MENU ZINFOS
Courrier des lecteurs

Démocratie sociale et démocratie politique : les deux piliers de la République sociale et démocratique


Par Reynolds Michel - Publié le Vendredi 24 Mars 2023 à 14:23

 « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
                                                              Article 1 de la Constitution de 1946 et 1958

Dès l’annonce par le président Emmanuel Macron, le lundi 12 décembre 2022, que la présentation du projet de réforme des retraites était reporté au 10 janvier 2023, les organisations syndicales ont dénoncé l’absence de négociations en bonne et due forme avec l’exécutif sur le report de l’âge de départ à la retraite. Prolonger la concertation de deux semaines ou d’un mois ne change rien, disent-elles, si l’exécutif se contente seulement de gagner du temps par le biais d’une simple consultation, voire d’une concertation, sans remettre en question le cap fixé d’avance, à savoir le départ à la retraite à 64 ans, tout en appelant déjà à une mobilisation unitaire contre la réforme au mois de janvier 2023 (L’Humanité, 13/12/2022). La première grande mobilisation a eu lieu le 19 janvier 2023.

Un déni de la démocratie sociale

Estimant, à la veille de la septième grande mobilisation sociale de masse du samedi 11 mars, que le silence du chef de l’État constitue un grave problème démocratique, l’intersyndicale, lors d’une Conférence de presse, appelle le chef de l’exécutif à recevoir les responsables syndicaux et à entendre que cette mesure d’âge n’est pas du tout acceptée. Nous connaissons la réponse du président de la République et la réplique du secrétaire général de la CFDT Laurent Berger qualifiant le refus d’Emmanuel Macron de recevoir les syndicats d’« une forme de déni de la démocratie sociale » (BFMTV, 11 03/2023). Ce n’est pas une surprise pour les partenaires sociaux qui ne cessent de dénoncer, depuis 2017, la méthode « brutale » de prise de décisions d’Emmanuel Macron. Certes, il met en scène le dialogue, mais sans véritable prise en compte de la parole syndicale ou celle des corps intermédiaires.

La démocratie sociale semble ne pas exister à ses yeux, ou si peu. Pour Emmanuel Macron, qui a une conception verticale du pouvoir, « le rôle des organisations syndicales doit rester campé à l’intérieur du cadre des entreprises, qu’elles n’ont pas vraiment à se mêler de l’élaboration des politiques publiques », comme le dit l’historien et spécialiste de la sociologie de grèves et du syndicalisme, Stéphane SIROT (RCF, 16/01/2023).

« Ce qui s’exprime dans les mobilisations, c’est la dignité du monde du travail (…). Il faut que le gouvernement entende cette mobilisation profonde », a déclaré Laurent Berger après la cinquième mobilisation du 16 février (La Croix, 20/02/2023). Ou encore : « Je dis au gouvernement : puisque vous ne faîtes pas confiance à la démocratie sociale, écoutez au moins les citoyens » (BFM Politique, 12/03/2023). Démocratie sociale, que recouvre cette expression que Laurent Berger cherche, avec d’autres leaders syndicaux, à remettre au goût du jour par le mouvement contre la réforme des retraites ?

Qu’est-ce que la démocratie sociale ?

La notion apparaît une première fois sous la plume de Louis Blanc (1811-1882), un des fondateurs du socialisme humaniste français et auteur d’un projet social cohérent, dans son livre L’Organisation du travail (1839). Pour notre auteur et homme politique de premier plan, il ne saurait y avoir de démocratie politique sans démocratie sociale. La République doit unir ses deux aspects. Le projet est ensuite porté par les socialistes réformistes. Notre action, disait Jean Jaurès (1859-1914) – pour qui le socialisme est une passion politique née à l’ère démocratique – est de compléter la démocratie politique par la démocratie sociale. Dans son ouvrage, À l’échelle humaine (1945), Léon Blum (1872-1950) déclare : « La démocratie politique ne sera pas viable si elle ne s’épanouit pas en démocratie sociale ; la démocratie sociale ne serait ni réelle ni stable si elle ne se fondait pas sur une démocratie politique ».

