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Dr Guisérix: « Il faut approvisionner la région en Hydroxychloroquine, évitons le scénario de Bergame et de Mulhouse »

Le docteur José Guisérix, néphrologue et interniste, ancien médecin des hôpitaux au GHSR, président de la commission médicale du CHU de La Réunion de 2012 à 2016, et actuellement conseiller ordinal départemental et régional, a répondu, sans détour, à nos questions quant au Covid-19. Entretien.

Ecrit par Nicolas Payet – le mercredi 25 mars 2020 à 17H30

Zinfos974: Hier soir, nous sommes passés au stade 2 de l’épidémie à la Réunion. Pensez-vous que cela soit adéquat?

Docteur José Guisérix: Le niveau d’alerte épidémique devrait être au stade 3, car les différentes phases en métropole ont montré leur inefficacité: évitons de refaire les mêmes erreurs. D’ailleurs nous sommes déjà en confinement stade 3: il faut harmoniser ces deux phases et commencer à travailler avec les libéraux, ce qui devient possible avec les tests réalisés en ville par les laboratoires privés. Il faut aux soignants se protéger quand ils sont amenés à examiner des patients ayant d’autres maladies que le Covid-19 et qui sont peut-être porteurs sains: on ne peut dépister tout le monde par manque de tests, hélas. 

C’est l’Agence Régionale de Santé qui est en responsabilité des questions sanitaires, sous l’autorité du préfet, or, les autorités passent leur temps à se contredire : gérer c’est prévoir, pas forcément savoir improviser et être créatif, ce sont deux compétences antagonistes. L’histoire se répète: canicule de 2003, chikungunya, grippe H1N1 (qui nous a légué des masques périmés… et moisis, car oui, les tropiques c’est souvent humide).
 

Les autorités de La Réunion ne font pas exception, elles ne font que répéter les éléments de langage du gouvernement, restant dans leur rôle et mettant de côté leur appréciation personnelle et scientifique.

Ayant appliqué les mêmes règles qu’en Italie, il est à craindre qu’en France les effets de l’épidémie soient identiques, c’est à dire catastrophiques. Le seul moyen de limiter les dégâts est d’anticiper et de durcir la distanciation sociale. Cette décision relève de la préfecture, les professionnels de santé, unanimes, la lui réclament depuis des jours et des jours avec insistance. On peut également limiter les formes graves en utilisant précocement en fonction du risque et de la gravité l’hydroxychloroquine. 

Zinfos974: Pouvez-vous nous en dire plus sur les fameuses molécules chloroquine et hydroxychloroquine?

Dr Guisérix: La Chloroquine et l’hydroxychoroquine ont été utilisées massivement des dizaines d’années pour la prévention du paludisme, elles sont prescrites sur ordonnance renouvelable jusqu’à un an (liste II des substances vénéneuses: tous les médicaments actifs accessibles sur ordonnance sont qualifiés de « vénéneux ».

On connaît très bien tous les effets secondaires (très nombreux et… très très rares), les contre-indications et précautions d’emploi. Actuellement, du fait des résistances du paludisme à ces molécules, elles ne sont plus guère utilisées que pour traiter des maladies rares comme le lupus, ainsi les stocks de médicaments disponibles sont-ils limités, mais le laboratoire peut fournir si besoin, semble-t-il. 
 

Je les prescris régulièrement dans ces indications sans difficulté depuis 40 ans, il faut seulement éviter de les prescrire avec certains médicaments pour les palpitations. En cas de certaines anomalies biologiques comme un taux de potassium trop bas, il faut adapter le dosage aux capacités d’élimination de l’organisme, car il peut y avoir une modification de l’élimination d’autres médicaments qui entraînerait un surdosage. Il faut absolument passer par son médecin, ayant l’habitude de le prescrire.
 

La chloroquine et l’hydroxychloroquine sont connues de longue date pour avoir une activité antivirale non spécifique in vitro, elles ont déjà été utilisées empiriquement pour le SARS-CoV 1 [durant l’épidémie de SRAS en Chine, en 2003, ndlr], sans étude scientifique parfaite. En cas d’épidémie on n’a pas trop le temps de finasser, les études scientifiques rigoureuses prennent du temps: il faut les concevoir, les mettre en place, les réaliser, les rédiger, les faire publier…
 
Dans le cas du Covid-19, l’hydroxychloroquine s’avère être 4 fois plus efficace que sa cousine la chloroquine sur les cultures cellulaires de virus, donc on en donne 4 fois moins et c’est 4 fois moins toxique. Les autorités sanitaires chinoises le recommandent donc du fait de sa faible toxicité et de son efficacité. Là non plus les Chinois n’ont pas fait d’études rigoureuses les médecins ayant vraiment autre chose à faire, pour faire face à l’afflux des patients.

Mon opinion est que la balance risque/bénéfice est positive à l’utilisation de cette molécule dès l’apparition de signe de gravité (grosse fatigue, sensation de malaise) et plus précocement encore pour les patients les plus fragiles. On ne peut pas attendre l’hécatombe et rester contemplatif, il faut approvisionner la région en hydroxychloroquine, évitons le scénario de Bergame et de Mulhouse!
 

 

 

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