Le dispositif logement évolutif social (LES) spécifique aux départements d’Outre-mer permet à de modestes propriétaires de terrain de construire leur logement individuel avec une subvention de l’Etat, complétée par un prêt social. Ce rêve d’accéder à la propriété est devenu un cauchemar pour une dizaine de clients de l’opérateur historique Bourbon Bois Expérience.
Bianca*, mère de trois enfants, a sollicité les services de Bourbon Bois pour reconstruire sa maison, son ancien logement étant insalubre. Pour plus de 120.000 euros, l’opérateur lui a assuré construire un F6 de 109m2 prêt à habiter, indique la mère de famille qui s’occupe également d’une personne en situation d’handicap. En août 2021, Bianca obtient la subvention de l’Etat et un prêt social octroyé par la Sofider sous mandat avec Réunion Habitat.
Le 9 septembre 2021, elle signe une première et dernière situation de travaux, assure Bianca. Ce type de facturation est censée faire état de l’échelonnement des paiements mais aussi, dans les faits, permet à une société de générer de la trésorerie. Le document doit ainsi mentionner outre les coordonnées et statuts de la société, le numéro de devis, le degré d’avancement, la description détaillée des travaux etc…Des informations qui manquent sur la situation de travaux signée par Bianca. L’ouverture prévisionnelle du chantier n’est également pas mentionnée.
Dans la foulée, est signé le premier déblocage des fonds adressé à Réunion Habitat, une première tranche de plus de 21.000 euros sur le prêt personnel de Bianca. Pour obtenir ce premier déblocage de fonds, les services de Réunion Habitat doivent réceptionner la déclaration d’ouverture de chantier délivrée par les services municipaux, signée par le client et l’opérateur. Pourtant, rien sur la parcelle de Bianca située dans le sud de l’île n’a bougé, "alors que Bourbon Bois a demandé de tout raser pour pouvoir reconstruire une maison décente", se désespère la mère de famille qui depuis vit chez son fils à plusieurs kilomètres des établissements scolaires qui accueillent ses autres enfants. Toute la famille se trouve ainsi perturbée par une reconstruction qui prend du temps à démarrer.
Bianca*, mère de trois enfants, a sollicité les services de Bourbon Bois pour reconstruire sa maison, son ancien logement étant insalubre. Pour plus de 120.000 euros, l’opérateur lui a assuré construire un F6 de 109m2 prêt à habiter, indique la mère de famille qui s’occupe également d’une personne en situation d’handicap. En août 2021, Bianca obtient la subvention de l’Etat et un prêt social octroyé par la Sofider sous mandat avec Réunion Habitat.
Le 9 septembre 2021, elle signe une première et dernière situation de travaux, assure Bianca. Ce type de facturation est censée faire état de l’échelonnement des paiements mais aussi, dans les faits, permet à une société de générer de la trésorerie. Le document doit ainsi mentionner outre les coordonnées et statuts de la société, le numéro de devis, le degré d’avancement, la description détaillée des travaux etc…Des informations qui manquent sur la situation de travaux signée par Bianca. L’ouverture prévisionnelle du chantier n’est également pas mentionnée.
Dans la foulée, est signé le premier déblocage des fonds adressé à Réunion Habitat, une première tranche de plus de 21.000 euros sur le prêt personnel de Bianca. Pour obtenir ce premier déblocage de fonds, les services de Réunion Habitat doivent réceptionner la déclaration d’ouverture de chantier délivrée par les services municipaux, signée par le client et l’opérateur. Pourtant, rien sur la parcelle de Bianca située dans le sud de l’île n’a bougé, "alors que Bourbon Bois a demandé de tout raser pour pouvoir reconstruire une maison décente", se désespère la mère de famille qui depuis vit chez son fils à plusieurs kilomètres des établissements scolaires qui accueillent ses autres enfants. Toute la famille se trouve ainsi perturbée par une reconstruction qui prend du temps à démarrer.
Des documents envoyés près de deux ans plus tard
Le fracas des engins de chantier peut apparaitre comme une douce mélodie quand il s’agit de la construction de votre maison. Mais il n’est également jamais arrivé jusqu’aux oreilles de la famille Rouget* dans l’Ouest de l’île. Dans ce cas, un devis a été signé en avril 2020 pour une maison F3 à plus de 91.000 euros (sans les finitions) dont plus de 13.000 de frais de maitrise d’œuvre, d’assistance à maitrise d’ouvrage ou encore de contribution additionnelle au fonds de garantie des prêts.
