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Covid: La 3e vague est là, elle est psychologique (partie 1)

Mercredi, Olivier Véran a indiqué que le gouvernement voulait éviter une troisième vague: celle de la santé mentale. Pourtant, de nombreux professionnels n’ont pas attendu les propos du ministre de la Santé pour en ressentir les effets. Depuis le début de la crise sanitaire, ils reconnaissent tous avoir une hausse d’activité. Entre hausse des états dépressifs, de l’anxiété ou des comportements addictifs, la troisième vague n’est pas attendue, elle est déjà là.

Ecrit par zinfos974 – le jeudi 19 novembre 2020 à 10H13

« Nous voulons éviter une troisième vague, qui serait une vague de la santé mentale pour les jeunes et pour les moins jeunes », a déclaré le ministre de la Santé lors de la visite d’une plateforme d’écoute à Paris le 18 novembre. De son côté, le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, a souligné « une augmentation importante des états dépressifs » qui a doublé entre septembre et novembre.

Mais pour les psychologues de La Réunion, cette 3e vague n’est pas à attendre, cela fait déjà plusieurs mois qu’ils constatent une hausse de leur activité.

Les premiers signes

Bélall Rojoa, psychologue au service addictologie du CHU, détaille les premiers signes d’une perturbation psychologique. Le premier concerne les troubles du sommeil. Entre insomnie et rythme décalé, ces troubles sont un précieux indicateur de son état mental. 

Le deuxième signe est à regarder au niveau de l’appétit, un repère important de sa qualité de vie. Le troisième symptôme porte sur sa relation à l’autre. Se couper de son cercle social ou familial est indicateur à prendre en compte.
 
« C’est comme un tableau de bord, il faut faire attention si ces lumières s’affichent », souligne Bélall Rojoa.

Une hausse des comportements addictifs

« Au niveau des chiffres, c’est difficile de pouvoir certifier que nous avons une hausse. Mais au niveau de l’activité, c’est clairement ressenti. Cela va se confirmer dans le bilan 2020 », assure Bélall Rojoa. Il précise toutefois qu’il faut garder une grande prudence sur les chiffres qui paraîtront, puisque ceux-ci prendront seulement en compte les consultations physiques et non les appels téléphoniques.

Lors du déconfinement, les psychologues ont dû faire face au rattrapage des ruptures de soins durant ces deux mois. Une charge de travail accentuée par des demandes de nouveaux patients aux nouveaux profils. Ainsi, le contexte anxiogène a favorisé le stress, les troubles du sommeil, les changements de rythme, les tracas économiques et la peur de la contamination pour soi ou ses proches. Depuis, de nombreuses personnes ont peur de sortir de chez eux et d’autres angoissent à l’idée d’un nouveau confinement. 

Toutes ces formes d’anxiété peuvent conduire souvent à des troubles du comportement (TOC), des troubles ou des pathologies psychiatriques ou encore des conséquences sur le plan des addictions. En conséquence, de nombreuses personnes ont replongé dans leurs addictions quand d’autres sont tombées dedans. Face au manque de certitudes, beaucoup de personnes restent branchées sur les chaînes d’informations ou sur internet, « un facteur anxiogène qui cultive cette anxiété », pour Bélall Rojoa. Cette hausse de nouveaux patients provoque donc un problème d’accès au soin.

« Toute la gestion crise est difficile à faire ressortir. Une analyse qualitative des différents professionnels de santé permettrait d’illustrer cette crise », précise le spécialiste. Pour lui, un autre constat est à dresser sur ces derniers mois: une demande constante de suivi psychologique à laquelle les professionnels répondent en fonction de l’urgence, de l’évolution clinique et des moyens en temps psychologue.

Angoisse et stress touchent aussi les infirmiers

Si le confinement a été plus difficile à vivre pour les classes populaires vivant dans des logements plus petits, le stress généré depuis ne fait aucune distinction sociale. Elsa Checkouri, psychologue spécialiste du travail, constate également une augmentation des demandes de soins depuis le déconfinement. Si tous les salariés craignent pour leur emploi, « ce côté incertain dans le monde du travail se fait même plus ressentir chez les chefs d’entreprises. Les employeurs se sentent dépassés, notamment pour faire respecter les gestes barrières », indique-t-elle.

