L’équipe régionale a présenté son bilan de mi-mandat au siège du Conseil régional à Saint-Denis. Mais les interrogations et les questions se sont principalement portées sur l’avenir de la compagnie réunionnaise Air Austral. Un avenir assombri après la parution dans la presse (Journal de l’île du samedi 2 juin) du véritable déficit de la compagnie enregistré sur le dernier exercice.
Jusqu’à maintenant on parlait de 52 millions d’euros, mais en réalité la compagnie a enregistré 87 millions d’euros de déficit. Un chiffre qu’a confirmé Didier Robert, président de la Région et de la Sematra (actionnaire majoritaire d’Air Austral), ce matin en conférence de presse. « Le déficit de la compagnie est de 57 millions d’euros, auquel il faut ajouter les éléments exceptionnels, comme la cession des deux Boeing, ce qui amène le résultat pour le dernier exercice à 87 millions d’euros de déficit. Un résultat laissé par l’ancien PDG de la compagnie, Gérard Ethève« , explique Didier Robert.
« Le nouveau PDG de la compagnie (ndlr : en place depuis le mois d’avril), Marie-Joseph Malé, n’a pas à assumer de près ou de loin une responsabilité quelconque dans la situation financière préoccupante dans laquelle se trouve Air Austral. Cette situation revient à la gouvernance de Gérard Ethève« , rappelle-t-il. Le coupable est désigné publiquement, il s’agit de l’ancien PDG de la compagnie débarqué au mois d’avril et remplacé par Marie-Joseph Malé. « Les choix effectués les deux dernières années amènent la compagnie dans cette situation. Une compagnie qui fait face au coût du kérosène, mais ce n’est pas le seul élément d’explication de la situation financière aujourd’hui (…) L’endettement est important, il est de l’ordre de 185 millions d’euros et est naturellement à mettre à l’actif de la gestion de Gérard Ethève« , précise Didier Robert.
34 millions d’euros d’augmentation de capital de la Sematra
Reste que la compagnie connait une zone de « turbulence » sans précédent et qu’elle doit trouver 87 millions d’euros pour sortir de la zone rouge. « Nous avons répondu présent lors de la première augmentation de capital de 18,6 millions d’euros (dont 12,6 millions de la Région) en décembre dernier, effectuée par la Sematra« , rappelle-t-il. Mais cette somme ne suffit plus et il faut trouver plus d’argent. La Sematra va devoir remettre au pot pour éviter un désastre économique et social sans précédent à la Réunion.
« Nous allons faire une proposition, demain en assemblée plénière, d’abonder à hauteur de 34 millions d’euros d’augmentation de capital de la Sematra. Ce sont un peu plus de 46 millions d’euros qui seront injectés (12,6 millions en décembre plus les 34 millions de ce mois-ci). Nous avons formalisé l’engagement avec le Conseil général (le Département avait participé à hauteur de 4 millions d’euros en décembre) pour un nouvel accompagnement sur l’augmentation de capital« , explique Didier Robert. Reste que le Département a donné son accord sur le principe mais doit lui aussi consulter ses élus.
Un nouvel entrant devrait faire son apparition au sein des actionnaires d’Air Austral, il s’agit de la Caisse de dépôt et consignation qui doit injecter environ 10 millions d’euros. « On est sur une enveloppe globale de 60 millions d’euros« , souligne le président de Région. Mais il faut trouver encore des actionnaires. Air Austral s’est tournée vers la métropole où des investisseurs privés sont prêts à venir. « On est sur une participation au niveau national de 15 millions d’euros et en local de 5 millions d’euros« , explique Didier Robert.
Comment vont réagir l’Europe, Air France et Corsair
Les acteurs publics viennent à la « rescousse » d’Air Austral, une nouvelle fois après le mois de décembre. Reste que cette nouvelle augmentation de capital va faire passer l’actionnariat public au-delà des 50% du capital de la compagnie, une situation qui ne cadre pas avec la réglementation européenne sur l’apport de fonds publics dans une structure privée.
Les compagnies aériennes concurrentes, Air France et Corsair, devraient voir cette situation d’un mauvais oeil. « La Sematra est une structure privée, personne ne peut nous faire ce grief. On est dans une démarche transitoire et clairement assumée. C’est notre responsabilité car sinon on condamne la compagnie« , prévient-il, « sans recapitalisation d’Air Austral, c’est l’arrêt de la compagnie« .
Didier Robert voit toujours la situation d’Air Austral revenir à l’équilibre dans deux ans. « Les acteurs privés n’interviendront que si la compagnie est stabilisée. On souhaite une présence des acteurs privés plus importante pour réduire la contribution publique« , souligne le président de Région. « On est dans une véritable démarche pour accompagner Air Austral dans cette période de turbulence. On souhaite faire en sorte que la Sematra assume pleinement son rôle, dans cette période extrêmement difficile, et que le premier actionnaire de la compagnie réponde présent autour de la table. On considère que la desserte de la Réunion est une priorité dans la lutte contre les monopoles (…) et que la sauvegarde de 1.000 emplois fait partie du pacte d’intérêt général« , conclut-il.
Rendez-vous est pris dans un premier temps ce jeudi pour le vote de l’augmentation de capital de la Sematra à hauteur de 34 millions d’euros, puis la semaine prochaine lors du nouveau conseil de surveillance pour la validation de l’augmentation de capital et des nouveaux actionnaires de la compagnie, le 15 juin prochain.