L’arrêté de subvention pour la construction du LES est délivré en décembre 2020, le contrat de prêt en septembre 2021. " 50 % de la subvention a déjà été versée en mars mais nous n’avons pas eu de double ", regrette le jeune père de famille qui n’a eu d’autres choix que d’installer sa femme et son enfant chez ses parents dans une chambre de 9m2 en attendant les travaux. Comme le prévoit la procédure, le déblocage des fonds est intervenu à la déclaration d’ouverture de chantier signée par le maitre d’ouvrage, l’opérateur et comportant le cachet de la mairie. Mais là encore, depuis, toujours pas l’ombre d’un coup de pelle sur la parcelle de la famille Rouget. Les tentatives d’obtenir des informations et une copie des documents qu’ils ont signés auprès de leur opérateur restent vaines.
Finalement, malgré de nombreuses demandes, un ordre de service de démarrage des travaux et un contrat leur sont envoyés début juin dernier par voie postale classique sans accusé de réception, précise la famille. Si un ordre de service permet de notifier au maitre d’ouvrage l’exécution des travaux à une date précise, ni ce document ni le contrat de marché de travaux ne précise le cahier des charges, le calendrier d’exécution ou même la surface du logement à construire. Des documents que la famille préfère désormais ne pas signer, la confiance étant rompue avec Bourbon Bois Expérience.
Plusieurs familles désespérées ne sachant plus vers qui se tourner ont interpellé la fédération locale de la Confédération nationale du logement (CNL). 6 opérateurs sont agréés à La Réunion pour percevoir l’aide de l’Etat à l’amélioration ou à la construction à vocation très sociale donc soumis à conditions et à un plafond de ressources. "Bourbon Bois a fait signer des déblocage de fonds, les chantiers n’ont pas démarré et des clients vont commencer à payer", souligne Eric Fontaine, administrateur de la CNL.
Le fracas des engins de chantier peut apparaitre comme une douce mélodie quand il s’agit de la construction de votre maison. Mais il n’est également jamais arrivé jusqu’aux oreilles de la famille Rouget* dans l’Ouest de l’île. Dans ce cas, un devis a été signé en avril 2020 pour une maison F3 à plus de 91.000 euros (sans les finitions) dont plus de 13.000 de frais de maitrise d’œuvre, d’assistance à maitrise d’ouvrage ou encore de contribution additionnelle au fonds de garantie des prêts.
L’arrêté de subvention pour la construction du LES est délivré en décembre 2020, le contrat de prêt en septembre 2021. " 50 % de la subvention a déjà été versée en mars mais nous n’avons pas eu de double ", regrette le jeune père de famille qui n’a eu d’autres choix que d’installer sa femme et son enfant chez ses parents dans une chambre de 9m2 en attendant les travaux. Comme le prévoit la procédure, le déblocage des fonds est intervenu à la déclaration d’ouverture de chantier signée par le maitre d’ouvrage, l’opérateur et comportant le cachet de la mairie. Mais là encore, depuis, toujours pas l’ombre d’un coup de pelle sur la parcelle de la famille Rouget. Les tentatives d’obtenir des informations et une copie des documents qu’ils ont signés auprès de leur opérateur restent vaines.
Finalement, malgré de nombreuses demandes, un ordre de service de démarrage des travaux et un contrat leur sont envoyés début juin dernier par voie postale classique sans accusé de réception, précise la famille. Si un ordre de service permet de notifier au maitre d’ouvrage l’exécution des travaux à une date précise, ni ce document ni le contrat de marché de travaux ne précise le cahier des charges, le calendrier d’exécution ou même la surface du logement à construire. Des documents que la famille préfère désormais ne pas signer, la confiance étant rompue avec Bourbon Bois Expérience.
Plusieurs familles désespérées ne sachant plus vers qui se tourner ont interpellé la fédération locale de la Confédération nationale du logement (CNL). 6 opérateurs sont agréés à La Réunion pour percevoir l’aide de l’Etat à l’amélioration ou à la construction à vocation très sociale donc soumis à conditions et à un plafond de ressources. "Bourbon Bois a fait signer des déblocage de fonds, les chantiers n’ont pas démarré et des clients vont commencer à payer", souligne Eric Fontaine, administrateur de la CNL.