Pour les promoteurs de cet idéal démocratique, l’idée est de donner aux acteurs de la société civile un rôle de régulation à côté de l’Etat. Bref, que l’État ne s’occupe pas de tout, tout seul, depuis sa position de surplomb, mais qu’il rende des comptes, consulte et négocie avec les acteurs sociaux. Car, comme l’écrit Georges Burdeau dans La démocratie (Points, 1956, p. 63), « on ne peut tout à la fois donner le pouvoir au peuple et lui interdire d’en user de certaine façon ». Cette idée de donner aux syndicats, associations et autres corps intermédiaires un rôle de régulation à jouer à côté de l’État s’est finalement enraciné dans le Droit avec Aristide Briand (1862-1932) et le Comité de la démocratie sociale, fondé en 1905. C’est cette philosophie qui anime la loi de 1919 sur les premières conventions collectives (Michel Noblecourt, 2020). En 1945, le Conseil national de la Résistance (CNR) posera les bases d’une « véritable démocratie économique et sociale », selon l’expression même du programme du CNR, jusqu’à se retrouver dans le premier article de la Constitution de 1946, puis de 1958 (voir ci-dessus : exergue). La  démocratie sociale a été par la suite actée par de nouvelles lois (Lois Auroux de 1982, Loi Larcher de janvier 2007, etc. Il a même été question d’inscrire la démocratie sociale dans la Constitution (projet rendu public en mars 2013).

Cette démocratie sociale via le dialogue social passant par la négociation existe bel et bien dans les entreprises où, depuis 40 ans, on voit monter en puissance la signature d’accords collectifs avec les représentations syndicales et salariales (Stéphane SIROT). Au niveau de l’État, c’est autre chose. Un peu avec certains gouvernements, pas du tout avec Emmanuel Macron qui se contente de la consultation (l’écoute sans prise en compte), parfois de la concertation (l’écoute avec une éventuelle prise en compte). Nous savons que le gouvernement de Mme Borne a choisi, depuis plusieurs mois, de ne pas s’engager dans une négociation sociale avec les représentants des organisations syndicales représentatives pour redessiner avec eux le système de retraites des salariés. Il a opté, de préférence, pour une délibération parlementaire, laissant aux deux hémicycles, Sénat et Assemblée nationale, le soin de valider, de corriger son projet d’allongement de l’âge légal de départ en retraite. Or, voilà que le préside Emmanuel Macron lors de son entretien au JT de « 13 heures », le mercredi 22 mars, ose dire avec aplomb « qu’aucune force syndicale n’ait proposé un compromis » (…) Là où historiquement les forces syndicales pouvaient proposer des compromis, on nous a dit ̋ aucune réforme ˝ » BFMTV, 22/03/2023).

Le chef de l’Etat feint d’ignorer que c’est au cours d’une négociation qu’on arrive à un compromis qui intègre un certain nombre de demandes de chacun des acteurs. Or, son gouvernement a sciemment refusé de négocier avec les syndicats sur cette réforme des retraites. Il convient de noter que le gouvernement fait attention à ne pas utiliser le terme de négociation. Le déficit de recherche de compromis se trouve donc plutôt du côté du gouvernement. De surcroît, les propos d’Emmanuel Macron lors de son entretien n’aide pas, loin s’en faut, à apaiser le climat social.

A l’heure où on parle d’essoufflement de la démocratie représentative et de la nécessité de replacer les citoyens dans la décision (démocratie participative), c’est-à-dire de mieux articuler démocratie politique et démocratie sociale, citoyenneté sociale et citoyenneté politique, le président Emmanuel Macron nous impose une réforme des retraites que le pays dans sa majorité rejette. C’est impensable et extrêmement dangereux. Monsieur le Président, « « On ne peut pas reformer contre la volonté du pays. Il faut faire en amont un travail de pédagogie pour arriver à un diagnostic partagé, seul moyen de permettre une véritable négociation » (Michel Rocard, lors d’un entretien accordé à la Revue civique au printemps 2008).
 




1.Posté par klod le 24/03/2023 15:52

MERCI M. REYNOLDS !!

Enfin un internant intéressant sur la "crise retraite et la démocratie" !!! c'était désespérant de lire "d'autres" ..................

oui , la sociale démocratie est un idéal, il ne suffit pas de voter pour "un président" , la Vème est trop restrictive... il faut aussi négocier ..........

avec macron , c'est le dialogue social qui est nié .

2.Posté par klod le 24/03/2023 16:07

où l'on apprend que la visite du "roi charles" est reportée ..........................................

bien ,

nous avons en not bonne France d'autres problèmes républicains que de recevoir un "roi" ..........

NON AU DELA DE 62 ANS !!!!!!!!


