Dès le départ, CGPER, FDSEA, JA et l’UPNA, les syndicats ont décidé d’unir leurs forces pour mener à bien leur combat, celui de la revalorisation du revenu des planteurs.
Un boxeur ça boxe, un planteur, ça plante
Voyant les échanges autour de la convention s’enliser, l’intersyndicale agricole de La Réunion a organisé une première “parade” le 14 juin, une marche noire qui marquera le début du mouvement des planteurs dans le chef-lieu. Les planteurs indiquent alors qu’ils auraient préféré être dans leur champ, à couper la canne plutôt que dans les rues à crier leur mécontentement, mais que “si y fo batay, nou va batay”.
A l’issue d’une énième réunion quelques jours plus tard au Centre technique interprofessionnel de la canne et du sucre (CTICS), les planteurs insatisfaits annoncent des actions à venir pour faire pression sur les industriels.
Les batailles pour la convention canne 2022-2027 qui suivent se jouent désormais à la préfecture où un arbitrage des réunions est demandé au préfet.
Sur la musique du générique de Rocky, Dominique Clain pour l’UPNA, Dominique Gigan pour la FDSEA, Guillaume Sellier pour les Jeunes Agriculteurs, Michel Moutama pour la CGPER et Pierre Emmanuel Thonon, coprésident du Comité paritaire interprofessionnel de la canne à Sucre, soutenus par les planteurs mobilisés dans le square Labourdonnais, montent sur le ring des négociations le mercredi 22 juin et ressortent rassurés par l’accompagnement de l’Etat. Le lendemain, une action est menée à Albioma. L’industriel se dit ouvert à la discussion, un bon point pour les syndicats qui soulignent le mutisme de la filiale Océan Indien du groupe coopératif sucrier : “Tereos est toujours sourd et muet”, déclare la FDSEA.
Le match reprend en préfecture le lundi suivant et le générique de Rocky retentira encore de nombreuses fois les jours suivants, marquant l’enchaînement d’entrées et de sorties de l’intersyndical de la préfecture. Des réunions rythmées par des opérations coup de poing à l’extérieur, sans qu’un accord ne soit trouvé.
Au fil des rencontres, les syndicats obtiennent tout de même des avancées majeures : une revalorisation de la bagasse et une augmentation de la recette mélasse, sous la contrainte d’un contrat de performance ainsi qu’une aide financière supplémentaire de l’Etat pour soutenir la filière.
De son côté Tereos ne lâche rien, réclamant un filet de sécurité gouvernemental avant de garantir un prix d’achat de la canne aux planteurs.
L’arrivée du ministre délégué des Outre-mer à la table des négociations, le 8 juillet, fait espérer une issue favorable aux planteurs mais après de longues heures de pourparlers, l’intersyndical agricole de La Réunion encaisse un nouveau coup dur : « Ils [Tereos] ont eu la garantie de la rémunération de leurs actionnaires à hauteur de 4,5%. Et au-delà de leur seuil, on pensera à nous ! Mais nous, on apporte la matière première ! On doit être rémunéré avant ! “, déplore Jean-Michel Moutama, président de la CGPER à la sortie.
Les représentants des planteurs se disent déçus voire découragés : « Tereos arrive même à faire plier l’Etat !« , a lancé le président des Jeunes Agriculteurs. Pas question non plus de baisser les bras, la mobilisation continue et les planteurs contre-attaquent avec de nouvelles propositions le lendemain… pour citer Rocky Balboa lui-même : “C’est pas fini tant que la cloche n’a pas sonné !” »
Une contre-proposition a été déposée par l’intersyndicale le lendemain du passage du ministre. Les syndicats étaient légèrement plus optimistes après cette nouvelle rencontre avec les conseillers du ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer.
Après du repos dimanche et lundi, la journée de mardi a connu de nombreux rebondissements. L’intersyndicale s’attendait à être reçu à la préfecture dans la journée mais n’avait aucune nouvelle ce matin-là. Les agriculteurs avaient menacé de mener des opérations coups de poing et les dockers avaient même annoncé leur intention de rejoindre le mouvement dans les jours suivants.
Le soulagement est venu ce mardi lorsque l’industriel a finalement mis plusieurs millions d’euros sur la table. Les syndicats ont annoncé la bonne nouvelle à la sortie de l’ultime réunion en préfecture. La fête a commencé ce soir-là et a continué mercredi après la signature officielle de la convention canne. Mercredi après-midi, le ministre, les syndicats, les industriels se sont tous rassemblés autour du ring des négociations et se sont serrés la main au terme d’un combat épique.