Plainte pour appels malveillants et insultes
Fin avril dernier, Bourbon Bois Expérience a écrit à ses clients dont les chantiers n’avancent pas. La société évoque "la pénurie mondiale des matériaux", "le retard engendré par les différents confinements" et en particulier "la hausse des prix et le manque de moyens matériels". Dans ce contexte particulièrement tendu avec certains de ces clients, la société tient à pointer que "certaines personnes malveillantes tiennent des propos ou produisent des écrits qui auraient pour objet et/ou pour effet de nuire à l’image de notre société". La société va jusqu’à prévenir : "Tous propos déplacés, dénigrants ou diffamatoires à l’encontre de notre entreprise, de même que les messages incitant à la haine par quelque moyen de communication que ce soit (presse, radio, réseaux sociaux…) feront l’objet des suites qui s’imposeront, s’il le faut par la voie judiciaire". Pour les clients destinataires du courrier signé de la présidente Morgane Osta Amigo, le message est clair. "Il s’agit de nous intimider".
Morgane Osta Amigo a accepté de nous recevoir dans les locaux de l’entreprise à Pierrefonds qui gère 120 dossiers de LES et déclare une quarantaine de contrats LES en souffrance. L’opérateur historique social doit faire face comme mentionné dans le courrier à des difficultés conjoncturelles : "hausse des prix matériaux multipliés par 2 voire par 3 ; la progression de l’inflation ; les délais de montage et de traitement des dossiers qui se sont également rallongés avec le travail en distanciel et il y a eu 6 mois sans électricité dans l’usine", pointe la présidente de Bourbon Bois Expérience.
"Ces problématiques ont fait augmenter la hausse des incivilités et des tensions qui ont commencé il y a un mois environ", déplore-t-elle. Morgane Osta Amigo indique avoir porté plainte auprès du procureur pour appels malveillants et insultes. Elle viserait 7 personnes en particulier. "Je protègerai toujours mes salariés", se défend la cheffe d’entreprise, qui demande "le respect envers ses collaborateurs et collaboratrices". Les difficultés de communication exacerbent les tensions.
Mais l’ensemble des prestations à la charge de l’opérateur et les engagements du clients ont-ils été formalisés par un contrat ? Oui, assure Morgane Osta Amigo, qui a repris progressivement depuis 2019 les activités de Bourbon Bois. "Les contrats ont été envoyés et renvoyés avec accusés de réception". Pour autant, et ce malgré nos demandes, les preuves que les contrats de marché ont bien été édités n’ont à ce jour pas été apportées.
En revanche, "si les chantiers commencent" pour ces clients avec qui la société est en litige, Morgane Osta garantit la prise en charge des échéances jusqu’à la livraison du logement. Une des solutions mises en œuvre et élaborées par Réunion Habitat, la DEAL et les opérateurs depuis 1991 en cas de retard persistant, précise la direction de Réunion Habitat.
"Les situations de retard exigent de la souplesse de la part des parties prenantes", relativise Réunion Habitat. Le report des échéances et "dans quelques cas très rares", une reprise des opérations par d’autres opérateurs, avec l’aide de la DEAL, peuvent également mis en place.
Fin avril dernier, Bourbon Bois Expérience a écrit à ses clients dont les chantiers n’avancent pas. La société évoque "la pénurie mondiale des matériaux", "le retard engendré par les différents confinements" et en particulier "la hausse des prix et le manque de moyens matériels". Dans ce contexte particulièrement tendu avec certains de ces clients, la société tient à pointer que "certaines personnes malveillantes tiennent des propos ou produisent des écrits qui auraient pour objet et/ou pour effet de nuire à l’image de notre société". La société va jusqu’à prévenir : "Tous propos déplacés, dénigrants ou diffamatoires à l’encontre de notre entreprise, de même que les messages incitant à la haine par quelque moyen de communication que ce soit (presse, radio, réseaux sociaux…) feront l’objet des suites qui s’imposeront, s’il le faut par la voie judiciaire". Pour les clients destinataires du courrier signé de la présidente Morgane Osta Amigo, le message est clair. "Il s’agit de nous intimider".
Morgane Osta Amigo a accepté de nous recevoir dans les locaux de l’entreprise à Pierrefonds qui gère 120 dossiers de LES et déclare une quarantaine de contrats LES en souffrance. L’opérateur historique social doit faire face comme mentionné dans le courrier à des difficultés conjoncturelles : "hausse des prix matériaux multipliés par 2 voire par 3 ; la progression de l’inflation ; les délais de montage et de traitement des dossiers qui se sont également rallongés avec le travail en distanciel et il y a eu 6 mois sans électricité dans l’usine", pointe la présidente de Bourbon Bois Expérience.
