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Correctionnelle : La bonne fée était bien trop cupide

Aimé Hoarau, de Saint-Joseph, cumule les infortunes. Aveugle, épileptique, diabétique grave, il vit en fauteuil roulant et habite dans une case en bois sous tôle, « une pauvre cabane, une masure », précise la présidente Pétureaux. Avec un handicap estimé à 80 %, il perçoit une AAH (allocation adulte handicapé) de 589 euros et une aide spécifique […]

Ecrit par Jules Bénard – le jeudi 18 septembre 2014 à 18H26

Aimé Hoarau, de Saint-Joseph, cumule les infortunes. Aveugle, épileptique, diabétique grave, il vit en fauteuil roulant et habite dans une case en bois sous tôle, « une pauvre cabane, une masure », précise la présidente Pétureaux.

Avec un handicap estimé à 80 %, il perçoit une AAH (allocation adulte handicapé) de 589 euros et une aide spécifique de 743 euros de la CAF. Se suffisant de peu, il parvient à économiser un peu d’argent sur trois comptes : 5000 euros au Crédit agricole, 7700 euros sur un Livret épargne populaire, plus un peu d’argent à la Banque Postale. Il se suffit de si peu qu’il a même amassé un petit pécule en liquide, 12.000 euros, qu’il enserre dans le canapé clic-clac qui lui sert de lit.

Coup de chance (c’est du moins ce qu’il croit), en 2007, le CCAS de Saint-Joseph lui met à disposition une aide ménagère, à laquelle il donne 1,75 euro de l’heure, le reste étant à la charge du CCAS. Marie Jocelyne Albiac va prendre son bonhomme en charge. De main de maîtresse. « Je lui faisais une confiance totale, confie le malheureux à la barre. Elle travaillait bien. Elle était si gentille, plus câline qu’un chat ! »

La fée du logis est si dévouée qu’elle se sacrifie à son service : au lieu de deux heures par jour, 5 jours par semaine, elle est là tout le temps ! Matin, midi et soir, week-end et jours fériés, elle ne vit que pour lui. Du moins le croit-il. Elle fait ses courses, prépare ses repas, déjeune et dîne avec lui.

Ce que le handicapé ne sait pas encore, c’est que sans avoir l’air d’y toucher, elle le connaît bien : avant d’être « placée » chez lui, elle a été au service de sa mère. Elle connaît très exactement son état de faiblesse insigne et de grande détresse.

Il vit bien sa situation mais la déveine, décidément, semble cependant le poursuivre. Un beau jour, cherchant sa petite réserve en espèces dans le clic-clac, il ne trouve plus rien. Les gendarmes enquêtent. « Votre aide ménagère, demande l’un d’eux, vous lui faites confiance ? – Totalement ! » répond-il avec conviction. Les 12.000 euros ne seront jamais retrouvés. Par crainte qu’on ne lui vole encore quelque chose, Aimé confie ses cartes et donne leurs codes à sa bienfaitrice. Mauvaise pioche mais tout continue d’aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Jusqu’à ce qu’un nouveau coup du sort vienne démonter toute la machination.

Pour parler de ceux qui accumulent les mauvaises fortunes, gramoune i dit « la chiasse na gros ventre ». La cabane brûle. Voulant la faire réparer, Aimé veut souscrire une assurance « garantie d’achèvement des travaux » mais pour cela, il a besoin de ses cartes bancaires. Lesquelles sont en possession de l’archange Jocelyne. Laquelle est curieusement absente depuis quelques jours. A-t-elle senti le vent tourner ? Il lui téléphone pour les récupérer ; elle prétend être hospitalisée pour un temps plus ou moins long pour cause de diabète et qu’elle les lui rapportera un de ces quatre !

Par l’entremise d’une association de bénévoles, Aimé parvient à rentrer en possession de ses cartes pour constater que tous ses comptes ont été vidés, à quelques dizaines d’euros près. Alors qu’ils auraient logiquement dû continuer d’augmenter : 700 euros lui suffisent amplement car ses besoins sont modestes, alors qu’il en perçoit environ 1200 par mois. Où est donc passé le reste, estimé à plus de 40.000 euros ? C’est là qu’on ira de surprise en ébahissement, du moins si l’on en croit les rares réponses et les quelques bredouillis exprimés par l’accusée.

