Correctionnelle jeudi 3, Saint-Pierre:
« L’ennui naquit un jour de l’uniformité« , dit le poète. Ce ne fut pas le cas ce jeudi à Saint-Pierre, lors de la séance du tribunal correctionnel.
« Il a séché ma bière, je l’ai séché !«
« Ti Angélo lété pas loin lété brûlé« , aurait chanté Luc Donat. Il est vrai que ce soir de mai, à Bois-d’Olive, Angélo était brûlé comme une savate, beurré comme un coing, rond comme une queue-de-pelle. Avisant un groupe de dalons fort occupés à jouer aux dominos dans le fénoir, il veut s’installer à leurs côtés. Ce qu’ils refusent vu son état d’imprégnation proche de la saturation. Il le prend mal et une idée aussi sotte que grenue lui vient : il s’empare de la bière de Jean-Yves et la siffle (la sèche) d’une lampée bien ajustée puis brise la bouteille en un geste de défi. Crime de lèse-dodo pour le moins. Jean-Yves réplique du paf-au-paf et lui assène un vigoureux coup d’une planche qui traîne dans le coin. Angélo a beau être râblé comme Rocky, il s’écroule et reste plusieurs jours dans un coma alarmant. Les médecins du CHSR le sauvent in extremis. Malgré la défense solide de Me Sago et des regrets affichés, l’auteur écope d’un an avec sursis (à défaut d’écoper une bière). Plus l’obligation de travailler, d’indemniser la victime et de se « désalcooliser » lui aussi. Boire ou siffler, il faut choisir.
Les turpitudes des uns…
L’un, Charlemagne, n’a pas inventé l’école mais est autodidacte en culture… de zamal. Si expert que ses plants, vigoureux, dépassent le faîte de son mur d’enceinte. Ce que ne pouvait manquer de remarquer Luciano, autre expert, dans l’art du « rodage de bons coups ». Ces plants qui se dandinent dans l’alizé le narguent. Chargez ! Charlemagne porte plainte pour vol. Luciano se défend comme un beau diable, arguant qu’il n’a pas volé puisque la plantation de zamal est interdite. Tous deux comparaissaient pour ces deux chefs d’accusation, un chacun, car les turpitudes de l’un ne peuvent excuser celles de l’autre. Trois mois avec sursis par tête, plus deux mois ferme pour Luciano en récidive. Quand vous volez, choisissez soigneusement votre larcin.
Minable mais « bad boy » quand même !
À la barre, il garde les bras croisés dans le dos histoire d’arborer fièrement le « bad boy » tatoué sur son avant-bras droit. Il n’en a pourtant vraiment pas l’air, Dimitri. Mince, voûté, effacé, presque éteint, il fait plutôt figure de second couteau, de tire-laine d’occasion, ce que confirme son CV judiciaire chargé comme une haleine de picoleur malgré ses 22 ans : 13 condamnations pour vols et recel. Hier, en un paquet cadeau, la Cour le recevait pour pas moins de 12 affaires de vol plus quelques tentatives. Car il arrive à cet Arsène Lupin du pauvre de se planter. Quand par exemple il tombe sur un propriétaire récalcitrant. Sans beaucoup de jugeote, il saisit l’occasion d’une fenêtre ouverte, d’une porte mal fermée, pour faire main basse sur de l’argent ou des objets aisément négociables. Comme il agit toujours de la même façon, les gendarmes de Piton Saint-Leu n’ont eu aucune peine à reconnaître sa « signature » dans toute une série de larcins. Dont il nie une partie, accusant les représentants de l’ordre d’avoir surchargé méchamment ses PV d’audition. « Mi veux bien admettre moin la volé mais pas ça que moin la pas fait« , pleurniche-t-il. Me Cazal, malgré son talent, avait affaire à forte partie : une présidente incisive, une partie civile à la dent dure, et un procureur en pleine forme. Que vouliez-vous qu’elle fît contre trois ? Vu la longue liste de ses exploits minables, Dimitri est reparti aussi encadré et menotté qu’en arrivant, avec un an ferme de rab’ et 1.500 euros d’amendes et remboursements divers. N’est pas monte-en-l’air qui veut.