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David Gruson : Chef d’orchestre d’un CHU contraint à la rationalisation de ses dépenses

Âgé de seulement 32 ans, David Gruson est le tout nouveau directeur du Centre hospitalier universitaire de la Réunion. Il a la lourde charge de poursuivre les engagements pris par son prédécesseur dans la poursuite de fusion "multi-dimensionnelle" des hôpitaux Félix Guyon et de Saint-Pierre dans un cadre financier dont le maître-mot reste la "rationalisation" des dépenses de fonctionnement. Avec 5.800 agents sous sa coupe, le défi est de taille, sans compter sur la croissance démographique locale qui oblige le CHU à une guerre de mouvement, en prévision du boom de la dépendance. Les investissements sur la période 2012-2016 ne manquent pas. Il évoque pour Zinfos toutes ces perspectives.

Ecrit par zinfos974 – le mardi 15 mai 2012 à 17H03

Zinfos : Avez-vous rencontré les représentants du personnel depuis votre récente prise de fonction ?
-David Gruson : Oui, ça fait partie des premiers contacts que j’ai pris depuis mon arrivée. J’ai rencontré les organisations représentatives du personnel mais je souhaite avoir aussi en parallèle des échanges directs avec le personnel, donc je me déplace dans les services. Je les visite tous un par un, j’y consacre du temps mais c’est normal parce que c’est comme cela que l’on découvre les enjeux de ce CHU, auprès des personnels, au plus près de leur activité.

Voulez-vous vous inscrire dans la continuité de votre prédécesseur ?
-il y a déjà un défi qui est je pense magnifique, c’est celui de faire vivre ce CHU. Je dois rendre hommage au travail effectué par Michel Calmon et Chantal de Singly, directrice de l’ARS et aussi à toutes les équipes médicales, soignantes, administratives, techniques du CHU qui ont su porter ce projet avec des étapes qui, a priori, n’étaient pas forcément évidentes. Je pense à la question de la fusion. C’est un événement historique à la fois au niveau national et pour l’offre de soins réunionnaise. C’est pas tous les jours que l’on crée un CHU, ça faisait 25 ans que ça n’était pas arrivé. Et on réunit un établissement qui est tout à fait significatif au niveau national puisque c’est le 15e en termes d’activités. 15e sur 30 CHU donc c’est tout à fait significatif.

Les résultats sont déjà là, visibles puisqu’on a la chance en 2012 d’avoir nos quatre premiers professeurs des universités – praticiens hospitaliers (PU-PH) qui sont dans nos murs. Là aussi c’est quelque chose de très singulier au niveau national : on crée des postes de PU-PH et puis on aura en septembre la troisième année de médecine à Saint-Pierre, sans compter les investissements. D’ailleurs, on espère avoir d’autres professeurs qui vont nous rejoindre au cours des prochains mois

Il est beaucoup question de rationalisation dans vos premiers échanges. Un CHU n’échappe pas à la règle ?
-Les résultats sont palpables, il faut maintenant les soutenir dans la durée, maintenir ce CHU à l’équilibre financier, ce qui ne sera pas simple dans un contexte économique incertain. Mais je vois au contact des personnels qu’il y a de la motivation, que ce CHU est devenu un objet de fierté. A mon sens c’est un impératif positif qui est celui de la performance. La performance je la définis dans ses trois composantes, définition avec laquelle on a échangé avec les représentants de personnels. La première c’est l’amélioration de la qualité des soins pour les patients, la deuxième c’est l’amélioration de la qualité de travail pour les personnels, et puis la troisième c’est effectivement l’amélioration de l’efficience de la gestion.

On a un devoir collectif qui est celui de maîtriser nos dépenses de fonctionnement. Nous devons faire en sorte qu’on maintienne l’équilibre financier parce que c’est la condition qui nous permettra de continuer à soutenir des projets de développement au cours des prochaines années. Il faut avoir à l’idée que la situation financière excédentaire est le produit à la fois d’un effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement, qui va continuer, puis une progression de l’activité de la communauté médicale.