Le feu roulant des questions d’une présidente qui ne cachera pas son exaspération, n’y change rien : si l’argent manque, c’est qu’il a servi à acheter à manger pour le handicapé. Na ! Il mange tant que ça ? « Il mange beaucoup et il aime les bons caris. Il ne veut que de la charcuterie de chez le charcutier, pas de chez la grande surface. Il aime les bichiques, les entrecôtes… Il lui fallait 80 euros de fruits et légumes par semaine, plus du Lovelac, de la légine, in tas d’bonnes choses. Il ne mange que des bons trucs ».Pantagruel n’est pas loin.

Plus loin, on apprend que le généreux monsieur lui donnait de l’argent en espèces, « 500 euros, 700 euros jusqu’à ! » Toutes affirmations que le vieux monsieur réfutera une à une car son handicap n’a jamais atteint sa mémoire pas plus que sa lucidité… sauf pour ce qui est de la confiance. Mais il jure qu’on ne l’y prendra plus.

Jusqu’au bout, la Petite sœur des pauvres niera avoir pris le moindre centime pour elle. « Il me faisait beaucoup de cadeaux ; il me payait au noir ». L’incongru de ces réponses n’a fait ricaner personne.

Elle ne peut expliquer le lessivage des comptes. Ni pourquoi ils ont recommencé à se regarnir quand elle a quitté son service. D’ailleurs, elle n’avait aucune raison ni autorisation pour purger l’épargne, ah ! C’est pas une preuve, ça ?

Une dépense chez Mado ? « Un cadeau pour moi », dont Aimé ne conserve aucun souvenir. Des dépenses en pharmacie alors que le handicapé bénéficie d’une couverture maladie universelle ? Là, elle admet qu’elle s’est servie. Une fois ! « Jusqu’à deux, trois retraits au gabier par semaine ? » insiste la présidente. « Les courses, toujours les courses ». A croire que le vieil homme est un consommateur compulsif achetant chez Hédiard de préférence.

Les relevés de comptes ont disparu… parce que les envois postaux ne sont jamais arrivés entre les mains de leur destinataire. La brave dame admet enfin qu’ils ont fini à la poubelle, précaution élémentaire.

Lorsque la victime a fini par porter plainte et que le pot-aux-roses fut enfin découvert, elle a encore tenté de l’amadouer : « Fais pas rente a moin la geôle ! » Ce qui s’apparente à une tentative d’intimidation de victime selon la présidente.

Marie Jocelyne Albiac a fini par démissionner de son poste au CCAS mais doit savoir se glisser entre les mailles : une démission n’ouvre normalement pas droit aux Assedic. Sauf pour elle ! Sûrement des arrangements avec le Ciel.

Me Nathalie Pothin, pour le compte de la victime, a fait appel à son Petit Larousse des invectives et tiré à la cadence d’une MG 42 : « Sa désinvolture, son sourire méprisant, son refus de répondre, ces silences qui en disent long… éclairent les aspects les plus sombres de l’âme humaine… Cupidité… Convoitise… Voracité… sous le masque de la générosité… Elle voudrait le faire passer, lui qui habite une cabane sordide, pour un amoureux du luxe ? Pour un glouton exigeant ? S’il lui fallait 80 euros de fruits par semaine, ce diabétique serait mort depuis longtemps ! »

Le procureur Elise Tamil a enfoncé le clou, ce qui ne laissait pas grande latitude à Me Goulamali, chargé de défendre l’indéfendable, à propos de quoi Me Albon, récemment, parlait « de l’honneur du métier d’avocat ». Le défenseur a tenté de ramener les choses à de plus justes proportions, en posant des questions qui, à un moment donné, ont suscité contre lui un tir de barrage pas piqué des hannetons, des parties adverses. L’incident d’audience a été évité de justesse.

Me Goulamali a aussi pointé du doigt la carence du CCAS qui ne contrôle rien et emploie n’importe qui. Il y a du vrai.

L’accusée se ramasse 12 mois de prison avec sursis, plus interdiction à vie d’occuper un emploi la mettant en contact avec des vieux ou des handicapés. Plus un remboursement de 41.127,77 euros pour l’argent disparu, et 1500 euros de dédommagement pour le préjudice moral.

 

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