3.Posté par klod le 24/03/2023 16:29

j'insiste , c'est le 1er article sur "zinfos" intéressant sur "la réforme macron sur la retraite" , les autres relevant de discussion de comptoir. Encore une fois , je salue M. Reynolds.

on peut de pas être d'accord sur le fond de l'article , moi , je le suis, mais cela donne envie d'échanger sereinement.

4.Posté par klod le 24/03/2023 18:21

D'autre part la visite d'un "roi" est le cadet des soucis des citoyens français , alors que la république sociale est remise en cause par le pseudo roi macron ! Qu'elle soit reportée , cette visite du "roi Charles" , on s'en fout !!!!!


5.Posté par polo974 le 24/03/2023 20:47

Le cac40 (qui a bénéficié du CICE et de son remplaçant (baisse de 6% des cotisations sociales)) distribue 100 milliards de bénef (d'autres disent 140).

1.Posté par klod le 24/03/2023 15:52
""" avec macron , c'est le dialogue social qui est nié . """
Non, c'est toute forme de dialogue.

Heureusement qu'il ne peut plus se représenter.

6.Posté par JORI le 26/03/2023 14:35

"On ne peut pas reformer contre la volonté du pays. Il faut faire en amont un travail de pédagogie pour arriver à un diagnostic partagé, seul moyen de permettre une véritable négociation » (Michel Rocard, lors d’un entretien accordé à la Revue civique au printemps 2008)", dit l'homme au 28 recours au 49.3 dont 13 en une seule session parlementaire. 😂😂😂

7.Posté par Omarie le 26/03/2023 21:03

Encore une analyse intéressante, argumentée et documentée que M. Reynolds Michel nous fait partager.
Le fond, la forme, le ton du billet, tout est juste. Rien à ajouter. Merci.

Nouveau commentaire :
Facebook Twitter

Si aucune page de confirmation n'apparaît après avoir cliqué sur "Proposer" , merci de nous le faire savoir via le mail contact@zinfos974.com
------
Merci de nous donner les informations suivantes, elles nous serviront à mieux cerner votre situation :
-- Smartphone ou ordinateur (mac ou windows)
-- Navigateur utilisé
-- Votre fournisseur d'accès internet
------
CHARTE DES COMMENTAIRES

Zinfos 974 vous offre un espace commentaires vous permettant de réagir, discuter, informer. Cet espace est ouvert aux internautes inscrits et non-inscrits au site.

Les intervenants doivent respecter les principes élémentaires du débat.

Sont proscrits :

- Les insultes, les attaques personnelles, les agressions, les propos discriminatoires sous toutes les formes - que ce soit envers les intervenants, les commentateurs ou l'équipe de Zinfos 974.

- Tout contenu contraire à la loi : l'incitation à la violence ou à la haine raciale, la discrimination et la diffamation, les propos homophobes, la négation des crimes contre l'humanité, ou la justification des actes violents et des attentats.

- Les propos pornographiques ou délibérément choquants ne sont pas autorisés.

- Merci d'éviter le hors sujet, les rumeurs infondées et les fausses informations.

- La répétition d'un même commentaire, assimilée à du spam.

- La publicité. Ne soumettez pas des liens commerciaux.

Si le commentaire d'un autre internaute vous paraît contrevenir à cette charte, utilisez la commande "signaler un commentaire abusif" plutôt que d'envenimer le débat.

Pour protéger votre vie privée, ne donnez pas d'indication personnelle (mail, adresse ou numéro de téléphone) dans un commentaire.

En cas de litige, vous pouvez contacter la rédaction de Zinfos 974 via l'adresse contact@zinfos974.com

Vous restez le responsable des commentaires que vous soumettez et en portez la responsabilité. De son côté, la rédaction de Zinfos 974 se réserve le droit de retirer tout commentaire si elle l'estime nécessaire pour la bonne tenue du débat.

Zinfos 974 est seul juge des messages qu'il publie ou modère - y compris pour des raisons qui ne seraient pas répertoriées dans la liste ci-dessus. Vous pouvez demander des explications sur la modération en utilisant l'adresse contact@zinfos974.com, mais toute allusion au travail de modération dans un commentaire sera systématiquement mis hors ligne.

------
Toute l'équipe de Zinfos974 vous remercie









 

3 rue Émile Hugot
Immeuble Rigolet

97490 Sainte-Clotilde

06 92 97 75 75
contact@zinfos974.com


- Contact

- Signaler un abus

- Mentions légales

- CGU

- Politique de Confidentialité

- Nos Journalistes