceptées par le Gouverneur Hubert de Lisle, lancée par les mêmes propriétaires terriens et usiniers fortunés ; l’arrivée du chemin de fer en 1882 et la livraison du port de la Rivière des Galets en 1886 contribuent à ce développement sucrier et industriel.
Fin 1827, Louis-Gabriel Kerveguen construit la plus importante sucrerie de l’île sur le domaine des Casernes. Son père qui l’avait reçu en dot lors de son 2ème mariage, y avait fait construire une maison de maître, en 1825. En 1857, l’usine des Casernes emploie 500 travailleurs qui sont logés à l’écart dans des calbanons aux toits de paille. Elle brasse les cannes de toutes les habitations de la région appartenant au même propriétaire. Entre 1861 et 1866, Casernes abrite le plus puissant système mécanique de la région. En effet, 5 générateurs à vapeur ravitaillent les 3 moulins, 5 turbines et les 2 ensembles de chaudières à cuire dans le vide sont équipés de matériels derniers cris dont 3 « triple effets » testés précédemment à Savanna.
Vers 1913, Robert l’héritier Kerveguen détient Casernes mais vend toutes ses propriétés et rentre en France en 1922. En 1924 la société L. Bénard acquiert de nombreuses usines et terres du Sud. Boiny se souvient lorsqu’il était enfant, il s’amusait à courir derrière les camions s’accrochant pour attraper les cannes, se faisant gronder par les camionneurs. Parfois, il allait chercher du sucre et du « sirop la cuite » à l’usine des Casernes qui a fermé ses portes dans les années 1970. De l’autre côté vers le rond point du Boulevard Banks, se trouvait la distillerie où les habitants pouvaient s’approvisionner en rhum et en alcool.
Sources :
-Encyclopédie de La Réunion- coll. Dirigée par Robert Chaudenson-Ed. Livres-Réunion
-Le Patrimoine Des Communes De La Réunion-Auteur : Collectif – Editeur : Flohic-2000
-Témoins architecturaux et mécaniques de l’industrie sucrière à La Réunion – Amicale du personnel de la culture à La Réunion – Imp.Cazal 1985