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Cyclones, pré-cyclones, catastrophes… Gramoune la dit…

Un météore d’une force impressionnante vient sur nous. Il convient de s’y préparer ; radios et télévisions n’en finissent plus de nous mettre en garde : elles ont bien raison. Mais on ne fait pas toujours ce que l’on veut, surtout quand on ne sait pas. L’exemple le plus frappant est celui de Jenny, premier […]

Ecrit par Jules Bénard – le lundi 15 janvier 2018 à 18H11

Un météore d’une force impressionnante vient sur nous. Il convient de s’y préparer ; radios et télévisions n’en finissent plus de nous mettre en garde : elles ont bien raison.

Mais on ne fait pas toujours ce que l’on veut, surtout quand on ne sait pas. L’exemple le plus frappant est celui de Jenny, premier cyclone à avoir eu l’honneur de porter un nom : 37 morts et disparus, et plus de 150 blessés.

Parce que le préfet Perreau-Pradier a refusé de mettre la population en garde ! On aurait dû le fusiller (au minimum) pour une inconséquence aussi coupable ! Avant de le noyer après l’avoir empoisonné à coups de marteau.

« Allons donc, mon cher Malik ! »

Tôt en ce matin du 28 février 1962, une scène, qui serait du plus haut comique si ce n’était aussi tragique, se déroule sur le perron de la Préfecture sous les yeux médusés des passants. Un petit homme  » codindé « , rouge, veines du cou gonflées, au bord de l’apoplexie, engueule fort le préfet Perreau-Pradier, autrement surnommé  » Divan-le-Terrible « .

Le préfet manque s’étouffer, est plus en plus plié en quatre devant ce que lui dit entre deux étranglements de rage son vis-à-vis, le célèbre et compétent Malik, directeur de la météo. M. Malik affirme qu’un violent cyclone se dirige plein pot sur La Réunion.

Avec son intelligence de balai, Perreau-Pradier ne croit que ce que ses yeux lui montrent : ciel bleu, pas un nuage même arachnéen, aucun vent, mer plate.

 » Allons donc, mon cher Malik… « 

 

Le  » cher Malik  » a beau dire que toutes les observations expédiées par les stations des Îles Éparses le confirment, le préfet ne veut rien savoir.

L’alerte n’est donc pas déclenchée.

Un vent chaud très soudain !

Et quand elle le sera, il est trop tard. De très nombreuses embarcations sont en mer… forcément puisqu’il n’y avait pas la plus petite vaguelette pour alerter les pêcheurs. Toutes les entreprises sont au travail. Heureusement que les écoles ne doivent ouvrir que dans deux jours.

 

 

Mes frères Michel, Alain et moi terminions nos vacances à  » Village  » (Étang-Salé-les-Bains), le ventre noué par la prochaine rentrée. Vers 12h30, nous revenions d’une petite partie de braconnage aux randiks dans le lagon. Il faisait beau. Quand un vent chaud se mit à souffler. Le vent chaud, chez nous, a toujours été annonciateur de cyclone proche. Michel me fit remarquer, et cela restera à jamais gravé en mon esprit, que notre mère faisait une drôle de tête :

 » Koça l’arrive maman ?  »

Justy, d’une extrême sensitivité, l’avait su avant tout le monde.

Peu après, il a suffi à Jenny de deux heures pour raser La Réunion.

Jenny, avançant,  » courant  » à 35 km/h, du Nord-Est au Sud-Ouest, détruisit tout ce qui pousse, cannes, fruits, légumes. Mais, bien pire, fit 37 mort et 150 blessés graves ; détruisit 4.000 maisons ; et mit 13.000 personnes à la rue. Presque aucun des pêcheurs sortis en mer ne rentra !

Quand le dis qu’il faudrait ressusciter le Perreau-Pradier pour le torturer !

Jenny, modeste dépression deux jours avant

De l’église de Champ-Borne, datant de 1835, il ne reste que les ruines désolantes qu’on peut encore voir aujourd’hui. Comme toutes les paillotes alentour, elle a été balayée (et toute la région Est) par une lame de fond jaillit elle aussi sans prévenir du fin fond de l’enfer sans avertissement préalable.

L’ancien pylône du Barachois a été balayé comme fétu de fataque par des vents estimés à près de 300 tickets à ce moment-là. Par ce qui n’était à l’origine qu’une modeste dépression s’étant formée le 25, 2 jours avant, aux alentours de Diégo Garcia.

Si le préfet est certes coupable de ne pas avoir écouté le colérique mais compétent Malik, il faut savoir que les signes avant-coureurs des cyclones, signes que les anciens connaissent de toute éternité, ne se sont non plus et à aucun moment manifestés.

Les colonies de fourmis transportant leurs oeufs à l’abri, les poules se terrant dans leurs poulaillers, les chiens hurlant à la mort, les nuages tourbillonnant follement, les vagues de plus en plus désordonnées, de tout ceci il n’y eut rien.

