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Deux médecins du Tampon et St-André impliqués dans un trafic d’Artane

Le tribunal correctionnel de St-Pierre s’est, ce jeudi, penché sur une affaire peu banale de trafic d’Artane. 7 prévenus convoqués - des consommateurs de ce médicament utilisé pour le traitement de la maladie de Parkinson, détourné pour ses effets hallucinatoires et désinhibants - et plus surprenant, deux médecins.

Ecrit par Prisca Bigot – le vendredi 21 juin 2019 à 11H19

L’affaire débute en décembre 2015 lors d’une perquisition menée chez Nathalie en couple avec Mohammad, impliqué dans un trafic de drogue. Du zamal, de la cocaïne, quelques centaines d’euros, des plaquettes de médicament…et un certain nombre d’ordonnances pour de l’Artane, pour certaines antidatées, délivrées par des médecins de St-André et du Tampon. 

Mohammad est toxicomane, la seule drogue qu’il n’a pas essayée c’est l’héroïne. Sorti de prison en 2014, il décide de faire le tour des médecins traitants pour trouver « une solution légale », « éviter les trafics, de retomber dans la rue ». Au début, seul le docteur Antoine C de St-André décide de l’aider à se sevrer et de lui prescrire l’Artane. Peu de temps après, sa compagne Nathalie décide de faire de même. Puis vient l’idée de monter une association fictive « Aid a nou en sort a nou » dont on ne saura pas au final qui en est le réel instigateur, Nathalie à la tête du trafic ou le docteur Antoine C.

Nathalie se chargeait de centraliser et de transmettre les cartes vitales rapportées par Mohammad. Il y avait également deux autres « rabatteurs » eux aussi consommateurs, Henri et Alexandre, tandis que Sabine, la compagne de ce dernier, aidait Nathalie, au moment au Mohammad est retourné en prison. La démarche a beaucoup de succès. Un deuxième médecin exerçant au Tampon, Jean C, entre dans le réseau. Au total des chiffres astronomiques à faire tourner la tête: 1053 ordonnances et 20 060 cachets sont prescrits à 50 clients entre avril 2015 et novembre 2016. Le bénéfice net au regard des éléments du dossier est estimé à 80 000 euros au prix de 7 euros le cachet qui peut atteindre les 10 euros sur le marché. 

À la barre, Nathalie s’est défendue de tout trafic, ne faisant que se procurer les cachets prescrits puis les récupérer en pharmacie pour ensuite les donner aux autres consommateurs sous couvert de la prétendue association. Elle ne vend pas, a-t-elle assuré, mais se sert au passage. Sur 5 boîtes, elle en récupère 3 par exemple pour l’association et 2 pour sa « consommation personnelle ». La jeune mère de famille pouvait aller jusqu’à 15 comprimés par jour. » J’étais sous l’emprise de la drogue », s’est-elle justifiée.

 

« Ils ont oublié les grands principes du serment qu’ils ont prêté »

Du côté des médecins, c’est leur naïveté affichée qui pose question. Les ordonnances étaient délivrées la plupart du temps sans même voir les patients. Les consultations auxquelles se rendait Nathalie à St-André ou au Tampon pour ses clients n’étaient pas toutes facturées.

Face au tribunal, le docteur Jean C avance des arguments difficilement soutenables et s’ « étonne d’être ici ». Le patricien totalise 42 ans de carrière, a été président de l’Ordre des médecins et assure s’être fait « enfumer » par cette association peu crédible , tout comme le docteur Antoine C aujourd’hui à la retraite à Toulouse . Le troisième médecin, remplaçant du docteur Antoine C, Hans R, d’origine étrangère, a bénéficié d’un non-lieu au motif « qu’il ne maîtrisait pas toute la réglementation ». Il faut également préciser que le docteur du Tampon voit en moyenne 100 patients par jour pour un salaire moyen de 50 000 euros par mois. L’enquête sur le patrimoine de chacun ne montre néanmoins pas d’enrichissement significatif. 

« Ce ne sont pas de simples négligences ». Ces médecins « ont oublié les grands principes du serment qu’ils ont prêté », a souligné la vice-procureur. Ils ne se sont pas souciés d’éventuels surdosages ou d’interactions médicamenteuses. 2 ans de prison avec sursis, 30 000 euros d’amende, l’interdiction de gérer pendant 3 ans et la publication de la décision, ont été requis à l’encontre du docteur Antoine C. 1 an avec sursis, 10 000 euros d’amende et un an d’interdiction de gérer pour le docteur Jean C. 

L’Ordre des médecins ne s’est pas constitué partie civile dans cette affaire et n’a pour le moment diligenté aucune enquête interne. 

Le ministère public a demandé 4 ans de prison, dont une année avec sursis à l’encontre de la tête du trafic Nathalie. Pourtant désignées comme les « petites mains », Mohammad, au casier judiciaire déjà chargé, risque 3  ans ferme dont 6 mois de sursis, Henri 2 ans ferme, Alexandre 10 mois ferme dont 6 mois avec sursis et Sabine un an ferme aménageable. 

Leurs conseils ont pointé « une différence d’égalité de traitement » dans les réquisitions au regard des responsabilités et parcours de chacun dans ce trafic. Le verdict est attendu pour le 8 août prochain. 

 

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