Tous ses patients se plaignent d’angoisse et de stress, à tout cela s’ajoute la peur de contracter la maladie. La peur d’un reconfinement est également source d’inquiétude. « Ce côté incertain sur l’avenir est un sujet récurent chez les patients », souligne la psychologue. Elle aussi met en garde contre les dangers de la surinformation. « Aujourd’hui, beaucoup de personnes se remettent en question et pensent à changer de vie, notamment chez les infirmiers », révèle-t-elle.

Les enfants plus résilients, mais sous l’influence de leurs parents

Souvent au coeur de l’actualité pour leur rôle dans la propagation supposée du virus et le questionnement autour de la réouverture des établissements scolaires, l’impact psychologique sur les enfants s’est rarement invité au coeur des débats.

Au Centre médico-psycho-pédagogique de l’IMS Charles Isautier (CMPP) de Saint-Louis, structure qui accompagne les enfants avec des troubles d’apprentissage, la continuité des soins est assurée par les psychologues. « Nous avons mis en place des consultations par téléphone ou en visio. Les familles exprimaient un besoin de continuité des soins. Cela a été une vraie découverte pour nous », indique Larissa Athon, psychologue au CMPP. Selon elle, les enfants « stressés par le virus l’étaient par rapport au stress des parents ». 

Durant le confinement, la psychologue souligne que « beaucoup d’enfants étaient contents de ne pas aller à l’école pour passer du temps avec leur famille. Les liens familiaux s’en sont retrouvés chamboulés ou renforcés. L’autre problème a concerné les devoirs à la maison, car les parents, n’étant pas professeurs, avaient du mal à gérer ». Elle signale toutefois que la majorité d’entre eux était content de retourner à l’école pour voir leurs camarades. 

Concernant la peur du virus, Larissa Athon explique que seuls les plus anxieux avant la crise ont été angoissés par le retour en classe, les autres ayant plutôt bien géré la situation. Selon elle, c’est principalement la peur communiquée par les parents qui se répercute sur les enfants.

Néanmoins, la psychologue affirme que les changements durant la crise ont réussi à développer de nouvelles modalités de prise en charge. Les consultations téléphoniques ont permis à certains parents, pour qui se rendre chez le psychologue était une démarche difficile, de se saisir de cet espace pour créer un lien avec les thérapeutes. Néanmoins, quelques familles se sont volatilisées dans la nature pendant cette période.

Larissa Athon conclut que les enfants s’adaptent plus facilement que leurs parents. Mais cela reste plus difficile lorsque ces derniers sont très anxieux plutôt que mesurés face à la situation.

La gestion de la crise par le Gouvernement à l’origine du stress

« Les peurs liées au virus sont minoritaires, c’est plus la manière dont la situation a été gérée qui est facteur de stress », annonce d’entrée Joséphine Syren, psychologue qui officie entre La Réunion et Mayotte. Pour elle, c’est la communication paradoxale depuis le début de la crise qui suscite l’anxiété dans la population

« D’abord le masque ne sert à rien, puis il devient essentiel. Ce sont ces injonctions paradoxales qui perturbent. Pour ceux à qui cela tient à coeur de respecter les règles, ça créé de la sidération. Et lorsque l’on est sidéré, on ne sait plus quel chemin prendre et l’on ne sait plus comment faire. La sidération crée l’absence de mouvement. On se sent impuissant et l’on ne peut plus avancer », ajoute la psychologue.

Joséphine Syren regrette également la démarche responsabilisante du gouvernement au travers des publicités de prévention. Selon elle, les autorités cultivent l’atmosphère angoissante au travers du langage utilisé. « Pourquoi parler de gestes barrières? Une barrière signifie une séparation à l’autre. Pourquoi ne parler plutôt de gestes protecteurs ? C’est une injonction à se séparer les uns les autres », dénonce-t-elle. 

Cette crise exceptionnelle laissera sans doute des traces à plusieurs niveaux. Pour Bélall Rojoa, il est nécessaire d’analyser cette souffrance liée à la crise: l’impact sur les soignants, l’évolution clinique des malades, l’évaluation des méthodes pratiquées durant cette période (ex : la téléconsultation et son impact sur les soins) ou bien encore reconsidérer des moyens au niveau sanitaire avec des soignants qui étaient sur le terrain.

 

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