Tout part de la saisine du médiateur interne de la police nationale par un fonctionnaire en poste à la Réunion en mars dernier. Ce dernier se voit imposer ses congés bonifiés* au mois de juillet-août, pendant sa période de séjour**. Une « interprétation fallacieuse » des textes qui implique la baisse des effectifs chaque année et à la même période à la Réunion, au détriment de la sécurité publique, selon le syndicat Unité SGP Police FO. Rendu en mai dernier, l’avis du médiateur est clair. Les prescriptions imposées par le SGAP (secrétariat général pour l’administration de la police), sous couvert de l’Etat, présentent un caractère illégal.
D’un côté, le ministère de l’Intérieur a annoncé récemment la mise à disposition de 20 fonctionnaires de police supplémentaires à la Réunion, en plus des 35 annoncés lors de sa visite. Pas du luxe, quand on sait que d’un autre côté, entre 15 et 20 policiers se retrouvent dans l’obligation de prendre leurs congés bonifiés pendant leur période de séjour en juillet-août, et non à la fin. Résultat le service se retrouve « exsangue » au détriment de la sécurité publique, s’inquiète le secrétaire régional de l’Unité SGP Police FO, Thierry Flahaut.
Dans un tract adressé aux fonctionnaires de police, le syndicat dénonce la « pénurie d’effectifs en période estivale« . « Depuis plusieurs années, nos collègues en séjour subissent une interprétation fallacieuse des textes relatifs aux congés bonifiés. En effet, le SGAP intime l’ordre à nos collègues de caler ces congés sur leur période de séjour« , peut-on lire.
« Un caractère illégal »
Cette interprétation des textes a été rejetée en mai dernier par le médiateur interne de la police nationale. Dans son avis rendu, Frédéric Lauze, inspecteur général de la police nationale et médiateur interne, explique le caractère illégal des décisions prises. « A supposer même que les circulaires ou instructions nationales ou locales imposent à l’agent de solder ses congés bonifiés avant la date d’expiration de son séjour en outre-mer, de telles prescriptions non prévues par les disposition réglementaires en vigueur présenteraient un caractère illégal« , explique-t-il.
Dans le viseur du médiateur et du syndicat, le SGAP et la Préfecture de la Réunion. « Peut-on déroger au droit dans la police ? » s’interroge Thierry Flahaut. « Nous devons montrer l’exemple en tant que fonctionnaire. Après, s’agit-il d’un problème d’interprétation du côté de la gestion administrative du SGAP, sous couvert de la Préfecture. Peut-être que le préfet a les mains liées dans cette histoire et que les consignes viennent de plus haut (ministère de l’Intérieur ndlr)« , poursuit-il. Un système qui doit arranger tout le monde, quand on sait qu’un fonctionnaire en séjour (3 ou 4 ans sur l’île) se voit imposer ses congés en juillet et août, avant que les nouveaux fonctionnaires ne débarquent début septembre.
Cette problématique des congés bonifiés imposés aux fonctionnaires de police en séjour à la Réunion pose des problèmes d’effectifs pendant les périodes de vacances. « On voit des collègues rappelés en juillet et en août. On travaille à flux tendu avec des effectifs moindres alors que nous avons à cette période des événements figés comme le 14 juillet ou ponctuels comme la visite de François Hollande« , rappelle Thierry Flahaut. Un manque d’effectif qui touche l’ensemble de l’organisation des services à cette période avec des répercussions sur les patrouilles ou encore les opérations de tranquillité vacances, précise le syndicat.
Dans cette affaire, le médiateur de la police nationale n’a rendu qu’un avis. Reste à savoir si cet avis sera suivi d’effet au sein du SGAP de la Réunion. « On sait que le médiateur a écrit au préfet et au SGAP. Pour le moment, il n’a eu aucune réponse« , fait savoir le secrétaire régional du syndicat Unité SGP Police FO. Si rien ne bouge, la prochaine étape sera la saisine du tribunal administratif dans le but de voir les textes réglementaires appliqués à la Réunion.
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*Congés bonifiés : Le congé bonifié est un régime particulier de congés auquel peuvent prétendre certains fonctionnaires titulaires. Ce congé leur permet d’effectuer périodiquement un séjour dans leur département d’origine. Le congé bonifié donne lieu à une majoration de la durée du congé annuel, une prise en charge des frais de voyage du fonctionnaire et des membres de sa famille et au versement d’une indemnité. Le fonctionnaire concerné peut bénéficier d’un congé bonifié tous les 3 ans : il doit justifier de 36 mois de services ininterrompus (source : service-public.fr).
**Période de séjour : Elle correspond à une affectation temporaire du fonctionnaire de police en dehors de son service d’origine, d’une durée de 3 ou 4 ans en général. A contrario on parle de « fidélisation » dans le cadre d’une affectation définitive.