Même le vent chaud de Justy, qui vient ordinairement des heures à l’avance, ne s’est manifesté que lorsque Jenny nous tombait sur le coin de la figure.

Pourquoi supprimer le  » canal  » ?

Fourmis, oiseaux camouflés, vagues… tous ces signes ont toujours permis aux Réunionnais, chapitrés par les soins de leurs gramounes, de se préparer au pire : galets sur les tôles du toit, vieux gonis enfournés sous les portes, fenêtres  » garanties  » avec planches  » cloutées « , volailles  » serrées  » dans la cuisine, provisions de pétrole po la lampe-bobèche, quelques kilos de pommes-de-terre, bougies, allumettes, une cuillèrée de riz dans la calebasse gros sel… (contre l’humidité envahissante, voyons !)

 

 

Mais toutes ces précautions ne valent pas un pêt de tangue si les autorités n’y mettent pas du leur non plus.

Alors même qu’aucun cyclone ne nous a encore touchés en 2018, les chemins se transforment en ravines. Voilà une catastrophe que nous ne connaissions pas autrefois : il y avait des caniveaux pour canaliser les inondations. Ah oui ! chez nous ont dit  » canal  » pour caniveau.

Puis sont arrivés de jeunes ingénieurs té qui sorte déyèr soleil daoir et se croyaient plus malins que nos Anciens. Ils ont partout supprimé les caniveaux sous le fumeux prétexte que c’est dangereux pour les voitures. Ce à quoi Jacques Lougnon leur avait répliqué que les voitures sont faites pour aller sur la route, pas dans le caniveau. Le Vieux Tangue avait mille fois raison mais il n’a fait que souffler dans une contrebasse : personne ne l’a écouté.

Quand les eaux n’ont plus trouvé de canal, elles sont allées n’importe où. Total, lors du passage de Hyacinthe, le Boulevard Banks de Saint-Pierre s’est décossé comme peau de mandarine. Et un mur, aujourd’hui, s’abat sur la chambre d’un ado.

La Mercedes fantôme de Firinga

Cela ne va pas mieux quand les ingénieurs se mêlent de fabriquer des machins appelés  » ponts  » mieux que nos vieux gramounes. Le tout beau, tout neuf pont de la rivière Saint-Etienne s’est écroulé selon la théorie joyeuse des dominos en 2007 ; alors que le vieux pont, juste à côté, n’a pas frémi d’un sourcil. D’ailleurs, il fait toujours le doigt d’honneur à son jeune collègue refait à coups de centaines de millions !

Quelques petits renseignements pour combler votre curiosité…

Le cyclone de 1932, venu de l’île Sainte-Marie toute proche, fit 100 morts.

Firinga, entre les 28 et 30 janvier 1989, dévasta l’île du Nord-Est au Sud-Ouest. Pendant son passage, assis sur le pas de ma porte aux Casernes, j’admirais le vol… des très beaux toits verts et bleus, que l’on avait fortifié avec des pointes ridicules. Auparavant, les toits se consolidaient avec tenons et mortaises selon les techniques des anciens charpentiers de marine. Là encore, zot’ i prend gramoune po d’couillons ! On a pu voir une Mercedes se barrer toute seule dans un champ de cannes à Bassin Plat, là où aucune crue n’avait eu lieu depuis 30 ans. La bagnole, jamais retrouvée, doit sans doute servir de casier (de luxe) à langoustes au large de la rivière d’Abord ? Mais  » ils  » ont reconstruit au même endroit. Après ça, i di à ou Bon Dié lé méchant !

Firinga a aussi dévasté l’ancien port de Saint-Pierre, ce qui nous vaut le magnifique nouveau port voulu et réalisé par Elie Hoarau.

Mais les vieilles jetées construites par des esclaves ont tenu bon. Tandis qu’à Saint-Denis, là où il y eut 5 ports, il n’y a plus pépette. A cause des houles croisées entre la Pointe-des-Jardins et la Grande-Chaloupe. Mais les leçons de  l’histoire ne sont jamais prises en compte par les imbéciles !

1948,  » le  » cyclone

De mémoire d’homme, et même d’historien, le plus dévastateur restera celui de 1948, les 26/27 janvier. Plus de 165 morts et des dégâts par millions, des milliers de cases abattues sinon transportées, des milliers de sans-abri, les cultures détruites à 100 %… et une tôle guillotinant une jeune fille à Trois-Bassins !!!!!

Le magasin de mon grand-père à La Rivière y est resté, y laissant toutes ses marchandises. Je m’en souviens très bien : je suis né 6 mois plus tard.

Les mauvais esprits y voient une relation de cause à effet, une catastrophe n’arrivant jamais seul.

 

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