« Ne pas perdre de vue que l’on achète un bien immobilier et pas une défiscalisation«
Les experts comptables ont l’habitude de voir leurs clients pousser la porte de leur cabinet pour les interroger sur le bien-fondé d’une défiscalisation, particulièrement à La Réunion. Le président du Conseil Régional de l’Ordre des Experts Comptables (CROEC), sollicité sur le sujet, se veut prudent, notamment dans un contexte où les taux d’intérêt sont très bas.
Rémy Amato fait un premier tour d’horizon de la question: « Cela était intéressant il y a très longtemps, quand les taux de défiscalisation étaient élevés. Le problème de la défiscalisation immobilière n’est pas précisément que la question de la défiscalisation. Un taux Pinel Dom à 32% de défiscalisation n’est pas magique, c’est un leurre, car en définitive il ne faut pas perdre de vue que l’on achète un bien immobilier et pas une défiscalisation ».
La bonne question à se poser est donc de savoir quel sera le prix à la revente du bien ? En effet les prix à la vente dans le cadre d’une défiscalisation immobilière seraient souvent très élevés, en dépit des plaquettes commerciales très alléchantes. Petite démonstration: « Un bien peut être vendu neuf en défisc 4 000€/m2, sur une petite surface : il faut être très attentif à ce prix au m2. À la revente, les problèmes commencent car le prix du marché sera aux alentours de 2000 à 2500€/m2. Une moins value de 50 % pour une économie d’impôt de 32%, cela ne valait pas le coût! « , explique Rémy Amato.
Le président du CROEC le martèle : « Attention, c’est de l’immobilier. Au moment de l’achat neuf, il faut bien regarder si le prix du bien est identique, ou dans la norme, de ce qui se fait à la revente alentour« … De sages précautions de vérification qui aujourd’hui, avec internet, peuvent se faire en quelques clics sur des sites d’annonces immobilières ou encore sur le site des transactions immobilières du portail [impots.gouv.fr]url:https://www.impots.gouv.fr/portail/ .
« Ce produit fiscal est avant tout un bien immobilier «
Les experts comptables prônent donc la prudence: « les plaquettes commerciales sont tellement bien faites qu’il faut faire attention. Ils vendent des réductions d’impôt, c’est vrai, mais en vendant un bien deux fois plus cher. C’est dramatique pour l’image de nos territoires ultra-marins. Ce produit fiscal est avant tout un bien immobilier. »
Quels sont donc les conseils à donner un potentiel investisseur en défiscalisation immobilière ? « Il faut se déplacer, voir l’environnement du bien, le voisinage et surtout le prix réel du marché. C’est un bien immobilier, qui souvent engage pour longtemps avec un effort d’épargne. Le prix de vente du bien couvrira-t-il le capital restant dû de l’emprunt? « , interroge Rémy Amato.
Il existe encore des opportunités à faire en défiscalisation immobilière
Le risque est donc, comme le précise le président du CROEC, que le contribuable n’ait pas réalisé l’opération du siècle. Mais cependant il convient de pondérer cette analyse, car il existe encore des opportunités en défiscalisation immobilière, même si elles sont rares.
Notre spécialiste est affirmatif: « Il y a des biens intéressants, des programmes de premier plan mais qui sont à des emplacements stratégiques« . Comment les débusquer ? L’emplacement, l’emplacement et l’emplacement serait définitivement la clef pour dénicher la bonne affaire !
Manifestement, à La Réunion, ces perles rares ne se trouvent quasiment que par le bouche à oreille et non pas sur des plaquettes rutilantes. Une astuce ? « Tout cela se vend très vite. On peut ainsi parler de la zone de l’Hermitage ou du front de mer de Saint-Paul, tout comme Saint-Leu ou spéculer sur des développements comme le front de mer de Saint-Denis par exemple. Il faut guetter les biens qui peuvent revenir sur le marché, un investisseur n’ayant pas eu son prêt par exemple ».
Et il est vrai que certains quartiers prendront mécaniquement de la valeur au gré de leur modernisation et aménagements. Pour certains endroits, il s’agit de véritables coups de poker, des anticipations qui parfois peuvent s’avérer fragiles ou gagnantes suite à des décisions politiques. Avoir « un oeil intéressé » sur le marché est donc primordial. « Le prix de l’immobilier est appelé à monter et, bien situé, le prix ne pourra que croître sur des durées de 10 à 20 ans… Ceux qui ont joué la route des Tamarins par exemple n’ont pas été déçus ».
L’expert comptable extrapole un peu plus sur le marché de l’immobilier réunionnais: « Nous avons des clients non-initiés au marché de l’immobilier qui paient de plus en plus d’impôts. Sur l’Outre-mer, le non-initié au marché repartira de notre bureau avec le conseil de payer ses impôts plutôt que de faire une défiscalisation immobilière risquée.
Nous leur conseillons également le marché de l’occasion : la piste des studios étudiants en locatif est particulièrement intéressante par exemple, des endroits très prisés avec des parents caution. Le risque d’impayés du locataire est faible.
Pour nos clients initiés au marché, qui paient également beaucoup d’impôts, nous échangeons et jouons notre rôle de conseil. C’est leur ressenti qui va primer.
Enfin nous avons des chefs d’entreprise qui partent sur un investissement en Girardin. Il s’agit d’écraser les résultats dans une société commerciale classique afin de réduire l’impôt sur les sociétés. On peut alors envisager d’acheter un bien et de le mettre en location, ce dernier restera dans la société, sur l’endettement de la structure. Le taux d’endettement de la société sera impacté : rien n’est magique et toutes les solutions ont des contreparties. Car quand le dirigeant va prendre sa retraite, il va devoir faire la mutation du bien et sera alors assujéti à l’impôt sur les plus-values. »
« Nous nous inscrivons sur la durée«
De façon très pragmatique, le président du CROEC conclut : « notre rôle est de nous poser les bonnes questions avec notre client et d’avoir ensemble des éléments de réponse. Un commercial en défiscalisation fait une vente et puis s’en va. Un expert comptable reste et devra voir avec son client si le coût fiscal était optimal. Nous nous inscrivons sur la durée, jusqu’au dénouement d’une transaction immobilière et nous rendons des comptes…«
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