"Ces problématiques ont fait augmenter la hausse des incivilités et des tensions qui ont commencé il y a un mois environ", déplore-t-elle. Morgane Osta Amigo indique avoir porté plainte auprès du procureur pour appels malveillants et insultes. Elle viserait 7 personnes en particulier. "Je protègerai toujours mes salariés", se défend la cheffe d’entreprise, qui demande "le respect envers ses collaborateurs et collaboratrices". Les difficultés de communication exacerbent les tensions.
Mais l’ensemble des prestations à la charge de l’opérateur et les engagements du clients ont-ils été formalisés par un contrat ? Oui, assure Morgane Osta Amigo, qui a repris progressivement depuis 2019 les activités de Bourbon Bois. "Les contrats ont été envoyés et renvoyés avec accusés de réception". Pour autant, et ce malgré nos demandes, les preuves que les contrats de marché ont bien été édités n’ont à ce jour pas été apportées.
En revanche, "si les chantiers commencent" pour ces clients avec qui la société est en litige, Morgane Osta garantit la prise en charge des échéances jusqu’à la livraison du logement. Une des solutions mises en œuvre et élaborées par Réunion Habitat, la DEAL et les opérateurs depuis 1991 en cas de retard persistant, précise la direction de Réunion Habitat.
"Les situations de retard exigent de la souplesse de la part des parties prenantes", relativise Réunion Habitat. Le report des échéances et "dans quelques cas très rares", une reprise des opérations par d’autres opérateurs, avec l’aide de la DEAL, peuvent également mis en place.
"Il y a des choses occultes et inquiétantes"
La DEAL, délégataire du dispositif L.E.S, n’a pas répondu à nos sollicitations quant à notamment les moyens de contrôle de la bonne utilisation des subventions de l’Etat.
Sans réponse à leurs questions et face aux discours éculés des différents acteurs du dispositif, les clients ont pris attache auprès de Me Jean Christophe Molière. L’avocat a été contacté par une dizaine de personnes qui éprouvent ces difficultés à obtenir de Bourbon Bois un contrat ou tout simplement un double. "Des informations pourtant essentielles et classiques à tout contrat, comme le délai d’achèvements ou le tarif en fonction des travaux qui leur ont été confisqués", pointe la robe noire. "Cela est d’autant plus inquiétant que le financement de l’Etat pour les LES entre en compte. Des déblocages de fonds ont été signés alors que les chantiers n’ont pas commencé. La société dit constamment que les choses vont se débloquer mais le temps passe", déplore Me Jean-Christophe Molière.
En attendant, les échéances des emprunts et la durée de validité des subventions arrivent à leur terme. "Il y a des choses occultes et inquiétantes parce que des personnes semblent s’être engagées sans avoir de contrat alors que ce sont de pauvres gens qui attendent leurs foyers depuis des années".
L’avocat a demandé à son tour les contrats à l’opérateur social, en vain. Dans un premier temps, Me Jean-Christophe Molière entend, dans le cadre d’une instance civile, contraindre la société à réaliser les travaux prévus dans les contrats, si contrats il y a. En cas d’échec, des poursuites pénales sont envisagées.
La DEAL, délégataire du dispositif L.E.S, n’a pas répondu à nos sollicitations quant à notamment les moyens de contrôle de la bonne utilisation des subventions de l’Etat.
Sans réponse à leurs questions et face aux discours éculés des différents acteurs du dispositif, les clients ont pris attache auprès de Me Jean Christophe Molière. L’avocat a été contacté par une dizaine de personnes qui éprouvent ces difficultés à obtenir de Bourbon Bois un contrat ou tout simplement un double. "Des informations pourtant essentielles et classiques à tout contrat, comme le délai d’achèvements ou le tarif en fonction des travaux qui leur ont été confisqués", pointe la robe noire. "Cela est d’autant plus inquiétant que le financement de l’Etat pour les LES entre en compte. Des déblocages de fonds ont été signés alors que les chantiers n’ont pas commencé. La société dit constamment que les choses vont se débloquer mais le temps passe", déplore Me Jean-Christophe Molière.
En attendant, les échéances des emprunts et la durée de validité des subventions arrivent à leur terme. "Il y a des choses occultes et inquiétantes parce que des personnes semblent s’être engagées sans avoir de contrat alors que ce sont de pauvres gens qui attendent leurs foyers depuis des années".
L’avocat a demandé à son tour les contrats à l’opérateur social, en vain. Dans un premier temps, Me Jean-Christophe Molière entend, dans le cadre d’une instance civile, contraindre la société à réaliser les travaux prévus dans les contrats, si contrats il y a. En cas d’échec, des poursuites pénales sont envisagées.