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Crise à Madagascar : Une réalité passée sous silence

Voilà six mois que les émeutes à Madagascar ont eu lieu... Quand les villes ne sont pas à feu et à sang, on a tendance à oublier que la crise n'est pour autant pas terminée. Une ancienne ministre de la Grande Ile, Elyett Rasendratsirofo, a souhaité profiter de sa présence à la Réunion pour dire aux Réunionnais qu'à quelques kilomètres de chez eux, à Madagascar, la situation n'a jamais été aussi dramatique depuis l'indépendance du pays en 1960.

Ecrit par Melanie Roddier – le mardi 16 février 2010 à 14H55

« Ni un tsunami, ni un cyclone, pas même un tremblement de terre n’auraient pu saccager aussi rapidement une île comme celle de Madagascar« . Elyett Rasendratsirofo cherche ses mots car aucun ne lui semble assez fort pour décrire une réalité aussi tragique que celle dans laquelle se trouve son pays.

Cette « citoyenne engagée », historienne de formation, se bat dans les domaines politique et civique, depuis plus de 30 ans. Elle s’est toujours refusée à faire carrière dans la politique pour garder sa liberté d’expression et d’action. Jamais membre d’aucun parti, Elyett Rasendratsirofo a toujours limité dans le temps ses incursions dans le cercle politique, comme ce fut le cas pour ses fonctions de ministre du tourisme qu’elle a tenu entre 1996 et 1997.

Depuis avril 2009, elle a accepté de faire partie du gouvernement légaliste comme ministre des affaires étrangères, ce qui lui a valu de devoir quitter son pays pour échapper à l’emprisonnement après plusieurs mois de clandestinité. Sa présence à la Réunion lui permet de poursuivre son combat au service de Madagascar. Et si elle ne s’était pas exprimée jusque-là, c’est parce qu’elle était tenue à un devoir de réserve en tant que membre de la délégation présente à Maputo, en août dernier.

Pour ce combat, Elyett Rasendratisirofo est persuadée que l’arme la plus puissante, si elle est bien utilisée, est celle de l’information. « Je souhaite profiter de ma présence à la Réunion pour informer les Réunionnais et Réunionnaises du drame humain qui existe chez leurs voisins malgaches », explique-t-elle.

Paralysie de la vie économique et sociale

Dans les rues malgaches, la famine fait son apparition. La pauvreté s’est transmise à une grande partie de la population active, et chaque semaine, des entreprises mettent la clé sous la porte et des salariés sont licenciés.

Production rizicole, secteurs agricoles ou encore filière laitière sont sinistrés. Du coup, les prix flambent. Pour exemple, les quatre yaourts d’une coopérative française coûtent 11.000 ariary, soit un peu plus de 4 euros. Voilà une anecdote qui a marqué Elyett Rasendratsirofo, qui souligne que cette somme correspond à un pourcentage important du SMIC malgache. Les produits à base de lait finissent par n’être consommés que par les étrangers.

Prise dans un cercle vicieux, la Grande Ile voit des secteurs majeurs de son développement être paralysés à l’instar du textile. La perte du marché des Etats-Unis pour les produits textiles est liée à l’exclusion de Madagascar de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act, une loi américaine pour soutenir le développement économique en Afrique), du fait du coup d’État. Au total, 100.000 emplois directs et 400.000 emplois indirects ont disparu.

Les valeurs fondamentales ont été attaquées

De ces désastres découlent d’innombrables dangers comme la difficulté d’accéder aux soins médicaux, l’interruption de la scolarité d’enfants sans ressources, autant alimentaires que financières, ou encore le développement d’actes de désespoir comme l’alcoolisme, l’usage de stupéfiants et la prostitution.

Pour Elyett Rasendratsirofo, plus grave encore, la perte de certaines valeurs traditionnelles qui sont le moteur d’un développement durable. « La haine a pris la place de notre précieux ‘fihavanana’ qui empêchait de se considérer, même en cas de conflit, comme des ennemis. Le respect des ‘raiamandreny’ a volé en éclat! Il s’agit de personnes que l’on considère dignes de respect et d’affection et récemment, de nombreuses personnes laïques et religieuses ont été victimes de violences verbales et physiques », informe la ministre.

Les interrogations suscitées par la venue d’Alain Joyandet

La situation dramatique mérite donc, pour cette citoyenne engagée, d’être connue de tous, ce qui l’amène à évoquer la position de la France dans cette affaire… Elyett Rasendratsirofo regrette et condamne le soutien, de moins en moins caché, de la France à Andry Rajoelina, auteur du Coup d’État. Soutien qui ne ferait que favoriser une prolongation de la crise actuelle selon ses termes. Et la venue prochaine d’Alain Joyandet, secrétaire d’État français à la Coopération, ne fait que susciter de nouvelles interrogations…

En vidéo, Elyett Rasendratsirofo retrace les grandes lignes de son parcours.

 

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