Vous avez récupéré le bébé avec un budget excédentaire, déficitaire ?
-Nous avons un budget qui est de 573 millions d’euros qui a affiché en fin de gestion 2011 un excédent de 5,3 millions d’euros. Ce que je veux dire c’est que cette situation, qui est évidemment satisfaisante quand on regarde la situation des autres CHU, il faudra la voir aussi en prospective pour pouvoir la maintenir au cours des prochaines années. Cette situation positive, elle repose sur deux conditions : la première c’est l’efficience de gestion mais la deuxième est tout aussi importante, c’est de poursuivre le développement de l’activité. Nous sommes dans un régime dans lequel les hôpitaux sont en majorité financés en fonction de leur activité et on y arrive grâce au travail des professionnels du CHU. Pour vous prendre un seul indicateur, vous avez le compartiment MCO « médecine chirurgie obstétrique » qui a vu son activité progresser de 5,6% en 2011, ce qui là aussi est tout à fait original au niveau national. C’est le reflet des besoins de santé croissants de la population réunionnaise.

N’est-ce pas contradictoire d’être tenu à une activité soutenue et donc de concentration type CHU pour obtenir des crédits alors que la médecine dite de proximité a été la vision partagée des deux finalistes à la présidentielle ?
-Il faut que les gens sachent que dans ce souci de proximité, on est déjà allé dans cette démarche avec l’implantation d’une maison médicale de garde à proximité des urgences de Saint-Pierre. Et que vos lecteurs aient en tête qu’au-delà de ces deux sites principaux de Félix Guyon et de Saint-Pierre, il y a aussi des sites présents à Cilaos, à Saint-Louis, au Tampon, à Saint-Joseph, dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées et dans les soins de rééducation là aussi de haut niveau. Donc le CHU couvre déjà une bonne partie du territoire réunionnais.

Notre projet avec la communauté médicale, c’est d’aller encore plus loin dans le dialogue avec les autres offres de soins, que ça soit le partenariat avec les autres structures hospitalières ou que ça soit le partenariat avec la médecine de ville. On ne peut plus concevoir aujourd’hui de manière cloisonnée l’hôpital et la ville. D’ailleurs, l’une des réformes importantes de ces dernières années a été la création des agences régionales de santé. C’est l’un des axes forts du projet régional de santé océan Indien que de mettre en oeuvre des projets transversaux permettant plus de fluidité des parcours entre la prise en charge en ville et la prise en charge en hôpital.

Quels sont les investissements majeurs pour le plan 2012-2016 ?
-L’agenda immédiat c’est la mise en service du pôle femme-mère-enfant de Saint-Pierre qui sera une des principales maternités au niveau national et je peux d’ores et déjà vous dire que les premiers jours d’activité du PFME sont extrêmement soutenus. Et puis il y a les investissements que l’on porte pour les prochaines années. En fait il y a deux investissements qui sont très structurants. Il y a ce qu’on appelle le bâtiment de soins critiques de Saint-Denis et la requalification et l’extension du bâtiment principal de Saint-Pierre puisqu’aujourd’hui il y a, dans certains services, des conditions de prise en charge qui ne sont pas satisfaisantes avec des standards du passé. Comme par exemple des chambres de 18m2 à trois lits. Il suffit de voir ce que nous avons fait au pôle femme-mère-enfant en terme de qualité hôtelière avec 98% de chambres à un lit. Il faut maintenant que l’on poursuive cet effort sur les autres bâtiments de Saint-Pierre.

 

Les crédits alloués au CHU sont fonction de l’activité de celui-ci. Devrez-vous vous battre dès le mois d’octobre pour obtenir davantage de crédits dans le cadre du budget 2013 ?
-Oui, dans notre cycle budgétaire on est en phase de finalisation de ce que l’on appelle l’état prévisionnel des recettes et des dépenses (l’EPRD) 2012 qui sera présenté  à nos prochaines instances de la fin du mois de mai, début du mois de juin. On y présentera les grands indicateurs financiers pour la gestion 2012. A cet EPRD s’ajoute un programme pluri-annuel d’investissements.

