Victime du trafic d’animaux. C’est en tout cas l’hypothèse la plus plausible retenue par Anissa pour expliquer la perte de sa chienne, Praline. Une labrador chocolat, âgée de 8 mois lors de sa disparition. Les faits remontent à février. À son réveil, la chienne n’est plus dans la cour de la maison familiale située à Grand Fond (Saint-Paul). « Peut-être s’est-elle échappée, elle commençait tout juste à avoir ses chaleurs », s’interroge la jeune femme dont la cour est tout de même clôturée. « Peut-être aussi que des gens ont pénétré chez nous pour la prendre », suppose-t-elle.
Si elle pense à un vol, c’est parce qu’elle a multiplié les démarches, depuis 4 mois, et n’a pas reçu la moindre trace de vie de son animal pourtant identifié. « Je l’ai cherchée, j’ai posté des annonces partout, collé des affiches, fait du porte à porte, appelé Freedom, les vétérinaires, la fourrière… » égraine-t-elle ses efforts, particulièrement touchée de la perte de Praline. La jeune femme a donc déposé plainte pour vol contre X. Mais sans preuve, l’affaire n’avance pas.
Si d’autres hypothèses existent, celle d’un vol est crédible pour ce chien de race. En effet, sur notre île, les annonces prospèrent sur les réseaux sociaux, et alimentent le juteux trafic de l’élevage marron. Une pratique que le milieu de l’élevage professionnel connait bien.« Ils achètent par le biais de ces réseaux sociaux des chiens mâles et femelles ou, pour certaines races à mode, volent des chiens à des particuliers. Les puces d’identification sont sauvagement enlevées sans aucune anesthésie ou préconisation sanitaire », nous explique Ludivine Jomain de Launay, éleveuse de Labradors, soulignant aussi l’absence de suivi vétérinaire.
Des chiennes qui reproduisent jusqu’à la mort
« Les chiennes reproduisent à chaque chaleurs, tous les 6 mois, jusqu’à la mort bien souvent. Si la chienne survit, elle sera donnée ou abandonnée », dresse-t-elle l’effrayant tableau de ce marché illégal. Notons aussi que les animaux sont généralement détenus dans de très mauvaises conditions (attachés voire en cage, ou dans des endroits insalubres).
D’après nos informations, certains voleurs scrutent même les pages d’entraide pour se faire passer pour les propriétaires en répondant à des annonces pour un « animal trouvé » (c’est pourquoi il ne faut jamais délivrer a priori trop d’informations si vous en trouvez un, et s’assurer qu’il s’agit bien du véritable propriétaire avant de le rendre). « Nous avons beaucoup d’annonces de disparition dont les chiens sont ensuite retrouvés sur ces groupes de vente/don/échange », déplore d’ailleurs Célie, l’une des modératrice du groupe Pattes en cavale 974.
Si depuis le premier janvier 2016, la règlementation de l’élevage canin s’est durcie pour éviter la profusion de la vente entre particuliers, l’effet n’a pas été celui escompté. « Nous avons remarqué une nette diminution des annonces sur les sites comme Leboncoin ou les journaux papier, mais une multiplication sur les réseaux sociaux comme Facebook, par le biais des groupes de ventes de chiots », déplore Ludivine Jomain de Launay. Et malgré les multiples signalements, « beaucoup d’entre-elles subsistent et restent sur le réseau. »
Aucune garantie pour l’acheteur
C’est aussi une concurrence déloyale qui est pointée du doigt. « Un éleveur professionnel a de nombreuses charges, des mesures d’hygiène strictes, paie l’impôt sur le revenu. Ces charges ne sont évidemment pas les mêmes lorsque les chiens sont reproduits en dehors de la réglementation (laquelle impose notamment d’avoir un numéro Siren, ndlr).«
Ainsi, les chiots inscrits au LOF coûtent en moyenne 1000 euros. Alors qu’un chiot vendu illégalement peut se négocier entre 150 et 500 euros. « Mais sans aucune garantie d’avoir un chien sans croisement. » Ce qui engendre un nouveau risque : « Que finalement l’acheteur soit déçu et abandonne son chien ». Il viendra alors grossir les rangs des chiens errants, « véritable problème sanitaire et sociétal », rappelle-t-elle. Les associations de protection des animaux réclament d’ailleurs depuis longtemps des mesures pour lutter contre ce phénomène et l’application des sanctions pour ce commerce illégal et les mauvais traitements infligés aux animaux. « Quoi qu’il en soit, un animal n’est pas un jouet ou un objet que l’on achète via les réseaux sociaux sur un coup de tête ! C’est un acte réfléchi », rappelle l’éleveuse.
Ainsi, si des particuliers cherchent à acquérir un chien « sans aptitudes particulières », elle préconise de choisir un animal venant d’une association plutôt que des chiens achetés sur le net « car ils auront des vaccins à jour, seront identifiés (ce qui est obligatoire, ndlr) et stérilisés ». Cela évite aussi de se rendre complice de cette pratique sordide. Ajoutons qu’avec un royal bourbon, vous recevrez tout autant d’amour et ne craindrez pas de vous faire voler votre compagnon à quatre pattes !
—
Sur le même sujet : [Les annonces illégales de vente d’animaux prospèrent. Silence de la DAAF et la DIECCTE]urlblank:https://www.zinfos974.com/Les-annonces-illegales-de-vente-d-animaux-prosperent-Silence-de-la-DAAF-et-la-DIECCTE_a142790.html