Nous sommes à Saint-Paul, dans les anciens locaux de l’hôpital psychiatrique. Pouvez-vous dire un mot sur le projet de Pôle Sanitaire Ouest ?
-Sur ce projet en lui-même, ce n’est pas au directeur du CHU de le commenter, ce que je veux juste vous dire c’est que j’entends me situer avec les partenaires hospitaliers de Saint-Paul, celui de Gabriel Martin et de l’EPSMR, dans une logique de partenariat étroit qui, en réalité, est déjà effectif dans les filières de prise en charge des patients qu’il faudra probablement renforcer. Il faut qu’on fasse progresser ensemble l’offre de soins à la Réunion.

Pouvez-vous éclaircir vos agents de ce que contient le « projet social » du CHU ?
-C’est un des documents stratégiques obligatoires dont doivent se doter les hôpitaux. Nous, ce qu’on a voulu c’est qu’il soit pensé dans la logique de fusion Nord et Sud. Il y a donc un protocole qui a été signé très très largement par les organisations représentatives du personnel et qui inscrit un certain nombre d’engagements souscrits par mon prédécesseur mais dans la continuité desquels j’entends me situer avec deux principes clés : le premier auquel sont très attachés les représentants du personnel, c’est la mise en oeuvre d’un plan de stagiérisation des personnels contractuels pouvant justifier de deux années de service effectif qui sera mené sur quatre ans et qui est déjà engagé de manière significative. L’autre engagement qui a été pris, c’était de lancer un travail d’harmonisation des pratiques de ressources humaines au Nord et au Sud. On mettra un comité de suivi de ce protocole social qui se réunira au moins trois fois par an pour s’assurer que les engagements pris soient bien mis en pratique et je ne doute pas de la vigilance des représentants du personnel à la mise en oeuvre de ces engagements.

Toujours dans cette logique de rationalisation, un mot sur le contrat de performance ?
-Ce n’est pas une démarche obligatoire mais c’est une démarche nécessaire. L’Agence de santé de l’océan Indien et l’Agence nationale d’appui à la performance hospitalière ont appelé à candidatures un certain  nombre d’établissements qui souhaitaient porter une démarche de performance, c’est ce qu’a fait le CHU de la Réunion et donc il a été retenu sur la période 2011-2013. Mais évidemment, ce n’est pas parce que le projet de performance a une périodicité définie que la démarche de performance elle-même doit s’interrompre à la fin de la période. Et d’ailleurs, dans cette logique, on aura une échéance importante à la fin de ce mois de mai qui est la visite de certification par la Haute autorité de santé qui est chargée d’évaluer la qualité de prise en charge des patients.

Un mot sur vous. Vous êtes jeune et pourtant avec une carrière déjà bien remplie.
– Oui, après des études de droit et à science po en fait j’ai commencé jeune dans le secteur hospitalier à l’assistance publique de Paris. J’étais directeur adjoint de l’hôpital Bicêtre. Je me suis occupé des ressources humaines puis après des relations juridiques et financières. Puis j’ai dirigé l’établissement de gériatrie de Bicêtre. Après, je suis resté dans le secteur santé-médico-social mais par le prisme de l’évaluation à la Cour des Comptes où je suivais notamment le secteur de la dépendance. Puis à Matignon où j’étais conseiller, chargé de la santé des personnes âgées et du handicap. Enfin, j’avais le souhait de revenir sur des fonctions managériales et cette opportunité qui s’est présentée a touché une corde familiale sensible puisque ma femme est réunionnaise. C’est la douzième fois que je viens ici. Et je trouve que la Réunion c’est un endroit et des gens qui sont extrêmement attachants. Il y a en plus un projet magnifique pour la Réunion dans ce CHU. Arriver à faire vivre ensemble ceux qui n’y étaient pas forcément habitués jusqu’ici, vous voyez c’est un peu un projet réunionnais.

 

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